L’autre bataille des Sahraouis

L’autre bataille des Sahraouis

El Watan, 18 décembre 2011

La cause sahraouie dans l’œil du cyclone ? Les derniers développements dans l’affaire de la prise d’otages, de trois humanitaires occidentaux à Tindouf, mettent en avant la possibilité d’une implication directe de ressortissants de la RASD.

«Si tel est le cas, et que des Sahraouis ont effectivement participé à cet enlèvement, ils l’ont fait à titre individuel. Comme pour n’importe quel pays, il y a des individus qui versent dans le crime. Mais cela ne veut absolument pas signifier que le Front Polisario est impliqué et entretient des liens avec le terrorisme et des groupes tel l’AQMI», a affirmé hier, dans une déclaration à El Watan, Mohamed Boukhari, représentant permanent de la RASD auprès des Nations unies, à New York.
«Il faut attendre la fin de l’enquête afin de tirer les conclusions, et prendre les mesures qui s’imposent», poursuit-il. Pour l’heure, les services de sécurité s’activent afin de rechercher les otages et leurs ravisseurs. «Si les investigations confirment la présence de concitoyens dans ce crime ou dans d’autres actes liés au crime organisé, nous allons les combattre», assure M. Boukhari.

Toutefois, les autorités sahraouies n’en démordent pas quant à l’implication directe ou indirecte du Maroc dans cette affaire. «Nous n’avons pas de preuves définitives qui écartent ce scénario. Les éléments de jugement en notre possession dans le cadre de l’enquête et des investigations par les services de sécurité continuent avec pertinence», explique M. Boukhari, aussi négociateur à l’ONU. D’ailleurs, les dernières arrestations successives sont, selon lui, un démenti flagrant à toute la «stratégie et la campagne» menées par le régime marocain contre la RASD. «L’occupant veut ainsi obtenir le soutien des grandes capitales, en tentant de démontrer qu’elle est la seule force organisée capable de faire face à cette menace», accuse-t-il. Le ministre sahraoui de la Défense, Mohamed El Bahouli, abonde dans ce sens, imputant l’organisation de cette opération au Maroc.
«Les services de sécurité de ce pays sont derrière cet acte terroriste. Ils ont été surpris d’apprendre l’arrestation d’un groupe de criminels, soupçonnés d’avoir participé à ce rapt», a-t-il déclaré à la presse.

«Cible du terrorisme transfrontalier»

C’est donc dans un contexte «régional» tout particulier que se déroule actuellement le 13e congrès du Front Polisario. Et la situation sécuritaire est au cœur de toutes les préoccupations menaçant la stabilité de la RASD. La prolifération de groupes armés dans le grand Sahara a ouvert un «nouveau front».
Et la présence active d’Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) dans le Sahel fait de la RASD, «victime de terrorisme de l’Etat marocain», la cible du terrorisme transfrontalier.
Depuis le rapt, en octobre dernier, de trois humanitaires européens dans le camp de réfugiés de Rabouni, à Tindouf, localité dont la sécurité est du ressort de la responsabilité du Front Polisario, tous les yeux sont tournés vers le gouvernement sahraoui. Ce qui ne peut que susciter l’embarras du côté de la RASD. A un point tel que, interrogés et pressés de toutes parts, les officiels locaux se perdent en démentis et en approximations.

Cacophonie de déclarations et de commentaires

Une chose est sûre : le Front Polisario a procédé à l’arrestation d’un groupe lié à cet enlèvement et ayant des liens avec «le crime organisé» et «la contrebande». Pour preuve, la présence parmi ce groupe d’un «baron de la drogue malien», tué par l’armée sahraouie lors d’un accrochage.
Certains affirment, au contraire, qu’il aurait été arrêté. Une chose est sûre, cette personne aurait eu des liens avec les dernières activités criminelles qu’a enregistrées la région. Pour ce qui est des arrestations, le nombre de personnes appréhendées, leur nationalité, leurs activités restent incertains. Selon les déclarations du ministre de la Défense sahraoui, Mohamed El Bahouli, onze individus auraient été arrêtés depuis le déclenchement de cette affaire, le dernier d’entre eux étant un Sahraoui.
Ce dernier a été appréhendé jeudi dernier dans les territoires libérés. Toutefois, d’autres responsables avaient affirmé que le bilan des arrestations en rapport avec cet enlèvement était de douze personnes. Quant à leurs nationalités, on estime qu’il s’agit de Maliens, de Mauritaniens et de Sahraouis, sans toutefois préciser leur nombre. «Nous laissons l’enquête suivre son cours», se sont contentés de commenter les officiels de la RASD.
Ghania Lassal


Treizième congrès du Polisario

La menace terroriste, «un nouveau front»

El Watan, 18 décembre 2011

«L’Etat sahraoui indépendant est la solution». Tel est le mot d’ordre du 13e congrès du Front Polisario, qui s’est ouvert jeudi à Tifariti, dans les territoires libérés au Sahara occidental.

