Les candidats à l’élection présidentielle doivent s’engager à ce que des enquêtes soient menées sur les fosses communes

Amnesty International

ALGÉRIE
Les candidats à l’élection présidentielle doivent s’engager à ce que des enquêtes soient menées sur les fosses communes
Index AI : MDE 28/001/2004
Lundi 9 février 2004

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Alors que débute la première semaine de la campagne officielle pour l’élection présidentielle du 8 avril, Amnesty International demande à tous les candidats de s’engager à accorder la plus grande attention aux découvertes de fosses communes contenant les restes de victimes présumées des violations massives des droits humains perpétrées au cours des dix dernières années.
« Des mesures urgentes doivent être prises pour protéger les sites des fosses communes où qu’ils soient, a déclaré Amnesty International. Quels que soient les auteurs des meurtres des personnes dont les restes sont enterrés sur ces sites, il faut que les autorités veillent à ce que les preuves ne disparaissent pas. »
L’appel d’Amnesty International intervient après les récentes et choquantes révélations, selon lesquelles les restes de dizaines de personnes exhumés le mois dernier d’une fosse commune dans la province de Relizane, à l’ouest du pays, auraient été transférés ailleurs, dans le but apparent de dissimuler ou de détruire des preuves de violations des droits humains. Les restes seraient ceux de civils enlevés et tués par une milice locale armée par l’État au milieu des années 90.
Ce n’est pas la première fois que sort ce genre d’information. En 2000, selon des défenseurs des droits humains en Algérie, les restes d’une vingtaine de personnes, enterrées dans une autre fosse commune dans la même région, auraient été exhumés et déplacés par les membres de la même milice afin de dissimuler leur crime
« Les restes de corps découverts dans des fosses communes constituent des preuves vitales pour les enquêtes qui restent à mener sur ce qu’on peut qualifier de crimes contre l’humanité commis en Algérie au cours des dix dernières années ; en outre, les proches des victimes ont longtemps attendu le moment de pouvoir les enterrer enfin de façon digne », a déclaré Amnesty International.
Au cours de ces dernières années, Amnesty International a, à maintes reprises, lancé des appels en faveur de la constitution d’une commission pour une enquête exhaustive, impartiale et indépendante sur les violations massives des droits humains commises en Algérie depuis 1992 par des groupes armés, des membres des forces de sécurité et des milices armées par l’État.
Depuis 1998, la presse algérienne a signalé la découverte d’une douzaine de fosses communes. Bon nombre d’entre elles étaient situées dans des régions particulièrement affectées par les violences au milieu des années 90. Les informations parues dans la presse laissent à penser que chacune de ces fosses communes contient les restes de très nombreuses personnes.
La manière dont les autorités ont réagi à la découverte des fosses communes a suscité beaucoup de craintes et d’anxiété. Outre le fait qu’elles n’ont pas su empêcher certains actes visant à masquer les crimes, les autorités ne semblent pas avoir enquêté sur le sujet conformément aux normes internationalement reconnues, ce qui aurait eu pour conséquence la destruction de certaines voire de toutes les preuves.
Ce sont surtout les familles des milliers de personnes, enlevées par des groupes armés au cours des dix dernières années, dont on pense qu’elles ont été assassinées mais dont on n’a jamais retrouvé les corps, qui sont touchées. Pour ces familles, les restes de leurs proches pourraient se trouver dans une de ces fosses communes et elles espèrent que leurs restes pourront être exhumés et identifiés au plus vite, afin de pouvoir les enterrer dignement.
Les associations de familles de « disparus » sont également très inquiètes ; elles pensent que certains sites pourraient contenir les restes des civils « disparus » après leur arrestation par les forces de sécurité ou des milices armées par l’État au milieu des années 90.
La manière dont les autorités algériennes ont abordé la question des fosses communes résume leur incapacité à adopter une attitude concrète face à l’héritage de dix années de violence, au cours desquelles plus de 100 000 personnes ont été tuées et des milliers d’autres ont « disparu ». À ce jour, pratiquement aucun effort n’a été fait pour tenter d’établir la vérité sur ces exactions et traduire leurs auteurs présumés en justice. Les victimes et leurs familles n’ont obtenu aucune réparation et la population n’a toujours aucune garantie que les crimes dont elle a été témoin ces dernières années ne se répèteront pas.
Complément d’information
La dernière découverte d’une fosse commune dans la province de Relizane a été annoncée lors d’une conférence de presse à Alger le 27 décembre 2003 par Mohamed Smaïn, défenseur des droits humains. Il a expliqué avoir été alerté à propos du site par des gens vivant à proximité qui avaient découvert des restes humains et des morceaux de vêtements.
On avait trouvé sur le site un pantalon imperméable et un briquet, qui avaient été reconnus par une famille locale comme objets ayant appartenu au « disparu » Abed Saidane. Selon la famille, Abed Saidane, commerçant de quarante-huit ans, père de sept enfants, portait ce pantalon lorsqu’il avait été enlevé, en présence de plusieurs personnes de sa famille, par des membres d’une milice locale armée par l’État, le 9 septembre 1996. Les milices locales seraient à l’origine de la « disparition » de plus de deux cents civils dans cette région dans le milieu des années 90.
Mohamed Smaïn, président de la section locale de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), a dénoncé à de nombreuses reprises les milices locales armées par l’État qu’il soupçonne d’être responsables de ces crimes. Les miliciens qu’il dénonçait dans sa campagne ont intenté une action pénale contre lui en 2001. En janvier 2002, il a été reconnu coupable de diffamation et condamné, en appel, à une peine d’un an d’emprisonnement, ainsi qu’à une amende de 5 000 dinars (un peu plus de 55 euros) et à 270 000 dinars (environ 3 085 euros) de dommages et intérêts à verser aux plaignants. Il a été laissé en liberté en attendant que la Cour suprême statue sur son cas. S’il était incarcéré, Amnesty International le considérerait comme un prisonnier d’opinion.
Amnesty International appelle les gouvernements, lors d’enquêtes sur des sites contenant des fosses communes, à respecter les normes internationales reconnues, en particulier le Protocole type d’exhumation et d’analyse des restes du squelette, établi par les Nations unies. l

Pour plus d’informations, veuillez consulter le dernier rapport d’Amnesty International sur l’Algérie, intitulé Algérie : Mesures prometteuses ou simples faux-fuyants ? (index AI : MDE 28/005/2003) du 16 septembre 2003

Pour obtenir de plus amples informations, veuillez contacter le Service de presse d’Amnesty International à Londres, au +44 20 7413 5566, ou consulter le site http://www.amnesty.org