La Kabylie a voté dans un climat contrasté

 

La Kabylie a voté dans un climat contrasté

TIZI OUZOU (Algérie), 8 avr (AFP, 14h24)
Calme par endroits, tension ailleurs. Le vote s’est déroulé jeudi dans un climat contrasté en Kabylie, région montagneuse à l’est d’Alger en révolte contre le pouvoir, où des appels au boycottage de l’élection présidentielle ont été lancés.
Une aile des âarchs (tribus kabyles), fer de lance de la révolte qui secoue la région depuis trois ans, ainsi que le Front des forces socialistes (FFS) du dirigeant historique Hocine Aït-Ahmed, ont appelé au boycott.
En revanche, une autre aile des âarchs a appelé à un vote-sanction contre le président Abdelaziz Bouteflika alors que le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), autre parti fortement implanté ici, a présenté son président Saïd Sadi, natif de la région.
A Tizi Ouzou (110 km km à l’est d’Alger), la capitale de la Grande Kabylie, de petites files se sont formées devant les bureaux de vote où les représentants des candidats ont pris place.
« J’ai voté pour Ali Benflis qui symbolise l’intégrité etla droiture », affirme une femme avec un large sourire.
« Nous allons voter pour Saïd Sadi qui incarne le changement »,expliquent deux enseignantes.
Elles souhaitent que les électeurs ne soient pas « empêchés » de voter pour que la Kabylie « préserve son image de bastion de la démocratie » en Algérie.
Dans un bureau de vote installé à la mairie, la file est longue. Un homme exhibe sa carte d’électeur. « Je n’ai plus voté depuis 1988. Aujourd’hui, je veux sanctionner Bouteflika », dit-il en appelant les autres à faire comme lui.
Sur les murs, des mots d’ordre affirment: « La Kabylie belle et rebelle votera », « Sadi + Benflis = vote ».
« Pas de vote », « voter = trahir Lounès Matoub et Tahar Djaout » (unchanteur et un écrivain de la région assassinés, selon dessources officielles, par les groupes armés islamistes), répondent,en écho, d’autres affiches.
Des slogans hostiles aux candidats sont inscrits à la peinture noire.
A la cité des Genêts, fief de Bélaïd Abrika, un dirigeant des âarchs hostile à l’élection, des enfants brûlent des pneus et dressent une barricade avec des branchages.
« Le pouvoir tire ses dernières cartouches », lance-t-il entredeux appels sur son portable.
A une vingtaine de kilomètres de Tizi Ouzou, dans la vallée du Sébaou, le bourg de Fréha est noyé sous les gaz lacrymogènes. Des jeunes ont détruit les urnes et la police est intervenue. L’affrontement a tourné à l’émeute.
Ici, un meurtre mystérieux a secoué la bourgade jeudi et la tension est montée. Hakim Allouache, 24 ans, frère d’un délégué des âarchs partisan du boycottage, est mort asphyxié dans la nuit de mardi à mercredi dans l’incendie criminel de son kiosque à journaux, où il dormait.
Une enquête a été ouverte. Tout le monde ici est convaincu que c’est un « assassinat politique ».
Observant de loin les émeutiers, des hommes regrettent de n’avoir pas pu voter.
Plus haut vers la montagne, Azazga, une sous-préfecture, est quasiment déserte. Les premiers électeurs ont pu s’exprimer. En milieu de matinée, des jeunes se sont introduits dans les bureaux de vote, saccageant les urnes et brûlant les bulletins. « Les policiers n’ont pas bronché », disent des témoins.
A Bouzguène, au pied du mont du Djurdjura, tout respire le calme. Aucun incident n’a été signalé. Ceux qui ont souhaité voter ont pu le faire.
En début d’après-midi, le taux de participation était seulement de 10%.
« L’incident de Fréha n’est pas étranger à cette désaffection »,dit-on à la commission électorale.