Sahara occidental: «L’ONU doit cesser de pratiquer la politique des deux poids deux mesures»
Mohamed Kheddad Moussa. Représentant du Front Polisario auprès de la Minurso
«L’ONU doit cesser de pratiquer la politique des deux poids deux mesures»
El Watan, 21 décembre 2015
– Pourquoi l’ONU n’arrive toujours pas élargir les prérogatives de sa mission au Sahara occidental, la Minurso, à la surveillance des droits de l’homme ?
La question des droits de l’homme est très importante. Malheureusement, elle n’a pas beaucoup avancé. Toutes les missions de paix dans le monde ont compétence pour traiter des droits de l’homme. C’est malheureux qu’il en soit autrement pour la Minurso. Ce fait s’explique par le soutien accordé au Maroc par la France au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. Ce soutien était et demeure un obstacle à la paix et à l’application de la légalité internationale… pas seulement sur la question des droits de l’homme. Nous avons l’impression que la France joue la carte de la crise, du pourrissement et de l’instabilité.
Cette attitude contredit la politique de la France au Mali et dans d’autres régions du monde. Depuis 1975, la France adopte malheureusement un agenda de la tension qui provoque des fractures au Maghreb. Tout cela se fait bien évidemment au détriment d’un règlement démocratique et juste de la question sahraouie, d’un rapprochement entre les pays du Maghreb et de la construction maghrébine.
– Comment cela ?
L’Europe, sous la présidence française, soutient que c’est le rapprochement maghrébin qui va régler le conflit sahraoui. La réalité montre, au contraire, que c’est le règlement du conflit qui va faciliter le rapprochement maghrébin. La question qui est posée aujourd’hui est de savoir s’il faut respecter la légalité internationale et les frontières héritées de la colonisation ou bien s’il faut se taire devant l’expansionnisme, la domination et la redéfinition des frontières par la force.
C’est l’équation posée. Jusque-là, la France a opté pour le deuxième choix. Dès lors, il n’y a pas lieu de s’étonner que la France soit contre le respect des droits de l’homme dans les territoires sahraouis occupés illégalement par l’Etat colonial marocain et toutes autre proposition allant dans le sens d’un règlement du conflit conforme à la légalité internationale.
– La question sahraouie a tout de même connu des développements positifs ces derniers temps…
C’est le cas, effectivement. Le verdict de la Cour de justice de l’Union européenne, la semaine dernière, confirme que le Front Polisario est le représentant légitime du peuple sahraoui et que le Maroc occupe illégalement le Sahara occidental. Cette décision confirme aussi que l’Union européenne s’est trompée de politique ces quatre dernières années et qu’aujourd’hui, il est impératif que cette politique soit révisée.
Il n’est pas possible de construire une politique sur des dénis et sur le viol permanent de la légalité internationale. La décision du Parlement européen du 17 décembre dernier est également un désaveu cinglant à tous ceux qui s’opposent encore à la prise en charge par la Minurso de la question des droits de l’homme.
Celle-ci (la décision) admet aussi que la situation à l’intérieur des territoires sahraouis occupés est grave et qu’elle requiert un traitement urgent tant les droits de l’homme sont systématiquement et méthodiquement violés. Notre espoir est que les Nations unies prennent en ligne de compte ces nouveaux développements et que l’ONU cesse enfin de pratiquer la politique des deux poids deux mesures lorsqu’il s’agit du Sahara occidental.
– La visite du secrétaire général de l’ONU dans la région est perçue par les observateurs comme décisive. Qu’attendez-vous attendez de cette visite ?
La situation est dans l’impasse. La responsabilité de cette situation incombe au Maroc et à la France. Pourquoi encore la France ? Même durant les dernières discussions au sein du Conseil de sécurité, le 8 décembre dernier, la France était le seul pays, à l’exception du soutien reçu de la Jordanie, à s’opposer encore à un règlement du conflit conforme à la légalité internationale.
La France était isolée. Tout le monde (membres permanents et non permanents du Conseil de sécurité de l’ONU) a soutenu les déclarations du secrétaire généra, Ban Ki-moon, sur le Sahara occidental faites le 4 novembre dernier. Des déclarations durant lesquelles il a rappelé que le statut final des territoires sahraouis n’était pas encore défini, que le plan marocain d’autonomie bloque plus qu’il ne facilite le règlement du conflit et que, troisièmement, il est impératif d’entamer des négociations directes.
Le Conseil de sécurité avait réitéré, à l’occasion, son soutien aux efforts de Christopher Ross, l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental. Cette situation d’impasse est donc inadmissible. Nous espérons que la visite du secrétaire général de l’ONU participera à débloquer la situation et à aller vers la décolonisation du Sahara occidental. Nous espérons également de l’ONU entendra l’appel lancé par l’Union africaine, lors de son dernier sommet qui a eu lieu à Johannesburg, pour la définition d’une date pour le déroulement du référendum d’autodétermination du peuple sahraoui.
Zine Cherfaoui