Zerhouni: «Que Hamrouche apporte les preuves sur la fraude !»

LE MINISTRE DE L’INTERIEUR POURSUIT SES ATTAQUES CONTRE LA PRESSE

«Que Hamrouche apporte les preuves sur la fraude !»

El Watan, 15 février 2004

Nourredine Yazid Zerhouni, ministre de l’Intérieur, a rejeté les accusations de Mouloud Hamrouche sur la fraude en préparation pour la présidentielle du 8 avril 2004. «Que Si Mouloud apporte les preuves ! Nous pouvons garantir que l’administration sera en dehors de toute dérive. Nous avons mis en place un mécanisme efficace pour garantir une transparence et une équité à l’élection», a précisé le ministre, lors d’une conférence de presse hier au siège de la wilaya de Tamanrasset, en marge de la visite du président de la République.

«Les bureaux de vote seront mis sous un contrôle total des représentants des candidats et des partis», a-t-il ajouté. Selon lui, Mouloud Hamrouche n’a pas suivi le déroulement des opérations de vote lors des législatives et des locales de 2002. «Parce que s’il avait suivi, il se serait rendu compte que ces scrutins n’ont fait l’objet d’aucun recours pour fraude», a relevé Zerhouni. Mouloud Hamrouche, ancien chef de gouvernement, avait annoncé, mercredi 11 février, qu’il ne participerait pas à l’élection présidentielle. «(…) La présidentielle ne peut être porteuse d’alternative ni annonciatrice d’issue. Elle est pilotée par les mêmes mécanismes enracinés de la fraude et les mêmes dispositifs de la tromperie», a déclaré Mouloud Hamrouche, qui a ajouté que le prochain scrutin ne sera pas ouvert. Zerhouni n’a trouvé aucun inconvénient du fait qu’il a déclaré, lors du passage du chef de l’Etat à Ghardaïa, qu’il voterait pour Bouteflika. «En tant que citoyen, j’ai le droit d’exprimer un point de vue. Cela n’entache en rien ma neutralité en tant que ministre de l’Intérieur. Cela a été vérifié auparavant», a affirmé Zerhouni. L’officiel a démenti les rumeurs relatives à son départ et à celui du chef du gouvernement. «La démission du chef du gouvernement et celle du ministre de l’Intérieur ne sont pas à l’ordre du jour. Il n’y a aucune utilité à cette démission. Et j’ai dit : en quoi l’arrivée d’un nouveau ministre de l’Intérieur allait garantir une élection régulière», a-t-il souligné. Le départ d’Ahmed Ouyahia, qui est également secrétaire général du RND, et de Yazid Zerhouni est, entre autres, exigé par des candidats potentiels à la présidentielle rassemblés au sein du groupe des dix. Le gouvernement est accusé, par le même groupe, de jouer le rôle de «comité de soutien» à la candidature d’Abdelaziz Bouteflika. Expliquant son refus de lever l’état d’urgence, Zerhouni a déclaré que certains veulent «utiliser» cette revendication de «cheval de bataille» pour la campagne électorale pour la présidentielle. «Sinon, ou ils ignorent le contenu de l’état d’urgence ou bien ils cherchent à limiter nos capacités de lutter contre le terrorisme (…). L’état d’urgence permet une coordination entre les différents services de sécurité dans la lutte antiterroriste», a-t-il dit. D’après lui, l’état d’urgence n’entrave en rien les libertés politiques. Son argument ? «La liberté d’expression est garantie : voyez les excès dans les journaux», a-t-il appuyé. La levée de l’état d’urgence, en vigueur dans le pays depuis février 1992, est revendiquée par les militants des droits de l’homme, des partis et des ONG internationales. Récemment, Lorne W. Craner, sous-secrétaire d’Etat américain aux droits de l’homme, à la démocratie et au travail, de passage à Alger, a exprimé le souhait de Washington de voir Alger lever l’état d’urgence. Les déclarations de Zerhouni, à partir de Tamanrasset, semblent être une «réplique» officielle à la demande américaine. Interrogé sur les activités extérieures d’Abassi Madani, chef de l’ex-FIS, le ministre de l’Intérieur a eu cette réponse : «Il faut attendre qu’il rentre en Algérie, de quelle manière il le fera, et nous aviserons.» Abassi Madani a été reçu, début février, à Ryadh par le roi saoudien à la faveur de la réception de l’Aïd El Kebir. Cela a irrité Alger et suscité de longs commentaires de presse. Interrogé sur le refus d’agréer les partis Wafa d’Ahmed Taleb El Ibrahimi et le Front démocratique (FD) de Sid Ahmed Ghozali, le ministre de l’Intérieur a affirmé que ces deux dossiers étaient clos. «Personne n’est venu nous solliciter à ce sujet», a-t-il annoncé. Taleb El Ibrahimi et Ghozali ont-ils abandonné leur projet ? Concernant l’affaire des touristes kidnappés et ses retombées sur le tourisme dans l’Ahaggar, Zerhouni a annoncé que l’Algérie a demandé à ses services consulaires de ne plus délivrer de visas individuels à des personnes désirant se rendre dans le Sud. «Les visas ne seront délivrés qu’à des touristes venant en groupes par le biais d’agences agréées. Selon nos informations, le flux touristique commence à reprendre, surtout à Tamanrasset», a indiqué le ministre. Abordant le volet de l’immigration clandestine, Zerhouni a déclaré qu’il n’est pas question de fermeture des frontières sud du pays. «L’Algérie, compte tenu de l’état de son économie, n’a pas les moyens de se permettre la fermeture des frontières», a-t-il expliqué. Selon lui, les autorités algériennes ne considèrent pas les Africains qui viennent au pays comme des clandestins. «Avec des pays africains, il n’existe pas de procédure de visa. Si ces personnes entrent légalement au pays, elles ne sont pas considérées comme des clandestins. Souvent, elles passent par l’Algérie pour rejoindre l’Europe. Aux Européens d’améliorer leur dispositif pour limiter l’immigration clandestine», a-t-il expliqué. Le dossier de l’immigration clandestine a constitué le «gros» d’une récente visite en Algérie du ministre français de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, et était au cœur du sommet des 5+5 (sud de l’Europe et Maghreb) à Tunis.

Par Fayçal Métaoui
Tamanrasset : De notre envoyé spécial