Les coupures de courant qui sèment le trouble

Les coupures de courant qui sèment le trouble

El Watan, 8 août 2012

Tension à Constantine

L a population constantinoise vit un véritable cauchemar depuis quelques jours, en faisant face à des coupures d’électricité sans précédent, aussi bien par leur durée que par leurs conséquences désastreuses. Les habitants, tous quartiers confondus, endurent des interruptions de courant de plus de 18 heures.

Avant-hier, c’est une population excédée qui a investi le centre-ville et les artères principales, bloquant la circulation automobile (qui est déjà anarchique avec les innombrables chantiers), précisément au boulevard Belouizdad, à proximité du marché des Frères Bettou, à la place du 1er Novembre (ex-La Brêche), où des jeunes ont mis le feu aux barricades qu’ils ont installées, et en périphérie, notamment les cités Kaddour Boumeddous, 5 Juillet (avec plus de 20 heures d’interruption de courant), Zouaghi, Emir Abdelkader, Djenane Zitoun, Ziadia, Djebel El Ouahch, Oued El Had (où les émeutes ont été virulentes), etc., criant leur ras-le-bol de ces coupures d’électricité qui n’en finissent plus.

Dans certains endroits, des amas de pierres et autres objets hétéroclites sont toujours visibles, attestant d’une protestation latente, pouvant encore éclater à tout moment. Notons que le cas des habitants de la cité Filali est le plus édifiant, avec quatre jours complets sans courant électrique. Tous les commerçants de denrées périssables étaient désespérés avant-hier et hier. «Ma marchandise est avariée, j’ai dû tout jeter», s’écrie un marchand de volaille. Et tous de renchérir pour dénoncer les pertes incommensurables et autres dommages infligés par l’arrêt du courant électrique. Des citoyens disent avoir perdu toutes les denrées stockées dans les congélateurs. Plus grave encore, les malades chroniques, notamment les diabétiques, ont vu leurs médicaments s’avarier, à l’exemple de l’insuline qui se conserve impérativement au frais. La situation a généré des conséquences désastreuses sur la vie de tous les jours, que n’arrangent pas non plus des températures démentielles, frisant ces derniers jours les 45°.

Et tout cela en plein mois de Ramadhan, ce qui n’est pas fait pour calmer les esprits. Loin s’en faut.
Dans leur fureur, certains s’en sont même pris à d’innocents particuliers, en leur saccageant et brûlant les véhicules, sous le regard impuissant de tout le monde.
L’animation nocturne a été sérieusement compromise, avec des espaces commerciaux, des cafés et autres crèmeries complètement paralysés. Par ailleurs, les riverains ont été contraints de rompre le jeûne à la lumière blafarde des bougies (lesquelles ont également connu une pénurie), et des malades chroniques, ne supportant pas la chaleur, brusquement privés de fraîcheur…
Bref, une situation rocambolesque que ne sont pas près d’oublier les habitants du vieux Rocher. Nous savons, selon ce que nous avons appris lors de plusieurs conférences de la société de distribution du gaz et de l’électricité (SDE), que le réseau électrique de Constantine est vétuste, datant de l’époque coloniale.

Aucun responsable n’a eu le courage politique d’en imposer la réhabilitation ; 50 ans après, on en est encore au rafistolage dans la troisième ville du pays, que menace la catastrophe. Nous avons contacté le directeur par intérim, Boubaker Benmouhoub, qui, à 16h, était encore sur le terrain avec les nombreuses équipes d’intervention. Selon les explications qu’il nous a livrées, tous les problèmes proviennent du poste, source alimentant toute la ville de Constantine et qui se trouve au niveau de Chaâb Ersas (quartier situé sur la route menant vers la commune d’El Khroub).

Il déclare à ce propos : «Nous avons enregistré des dégâts sur trois câbles et nous sommes en train de les remplacer au fur et à mesure, sans compter les pannes collectives et individuelles avec des fusibles qui ont sauté. Il nous reste à intervenir sur un dernier poste, celui de la cité Daksi. Par ricochet, plusieurs localités ont été touchées, car la difficulté réside au niveau des câbles souterrains, qu’il faut localiser, pour ensuite creuser. Chaque demi-heure, nous procédons à la réparation d’un câble. Le courant reviendra progressivement au plus tard dans trois heures.» Farida Hamadou

4 agents de Sonelgaz séquestrés à Annaba

Sans électricité depuis deux jours, les habitants de la cité El Karia, relevant de la localité de Chaïba, commune de Sidi Amar (Annaba), ont séquestré, dans la soirée d’avant-hier, deux agents d’entretien dépendant de la direction de distribution Seybouse, Annaba. Deux autres ont subi le même sort à la cité 200 Logements de Hdjar Eddis, dans la même commune, également sans électricité depuis deux jours. Même le siège de la direction de distribution Seybouse a été assiégé par les habitants de Kherraza, dont la menace a fait fuir les travailleurs. Sous le regard impuissant des agents de sécurité, les deux premiers électriciens, Birèche Ali et Khezzane Seïf Eddine, ont été invités à ne pas quitter la cité jusqu’à le rétablissement de l’énergie électrique, sous peine d’être lynchés. Hier à l’aube, les deux otages ont été remplacés par deux autres : Khaled Charahbil et Bousbaâ Chawki, qui ont pris le relais. Cette situation a amené le wali de Annaba à convoquer une réunion d’urgence pour remédier à la situation.

