Nouveaux affrontements à Ali-Mendjeli : La guerre des gangs continue à Constantine

Nouveaux affrontements à Ali-Mendjeli : La guerre des gangs continue à Constantine

par Abdelkrim Zerzouri, Le Quotidien d’Oran, 19 novembre 2013

Le phénomène de la guerre des gangs prend une ampleur inquiétante. Les chiffres livrés à ce propos par le commandement de la Gendarmerie nationale sont tout simplement alarmants, voire terrorisants, et font clairement acte d’une menace grave sur la stabilité et la sécurité des citoyens. Qu’on en juge : « Les services de la Gendarmerie nationale ont traité durant les dix premier mois de l’année en cours plus de 70 000 affaires liées de près à la guerre des gangs et aux agressions violentes, donnant lieu à 71 596 arrestations et la saisie de quantités ahurissantes d’armes blanches ! », selon la cellule de communication de la Gendarmerie nationale. Soit, en moyenne, 7000 affaires par mois ou près de 233 affaires du genre traitées chaque jour par les gendarmes ! On enregistre dans ce sens une hausse de la criminalité, particulièrement le crime organisé et l’atteinte à la sécurité des personnes, à hauteur de 20 % par rapport à l’année 2012. En haut du triste hit-parade des villes les plus dangereuses, on relève que la capitale est classée première en matière d’insécurité, puis vient Oran et Sétif en troisième place. Désormais, le spectacle des bandes de jeunes qui sèment la terreur dans les quartiers lors d’affrontements violents à l’aide de poignards, d’épées, de bombes lacrymogènes, de cocktails Molotov, de fusils à harpon et autres jets de pierres, s’incruste dans la vie quotidienne des habitants. Désemparés par cette vague de violence grandissante, ces derniers ne savent plus à quel saint se vouer. « Nous avons peur pour nos enfants, le risque de les voir entraînés dans la spirale de la violence qui n’épargne plus personne », s’est lamenté un père de famille, fraîchement installé à l’Unité de Voisinage (UV) N° 14 à la nouvelle ville Ali-Mendjeli, une zone de Constantine où la vie est rythmée par la guerre des gangs depuis l’Aïd El-Adha. Dans la nuit du dimanche au lundi 18 novembre, ce quartier a encore été secoué par de violents affrontements qui ont duré de 19 heures jusqu’à 4 heures du matin. « Nous avons passé une nuit blanche », témoigne un habitant. Ce dernier avouera que les pères de familles sont sortis devant les entrées d’immeubles pour se défendre contre des assaillants armés d’épées et de fusils à harpon et qui saccagent tout sur leur passage en lançant aveuglément de grosses pierres contre les fenêtres et sur les véhicules en marche ou en stationnement. « Les habitants ont été contraints de se défendre, car les services de sécurité n’ont pas daigné répondre à nos appels au secours », nous dira-t-il. Hier, les élèves de deux écoles situées dans le périmètre ont rebroussé chemin dans la matinée après avoir trouvé les lieux totalement vandalisés ! Il semble qu’on ait juré que le calme ne régnera plus en cet endroit. Les causes ? Elles sont multiples, entre celles qu’on peut déterminer parmi les plus insignifiantes, comme les blessures laissées par des bagarres qu’on ne veut pas pardonner, les rancunes entre des bandes rivales et les luttes pour le contrôle des territoires, mais il y a des causes à cette violence qu’on ne déchiffre pas encore assez clairement. Des témoignages de riverains parlent de « manipulation des jeunes », poussés par des adultes vers cette voie pour des desseins inavoués. En tout cas, les gens vivent avec la peur au ventre. Beaucoup ont choisi de déménager vers des endroits plus sûrs, alors que ceux qui n’ont pas le choix, ils prennent toutes les précautions pour éviter de tomber dans l’engrenage de la violence. Un père de famille indique dans ce sens sur un ton plein d’appréhension, « aujourd’hui, les jeunes se constituent en groupe d’auto-défense, si l’un d’entre eux est victime d’une agression, il alerte les copains, les voisins et les proches pour aller régler son compte à l’agresseur, lui-même sous la protection de sa bande. S’ensuivra alors un cycle infernal de la vengeance qui fera longtemps planer un climat pourri». Pour leur part, les responsables de haut niveau dans les différents services de sécurité reconnaissent implicitement que ce phénomène de la guerre des gangs ne peut pas être maîtrisé par les seules forces de l’ordre. Il faut que les gens s’impliquent activement pour permettre la neutralisation des bandes qui sévissent dans la rue. Un vœu pieux et voué à l’échec si l’on tient en considération le sentiment de crainte de représailles pour quiconque oserait dénoncer ou témoigner contre un criminel. « C’est que l’absence des mécanismes de protection des témoins et de la garantie d’anonymat ne poussent pas les gens à agir dans ce sens, une voie synonyme de sérieux risques de vindictes contre eux et leurs enfants surtout », estiment plusieurs habitants. Le sentiment d’insécurité s’empare des esprits, un fait marquant de l’année 2013 qui touche à sa fin.