La routine autoritaire provoque l’Algérie périphérique
Le couffin judiciaire et l’émeute
La routine autoritaire provoque l’Algérie périphérique
Ahmed Selmane, La Nation, 30 Avril 2012
Bouteflika veut des élections « réussies » mais oublie – ou n’arrive pas – à suspendre la routine autoritaire du régime. L’argent du pétrole a permis de reconstituer une petite classe moyenne grâce à un accroissement de la dépense publique et non à un progrès productif. Les bureaucrates officiels de la politique estiment que cela dispense l’Algérie du changement. Quant à l’Algérie périphérique, celle des classes présumées dangereuses, elle continue à être gérée par un système qui fonctionne en pilotage automatique. Il n’y a pas de complot. Il y a un système bloqué qui tourne à l’aberration.
Emeutes à Jijel le 29 Avril 2012
Veille de 1er mai triste et routinière. A Jijel, Hocine Rachak, 25 ans, vendeur ambulant, est dans le service des grands brûlés de Constantine après s’être immolé par le feu quand les policiers l’ont sommé de déguerpir de son coin de l’espace public qu’il squattait. Ensuite, les choses sont sorties de la routine – même si elles ont un air de déjà-vu – avec des émeutes violentes et des édifices publics saccagés et incendiés. Quelques jours, auparavant, Abdelkader Kherba, chômeur, militant du Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC) et de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH) est en prison. Il a eu le tort de soutenir les greffiers en grève et il est poursuivi pour « «incitation directe à attroupement», «usurpation de fonction» et «entrave au fonctionnement d’une institution». Les avocats appellent cela le « couffin » où l’on met tout ce que l’on peut dans le code pénal. Et cela permet au procureur de requérir la peine de 30 mois de prison. Juste parce qu’on vient apporter un soutien à des grévistes du secteur de la justice. Sans rien casser. Pacifiquement. Certains seraient tentés de voir dans ces évènements, une preuve de plus que certains cercles dirigeants du régime ont décidé, pour leurs propres calculs, de donner un coup de pouce à la tendance à l’abstention qui n’en a pas vraiment besoin. On reste dubitatifs. Il n’y a pas de complot, il y a la routine d’un régime autoritaire avec ses réflexes et ses automatismes devenus une seconde nature à force d’être répétés sans fin. Certes, il y a une série d’éléments intrigants émanant du régime et de sa périphérie médiatique qui vont à l’encontre de l’apparente action d’incitation – souvent grossière – des algériens à aller voter pour « sauver la patrie » et « éviter l’ingérence étrangère ».
Une middle-class sans « têtes »
Veille de 1er mai triste et routinière. A Jijel, Hocine Rachak, 25 ans, vendeur ambulant, est dans le service des grands brûlés de Constantine après s’être immolé par le feu quand les policiers l’ont sommé de déguerpir du bout d’espace public qu’il squattait. Ensuite, les choses sont sorties de la routine – même si elles ont un air de déjà-vu – avec des émeutes violentes et des édifices publics saccagés et incendiés. Quelques jours, auparavant, Abdelkader Kherba, chômeur, militant du Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC) et de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH) a été mis en prison. Il a eu le tort de soutenir les greffiers en grève et il est poursuivi pour « «incitation directe à attroupement», «usurpation de fonction» et «entrave au fonctionnement d’une institution». Les avocats appellent cela le « couffin » où l’on met tout ce que l’on peut trouver dans le code pénal. Et cela permet au procureur de requérir la peine de 30 mois de prison. Juste parce qu’on vient apporter un soutien à des grévistes du secteur de la justice. Sans rien casser. Pacifiquement. D’aucuns seraient tentés de voir dans ces évènements, une preuve de plus que certains cercles dirigeants du régime ont décidé, pour leurs propres calculs, de donner un coup de pouce à la tendance à l’abstention qui n’en a pas vraiment besoin. On reste dubitatifs. Il n’y a pas de complot, il y a la routine d’un régime autoritaire avec ses réflexes et ses automatismes devenus une seconde nature à force d’être répétés sans fin. Certes, il y a une série d’éléments intrigants émanant du régime et de sa périphérie médiatique qui vont à l’encontre de l’apparente action d’incitation – souvent grossière – des algériens à aller voter pour « sauver la patrie » et « éviter l’ingérence étrangère ».
Des agents en pilotage automatique
Théoriquement, pour un régime qui veut apporter la « preuve » de sa bonne foi aux « observateurs étrangers », l’affaire Kherba avec son fameux « couffin » excessivement « chargé » est le genre d’ennui inutile qu’on évite. L’arrestation de Kherba aurait dû s’arrêter au niveau d’un commissariat… sans qu’elle ne donne lieu à des poursuites judiciaires et encore moins à des réquisitoires extravagant. A Jijel, dans un contexte politique que le régime juge « délicat », était-il nécessaire d’aller faire déguerpir un vendeur ambulant déjà à la périphérie de la vie mais qui croit qu’on le pousse vers l’enfer ? Le régime sait gérer ces moments particuliers. Après les émeutes de janvier 2011, des centaines de jeunes condamnés et emprisonnés ont été élargis rapidement… par décision qui est venue réparer la « routine » judiciaire. C’est pour cela qu’il ne faut pas voir un « coup fourré » dans l’affaire Kherba et le dérapage de Jijel. Ces faits n’apportent qu’un élément de plus au dégout de la politique que le régime a diffusé – c’est indéniablement son seul succès ! – à travers un jeu politique factice et des partis croupions. L’arrestation d’Abdelkader Kherba et les émeutes de Jijel ne sont probablement que le produit d’une routine de fonctionnement « non-conspiratrice » du régime. Et paradoxalement, cela montre à quel point le régime est bloqué et a dépassé le seuil d’incompétence. En d’autres temps, quand le système fonctionnait plus ou moins, la routine était adaptée à l’objectif immédiat. Quand on a des élections en vue et que l’on veut attester de sa bonne foi, on suspend la routine. On n’emprisonne pas un militant pour rien. Abdelkader Kherba a été arrêté – osons l’hypothèse ! – non pas sur ordre mais parce qu’aucun ordre n’a été donné aux « agents » de suspendre la routine. Dans l’entretien accordé à La Nation en février dernier, maître Mustapha Bouchachi avait évoqué un comportement quasi-pavlovien des agents du régime qui ont tendance à en rajouter… « Une journaliste m’a dit que le ministre (de la justice) défiait quiconque de lui citer un seul exemple d’une ingérence du ministère dans le travail des juges. Je lui ai répondu : j’aurais souhaité que le ministre prenne quotidiennement son téléphone pour parler aux juges afin qu’il leur dise que telle ou telle affaire a un lien avec l’image de l’Etat et de ses intérêts et qu’ils doivent veiller à appliquer la loi afin que les Algériens ne soient pas ridiculisés. Le problème est qu’ils ont poussé les magistrats à s’adapter et à se normaliser et à suivre le régime sans qu’il ait besoin de le leur demander ». Les agents, dont les revenus se sont améliorés, ont été « normalisés » et le système fonctionne en pilotage automatique. Jusqu’à l’absurde ! Et apparemment, il faut être dans l’Algérie périphérique, hors de la bulle du système, pour le constater.