Du côté des «ravisseurs», l’on affirme que «c’est la deuxième fois que le transformateur grille quelques heures à peine après son installation. Le jeûne, la canicule et les coupures d’électricité sont trop de contraintes à supporter à la fois. C’est la seule façon de régler le problème radicalement». Ce qui n’est pas l’avis de Salem Ahmed, secrétaire général du syndicat des travailleurs de la direction distribution Seybouse : «C’est un acte criminel de séquestrer un agent d’entretien ! Au moment où les dirigeants rentrent chez eux, ces agents sillonnent les localités de Annaba pour rétablir le courant électrique. J’exige aux autorités locales, dont les services de sécurité, d’assurer la sécurité de nos agents lors de leurs interventions. A défaut, ils sont dans leur droit d’éviter des missions risquées.» Quant au problème qui est à l’origine de cette situation, la même source affirme que «cette cité a fait l’objet du remplacement d’u

n transformateur neuf de 250 KVA. Il a cédé sous la surcharge due notamment au piratage qui pèse lourd sur l’équipement. Un deuxième transformateur a remplacé le premier. Il a subi les mêmes dommages. Il a fallu en ramener un autre, d’une puissance de 400 KVA, pour prendre en charge les besoins de la cité en énergie, y compris les branchements illégaux des bidonvilles». Vers 14h, deux autres agents ont été séquestrés par les habitants pour les mêmes raisons.
Même le centre-ville de Annaba n’a pas été épargné par les coupures, où les habitants des cités la Plaine Ouest, les Orangers, les Peupliers, la Colonne et autres ont préféré passer la nuit à la belle étoile pour fuir la chaleur des habitations. M.-F. Gaïdi

Danger sur les produits alimentaires à Tamanrasset

L es coupures répétitives d’électricité dans la ville de Tamanrasset, devenues monnaie courante en ce mois de Ramadhan, causent beaucoup de désagréments aux citoyens, contraints parfois de rompre le jeûne à la blafarde lumière des lanternes ou de bougies. Le moment tant attendu par les jeûneurs, après une sacrée journée coulée sous un soleil de plomb, est ainsi vécu dans le noir.
Le problème est toutefois ressenti avec beaucoup d’inquiétude par les commerçants de la ville, particulièrement les boulangers qui enregistrent des pertes inestimables et subissent les conséquences de ces pannes. «A chaque coupure, on enregistre des pertes évaluées à hauteur de 20 000 DA. Alors imaginez l’importance des dégâts quand on signale 4 à 6 coupures par jour», explique un ancien boulanger de la ville. Et de renchérir : «Ce n’est pas normal de rester pendant deux ou trois heures sans électricité dans cette wilaya où le mercure atteint des pics insupportables. Les services concernés doivent prendre au sérieux ce problème qui risque d’avoir des conséquences fâcheuses et pour les commerçants et pour les habitants qui auront à subir en plus des réverbérations intenables du soleil du jour, la chaleur torride à l’intérieur de leurs demeures par manque de climatisation.»

Il n’est pas le seul à faire part de ces préoccupations, puisque le problème alimente au quotidien les discussions des habitants qui se soucient surtout de l’état des produits alimentaires (laitiers, carnés, etc.) commercialisés sans respecter les normes de conditionnement en raison des perturbations enregistrées. A ce propos, le responsable de la direction de distribution d’électricité de la wilaya, Djouadi Mohammed, a tenu à préciser que «ces perturbations sont dues au manque de production et au déséquilibre engendré par la consommation effrénée et exagérée en cette énergie. Contrairement à l’été dernier, on a ressenti plus de coupures compte tenu de nos prévisions et des études menées dans le cadre de la satisfaction de la demande du client. Il faudrait néanmoins savoir que le parc de production qui s’est doté récemment de deux turbines d’une capacité productive de 18,83 mégawatts chacune couvrira tous les besoins des clients. Seulement, ces machines acquises d’une entreprise américaine sont en phase d’essai. C’est dire que ce matériel n’appartient pas encore à Sonelgaz ni à la société de production d’électricité, tant que ces essais ne sont pas encore concluants, car il y a un ensemble de conditions à réunir pour expérimenter ce matériel».

Des ingénieurs américains et des équipes spécialisées en la matière sont, en effet, sur place pour examiner le paramétrage de ces turbines, lesquelles sont toujours en rodage. On ne peut donc pas se permettre de les forcer dès le début à partir du moment où les essais ne sont pas encore terminés. «Mais on sait pertinemment qu’elles vont répondre aux besoins de toute la ville, particulièrement des quartiers où sont signalées plus de coupures. La période n’est certainement pas choisie (l’été et le Ramadhan, ndlr), mais il faut savoir que ce matériel n’est pas disponible sur le marché et que ses performances doivent impérativement répondre aux conditions et à l’environnement de notre wilaya.

C’est-à-dire, à chaque fois qu’il y a défection, on doit régler à nouveau les paramètres en fonction des valeurs demandées par les turbines», ajoute M. Djouadi qui assure qu’une fois ces machines fonctionneront d’une manière permanente, le problème sera définitivement résolu. A l’occasion, il a appelé les clients à consommer cette énergie rationnellement en période de pointe à l’effet d’éviter le gaspillage et les désagréments liés au délestage. «Pendant ce mois de Ramadhan, entre 12h30 et 16h30 et entre 19h30 et 23h30, l’on relève un appel de charge très important. Nous avons fait un petit calcul dans la ville faisant ressortir que si chaque foyer des quartiers les plus touchés contribue en éteignant deux lampes de 60w pendant
8 heures de temps, nous aurons gagné l’équivalent d’un groupe de 2,5 mégawatts/jour. C’est dire qu’avec la contribution des clients, nous pouvons largement éviter le délestage», a-t-il confirmé. Ravah Ighil