Bouteflika veut un second mandat de président
Bouteflika veut un second mandat de président
Sept candidats s’engagent dans la bataille pour l’élection présidentielle du 8 avril prochain. Le président sortant, dont le seul rival sérieux est Ali Benflis, part favori. Et cela malgré les rumeurs de conflit ouvert avec les généraux.
Le Parisien, 23 février 2004
Il aura attendu le dernier moment. Abdelaziz Bouteflika, 67 ans, n’a annoncé qu’hier, veille de la clôture du dépôt des candidatures à la présidentielle du 8 avril, qu’il briguait un second mandat, se sentant obligé de répondre à l’appel « d’un très grand nombre d’Algériens de toutes les régions du pays ». « Il sera sans doute réélu, déplore un haut fonctionnaire récemment évincé.
Depuis plus de sept mois, le président-candidat sillonne le pays, multipliant les promesses, filmé par la télévision nationale qui passe les reportages en boucle. Le tout aux frais de la présidence, c’est-à-dire de tous les Algériens. Il a asservi l’administration et l’utilisera pour bourrer les urnes. »
La réélection annoncée en irrite plus d’un. Il suffit de tendre l’oreille dans les salons de l’hôtel Saint-Georges, rendez-vous de la nomenklatura algéroise, pour s’en convaincre. Les épithètes peu flatteuses, voire injurieuses fusent sur « le dictateur ». « Il s’est emparé de tous les leviers du pouvoir, fulmine, sous couvert d’anonymat, un homme d’affaires. Les militaires n’en veulent plus mais ne savent pas comment s’en débarrasser ! » En 1999, les militaires avaient tiré Abdelaziz Bouteflika de son exil pour en faire le candidat du consensus. Avec 74 % des suffrages, il avait été « mal élu », ses six concurrents s’étant retirés à 24 heures du scrutin.
Fâché avec l’armée
En cinq ans, le président a cristallisé les haines. Il est traîné dans la boue par la presse privée, mis au pilori par la plupart de ses anciens amis, et en conflit ouvert, dit-on, avec ce sérail fait de hiérarques militaires, que l’on dit tout puissants. Une très insistante rumeur fait état d’une brouille définitive entre le chef de l’Etat et Mohamed Lamari, chef d’état-major de l’Armée populaire nationale. Ce dernier ne cesse de rappeler, publiquement et depuis des semaines, que l’armée restera neutre dans le déroulement du scrutin présidentiel. Au risque, donc, de faciliter la réélection de Bouteflika ?
Seul rival sérieux du président sortant, Ali Benflis, 59 ans. Secrétaire général du FLN, ex-Premier ministre de Bouteflika limogé en mai 2003, il bénéficie de l’appareil de l’ex-parti unique et de comités de soutien efficaces. Il est aussi le chef de file du fameux « comité des 10 », un front « antifraude ». Bouteflika a pour lui le ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, et son administration, le RND, parti d’Ahmed Ouyahia, son chef de gouvernement que l’on dit proche des généraux, l’organisation des moudjahidin (les anciens combattants) et l’UGTA (l’ancien syndicat unique). S’y ajoutent les zaouaïa, (influentes confréries religieuses), et le MSP, parti islamiste modéré. Sans oublier qu’il a su conquérir, lors de triomphales visites de travail, une partie de l’Algérie profonde. Et que le sérail, quand il se sait menacé, sait resserrer les rangs.
Reste que les Algériens, usés par dix ans de terrorisme sanglant, laminés par une crise sociale et un chômage endémiques, ne veulent que deux choses : qu’on ne les égorge plus et ne plus être pauvres. Ils seraient moins de 40 % à compter voter.
Catherine Tardrew
Le Parisien , lundi 23 février 2004