Tifariti (Sahara Occidental). De notre envoyée spéciale

Quelque 2100 délégués sahraouis ont répondu présent afin de montrer leur détermination pour l’instauration d’un Etat indépendant, libéré du joug marocain. Ce «congrès historique», comme décrit par Khatri Addouh, président du Parlement sahraoui, et président de la commission de préparation de ces assises, l’est d’autant plus par la conjoncture durant laquelle il se tient, et la qualité des participants à cet événement.
Cette année a été marquée par le Printemps arabe et les soulèvements historiques de peuples contre la dictature et la répression. «Ces mouvements de citoyens qui aspirent à la liberté ont pu vaincre. Notre combat doit vaincre l’occupation, à l’instar des autres peuples», a plaidé M. Addouh, jeudi, lors de la séance d’ouverture du congrès. D’autant plus que les activistes sahraouis ne comprennent pas le «deux poids, deux mesures» appliqué à leur cause. «Le monde entier, tout particulièrement les puissances occidentales, ont intégré le principe que la volonté d’un peuple, quel qu’il soit, prime sur toute autre considération. Ces processus, qui sont encore en cours dans de nombreux pays, ont imprimé une révolution remarquable dans la région du Maghreb et des pays arabes.»

Bouleversements internationaux

«Toutefois, ces événements ont soulevé plus d’interrogations quant au rôle des grandes puissances dans ces processus. Des positions qui sont paradoxales, et qui témoignent d’un double standard de la part de l’Occident», a objecté Mohamed Abdelaziz, président de la RASD, dans son allocution d’ouverture de ce congrès. Et les bouleversements régionaux et internationaux n’ont pas manqué ces dernières années. Les révolutions arabes, certes, mais aussi, par exemple, le référendum au Sud-Soudan, «solution démocratique de l’ONU», qui a fait de la volonté d’un peuple une priorité et une réalité. «Pourquoi ce processus n’a toujours pas été appliqué au Sahara occidental ?», s’est interrogé le président et secrétaire général du Front Polisario.
De même, sur le plan international, l’élection de Barack Obama a changé le visage de la première puissance mondiale, a-t- il dit. Et d’ajouter que l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy en France a été marquée par un appui à la «politique expansionniste» du régime marocain. M. Abdelaziz a par ailleurs appelé «le nouveau» gouvernement espagnol à «assumer sa responsabilité historique et juridique envers le Sahara occidental».

Le président de la RASD n’a pas manqué d’interpeller la communauté internationale sur la question sahraouie.
«Nous lançons un appel à nos frères en Tunisie, en Libye et en Egypte, pour soutenir le combat de notre peuple, un peuple spolié et agressé qui a longtemps résisté et combattu loyalement pour la dignité, la liberté, la démocratie et l’autodétermination», déclare le président Abdelaziz. «Le Front Polisario appelle l’ONU à assumer pleinement sa responsabilité dans la décolonisation de la dernière colonie en Afrique et la levée du blocus imposé au territoire par le Maroc», a-t-il ajouté, devant une salle comble, suspendue aux lèvres de l’homme fort du pays.

«Une réalité incontournable»

Les Sahraouis se disent plus que jamais déterminés à faire aboutir leur combat, en réunissant les quatre piliers à même de fonder une nation : la volonté du peuple, la force armée, l’organisation et les instances politiques ainsi que la «République».
«L’expérience du peuple sahraoui n’a de cesse de s’enrichir, et l’expérience démocratique n’a de cesse d’être confortée. Une démocratie et une représentativité de la volonté du peuple pierre angulaire de la RASD», a commenté M. Addouh.
«La RASD est une réalité régionale et internationale incontournable», a martelé quant à lui le président sahraoui.

«Après tant d’années de souffrances et de luttes terribles, il n’y a plus de place au doute ou à l’hésitation. L’existence du peuple, de la patrie et de la volonté sahraouis est une réalité incontournable», a-t-il ajouté. D’autant plus que la menace marocaine pèse sur l’existence même du peuple sahraoui et du Polisario, en tant que représentant unique et légitime du peuple. «Le régime marocain croit gagner du temps, mais il est certain qu’il ne gagnera jamais les cœurs des Sahraouis», a conclut M. Abdelaziz.

Ghania Lassal


Des «renseignements précis» sur l’identité des auteurs du rapt des trois Européens

Le Polisario détient des renseignements précis sur l’identité du groupe auteur de l’enlèvement de trois ressortissants européens du camp de réfugiés de Rabouni (près de Tindouf), a indiqué hier à Tifariti le Premier ministre sahraoui, Taleb Omar, qui a assuré que le Front continuera à le traquer jusqu’à leur libération.

«Nous détenons des renseignements précis sur l’identité des éléments du groupe auteur de l’enlèvement de ces activistes dans le domaine humanitaire», a déclaré à l’APS Taleb Omar, en marge des travaux du 13e congrès du Polisario, ajoutant que «le Front a la ferme volonté de les traquer jusqu’à leur libération». «Tous les éléments de ce groupe ont un passé que nous connaissons», a-t-il poursuivi, soulignant, toutefois, qu’«il est prématuré de donner tous les détails sur ce groupe pour ne pas entraver le cours de l’enquête et des recherches».
Ghania Lassal