Formulaires disparus d’El Ibrahimi
FORMULAIRES DISPARUS D’EL IBRAHIMI
La justice ne sera pas saisie
El Watan, 9 mars 2004
L’affaire de la disparition des formulaires d’Ahmed Taleb Ibrahimi, du Conseil constitutionnel est en passe de défrayer la chronique et ajoute au climat de tension qui règne dans cette précampagne électorale. Mohamed Saïd, porte-parole d’Ahmed Taleb Ibrahimi, s’interroge sur la raison pour laquelle «une volonté politique est mise en œuvre afin de pousser à l’explosion sociale et peut-être au report de l’élection».
Pour rappel, le candidat à la candidature, Taleb Ibrahimi, accuse le Conseil constitutionnel de n’avoir pas comptabilisé un certain nombre de formulaires, et d’avoir couvert le vol dans les locaux, pourtant gardés, du Palais des nations au Club des Pins. Le verrou de la porte aurait été forcé et la pièce visitée, selon Taleb. Mohamed Bedjaoui, président du Conseil constitutionnel, qui est resté injoignable, avait affirmé au quotidien Le Jeune Indépendant que «la porte n’a jamais été défoncée et, à aucun moment, la serrure de celle-ci, où étaient entreposés les cartons des formulaires de Taleb, n’a été changée». Selon lui, «un procès-verbal a été établi et signé par le rapporteur du dossier de Taleb Ibrahimi sur la difficulté d’ouverture de la porte de la salle. (…) Le rapporteur a eu du mal à ouvrir la porte et un autre collègue était présent à ses côtés. Les deux rapporteurs ont constaté que les scellés, posés la veille, n’étaient pas rompus. Pour venir à bout de la porte et de la serrure usée probablement par l’air marin, un bon coup a été nécessaire.» Cet argument «d’air marin» a été écarté par le président du parti Wafa lors de sa conférence de presse dimanche dernier. «Mohamed Bedjaoui a justifié cela en avançant que l’air marin avait endommagé la serrure. Comme par hasard, l’air marin n’a joué que sur la serrure de Taleb. Décidément, le ridicule a atteint des proportions hallucinantes», affirme Taleb. A ces accusations, Mohamed Bedjaoui appelle le candidat à venir vérifier par lui-même le contenu des cartons de formulaires. «Nous avons pris nos dispositions en gardant intacts les formulaires de tous ceux qui ont déposé un dossier auprès du Conseil constitutionnel. Et si M. Taleb Ibrahimi, ou un autre prétendant, veut que nous lui montrions ses 121 cartons avec les formulaires rangés selon ses soins, conformément aux chiffres portés sur chaque carton, nous sommes prêts», affirme-t-il. Réponse de Mohamed Saïd : «Oui, Mohamed Bedjaoui a fait cet appel, mais il ne l’a fait qu’après que la presse ne révèle l’affaire. Il aurait fallu qu’il ai ce réflexe lors du constat d’effraction.» Il semblerait que les soupçons du candidat «évincé» aient été éveillés, non pas par l’incident de la serrure fracturée, mais par l’intervention du ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, quelques heures après l’annonce des résultats du Conseil constitutionnel. «Mais quel sens donner au fait que le ministre de l’Intérieur s’érige en rapporteur du Conseil pour révéler la teneur de ses délibérations pourtant secrètes ? Il a également violé cette disposition constitutionnelle en portant à la connaissance de la presse que certains candidats n’avaient pas réuni le nombre de signatures avant même que les premiers intéressés ne soient informés», s’interrogait Taleb. «Comme acte politique, nous rejetons les résultats du Conseil constitutionnel. Ces résultats, nous ne les reconnaissons pas. Nous allons réagir en nous réunissant avec les éléments capables d’influer sur la scène politique nationale, parmi lesquels le groupe des dix qui se réunira aujourd’hui pour trouver une solution à cette injustice inqualifiable», affirme Mohamed Saïd qui exclut tout recours à la justice. «Quelle justice ? Ce serait la meilleure façon de leur offrir une porte de sortie honorable, car la justice n’est pas indépendante dans notre pays, le cas du FLN atteste», explique-t-il. Pour lui, il est clair que cette manœuvre entre dans les calculs du président-candidat. «Abdelaziz Bouteflika considère que le 8 avril prochain sera la date du deuxième tour, le premier tour, étant l’étape du Conseil constitutionnel», lance-t-il à l’adresse du président-candidat accusé d’avoir «utilisé et domestiqué la justice, les moyens de l’Etat et maintenant l’air marin pour se faire réélire.»
Par Akram Kharief