Algérie : Bouteflika, le retour
Algérie : Bouteflika, le retour
Risques Internationaux, www.risques-internationaux.com, 26 février 2004
L’Algérie semble avoir inventé la tactique du bouc émissaire inversé. Le vent tourne, aujourd’hui, en faveur du président Bouteflika, pourtant chargé de tous les maux de l’Algérie par son ancien directeur de campagne, puis premier ministre, Ali Benflis, jusqu’ici relayé par la plupart des journaux francophones d’Alger. Le front « anti-fraude » qui s’était formé autour de celui-ci s’est lézardé avec le retrait de tous ceux qui avaient gardé – même au sein des années les plus noires – une image positive au sein de l’opinion algérienne : le général Rachid Benyellès, Mouloud Hamrouche, Ahmed Benbitour… Les déçus de feu « le groupe des 11 contre la fraude » n’ont pas beaucoup apprécié d’être utilisés par le chef d’état major de l’armée algérienne, Mohamed Lamari (qui s’est refait une « virginité » à cette occasion en scandant que l’armée n’interviendrait pas dans le scrutin, « juré, craché, pas comme en 1999 ! »), ni de jouer les faire-valoir d’une « compétition qui n’en est pas une » (dixit Mouloud Hamrouche).
Que s’est-il donc passé ? D’abord, les attaques contre Bouteflika ont pu assez facilement être renvoyées contre son adversaire, dans la mesure où Ali Benflis est apparu comme l’alter ego du président assez longtemps pour ne plus être crédible aujourd’hui dans toutes ses critiques. Ensuite Bouteflika a réussi à apparaître comme une victime au yeux d’une partie significative de la population algérienne… Celle qui ira voter (soit un quart ou le tiers des électeurs inscrits). Bref, tout se passe comme s’il sortait innocenté d’une épreuve du feu : chargé de tous les maux, le bouc émissaire a marché sur les braises, mais n’a pas brûlé. Seule la responsabilité des maux de l’Algérie s’est envolée en fumée, faute d’avoir su trouver « un coupable »… Bien sur, 60 % de la population algérienne reste dubitative mais, de toute façon, elle n’ira pas voter.
Pourquoi les « décideurs » de l’armée algérienne ont-ils fini, bon gré, mal gré, par accepter Bouteflika comme un moindre mal, au point de faciliter les ralliements importants autour de sa candidature : le RND, parti crée par l’ex-président Zéroual et dirigé par l’actuel premier ministre Ouyahia (que l’ont dit depuis longtemps le préféré des généraux mais trop impopulaire pour se présenter à visage découvert), l’UGTA (ancien syndicat unique, lié au FLN), le MSP, parti islamiste dit « modéré », les Zaouaïa (confrérie religieuses) et, pour finir, toutes les organisations patronales ?
En fait la réponse est simple : Bouteflika a montré ses muscles en se vantant, grâce à ses relations internationales, d’être devenu « le protecteur de généraux » : « Je suis le seul à pouvoir empêcher leur traduction devant le TPY » aurait-il ainsi confié à Maria Robinson.
Mais à l’inverse, les généraux, Nezzar en tête, ont démontré qu’ils auraient pu choisir un autre champion, appuyé par le FLN qui plus est ! Match nul ! Le deal est transparent, et il s’appelle amnistie. Farouk Ksentini, président de la commission »ad hoc » chargée des disparus (et dont la femme, juge à Blida, a fermé les yeux sur nombre de ces disparitions) est chargé de clôturer la question en indemnisant les familles des victimes. L’amnistie des généraux est en bonne voie et un accord est intervenu, entre eux, pour qu’elle soit confiée, in fine, à Bouteflika, celui qui, seul, peut la faire admettre à l’échelon international.