Ghardaïa refuse la médiation d’Alger

Ghardaïa refuse la médiation d’Alger

El Watan, 3 janvier 2014

Un habitant de Ghardaïa est décédé, hier, suite à ses blessures, a annoncé Salim Bounab, chargé de communication de la sûreté de Ghardaïa.

Mourad Belkheirn, 23 ans, avait été touché à la tête le 26 décembre pendant les affrontements. 200 habitants ont été blessés depuis le début des événements. Trois sont encore dans le coma. 61 policiers ont également été blessés, dont cinq grièvement. 22 personnes ont été arrêtées par les forces de sécurité, dont 8 placés sous mandat de dépôt et 5 autres mis sous contrôle judiciaire. Les autorités ont annoncé que des psychologues seraient affectés dans les établissements scolaires pour soutenir les élèves lors de la reprise des classes, dimanche. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a reçu hier à Alger une délégation de citoyens représentant les communautés ibadite et malékite de Ghardaïa afin de mettre fin aux tensions qu’a connues cette wilaya ces dernières semaines.

La délégation était composée de 24 personnes représentatives des deux communautés (12 personnes chacune). A l’issue de cette rencontre, plusieurs décisions ont été prises afin de permettre le retour à la normale à Ghardaïa, notamment la création dans les communes touchées d’un conseil de sages, un «espace d’arbitrage et de conciliation» sur la base de la «coexistence harmonieuse et pacifique» ancestrale qui prévalait dans cette wilaya. Les représentants des deux communautés se sont, de leur côté, engagés à «tout faire» pour contribuer à dépasser les dissensions et reprendre sur de nouvelles «bases assainies les relations fraternelles» qui prévalent depuis des générations dans cette wilaya. Par ailleurs, le gouvernement a chargé le ministère de la Solidarité nationale d’examiner les différentes aides à apporter aux victimes des derniers incidents qu’a connus Ghardaïa, notamment ceux dont les demeures ont été touchées.

A cette occasion, le Premier ministre a invité les représentants de cette wilaya «à regarder vers l’avenir et à oublier le passé», appelant toutes les forces vives «à œuvrer à la restauration de la sécurité et de la sérénité» dans les différentes communes de Ghardaïa. Cette réunion intervient au lendemain de l’appel du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, qui avait souligné, lors du dernier Conseil des ministres, la nécessité de faire prévaloir les valeurs de tolérance, de concorde et de dialogue à Ghardaïa pour mettre fin à ces malheureux évènements. Le chef de l’Etat avait instruit le gouvernement «de poursuivre la démarche en cours à l’effet d’apporter les solutions appropriées auxquelles aspirent les citoyens de cette wilaya pour ramener la sérénité et la quiétude afin de préserver son développement harmonieux sur les plans économique, social et culturel».

Désavoués

Hier en fin de journée, des représentants de la communauté mozabite ont désavoué la délégation qui a rencontré le Premier ministre, Abdelmalek Sellal. En effet, selon ces représentants, seules 4 personnes ont été habilitées par la communauté à les représenter. «Ceux qui ont été reçus par le Premier ministre ne sont pas représentatifs de notre communauté. Ils n’étaient pas là lors des violences, alors que certains d’entre nous ont passé des nuits entières dehors pour calmer la tension», explique Mohamed Djelmani, un habitant mozabite. Dans un autre quartier arabophone, des habitants ont également dénoncé la composition de la délégation reçue à Alger. La grève des commerçants est toujours en cours. L’activité commerciale de la vieille ville est toujours paralysée. La moitié des commerçants ont répondu à l’appel de l’UGCAA pour restituer leur registre du commerce. D’autres ont même vidé leurs locaux. Dans le quartier arabophone, certains magasins ont ouvert à nouveau. Selon nos informations, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, et le ministre de l’Intérieur, Tayeb Belaïz, pourraient se déplacer à Ghardaïa.

Le secrétaire général du ministère de l’Intérieur était en visite hier dans cette ville. Une trentaine d’habitants ont appelé à une marche pacifique. «C’est un souci commercial avant tout et un problème entre jeunes. C’est à nous habitants de tenter de régler le conflit», explique Hasnaoui El Ghoul, journaliste et activiste. «Il y a eu plusieurs marches, des meetings, des sit-in, raconte Mohamed Djelmani. Les commerces sont toujours fermés, l’insécurité est là et cette fois ça a pris des proportions inégalées. Des lieux de culte et un cimetière profanés, ce n’est pas juste un accès de violence, de colère. Il y a de la manipulation.»

Une délégation de notables de Ghardaïa a été reçue par le FFS hier à Alger. Par ailleurs, le Parti des travailleurs (PT) a appelé mercredi les jeunes Ghardaouis à la retenue et à la vigilance et surtout à faire montre d’intelligence afin que leurs aspirations légitimes ne soient pas exploitées par des cercles occultes à l’issue des récents incidents survenus dans la wilaya. «A qui profite une telle situation et qui a intérêt à attiser la discorde entre les Algériens qui sont un exemple en matière de coexistence et de fraternité ?» s’est interrogé le PT dans un communiqué publié à l’issue de la réunion de son secrétariat provisoire. «L’instabilité et le chaos ne sont d’aucun intérêt pour les Ghardaouis qui ont besoin de solutions nationales à leurs problèmes», ajoute le parti dans son communiqué. Enfin, les autorités ont annoncé, hier, que 30 000 parcelles destinées à l’auto-construction seront distribuées aux citoyens de la wilaya de Ghardaïa.

Ces parcelles individuelles, dont la superficie varie entre 200 et 250 m2, réparties sur une trentaines de nouveaux sites, ont été circonscrites après étude d’aménagement dans les zones urbaines des communes de la wilaya et seront viabilisées avant d’être cédées en lots aménagés aux citoyens. 9000 parcelles seront octroyées dans la daïra de Ghardaïa, 3900 dans celle d’El Menéa, 3800 pour Bounoura, 3508 pour Métlili, 3000 pour Guerrara, 1900 pour Berriane, 1865 pour Zelfana, 1725 pour Mansourah et 1100 pour Daya Ben Dahoua. Quelque 2200 parcelles ont été également mobilisées sur une soixantaine de sites en milieu rural pour recevoir des logements groupés, dans le cadre du programme d’habitat rural. Ces programmes lancés à Ghardaïa visent en premier lieu à faire bénéficier les familles les plus démunies des subventions de l’Etat et à diversifier l’offre en logements dans le cadre de l’accès à l’habitat en intégrant l’habitat social subventionné en milieu rural, ont fait savoir les autorités.

K. Nazim (Ghardaïa) et Yasmine Saïd avec APS