Les raisons d’un retrait anticipé

RACHID BENYELLÈS

Les raisons d’un retrait anticipé

Le Quotidien d’Oran, 19 février 2004

Le général à la retraite, Rachid Benyellès, premier à annoncer sa candidature à l’élection présidentielle, est depuis hier le premier à se retirer de la course, après que Mouloud Hamrouche eut renoncé à son intention de se porter candidat. Lors d’une conférence de presse convoquée pour expliquer sa décision, Benyellès s’est longuement exprimé sur les mobiles de sa décision.

Il ressort de son argumentaire que la politique du président Bouteflika est à l’origine de ce retrait prématuré au regard de l’instrumentalisation de l’administration, de la confiscation des médias lourds qui ont planté, à ses yeux, le décor d’une élection biaisée d’avance. Il accuse le «clan présidentiel de faire main basse sur l’Etat algérien, réduit à une propriété privée».

Après avoir rappelé les raisons qui l’ont poussé à se porter candidat, à savoir «empêcher Bouteflika de continuer à sévir contre ce pays pour cinq longues années encore et accéder à la magistrature suprême pour concrétiser les engagements contenus dans mon programme», le conférencier décrit les entraves dressées contre les profils de candidatures susceptibles de poser problème au président sortant. Il constate d’abord avec regret que la neutralité de l’armée – à laquelle il croit toujours – n’est pas suivie par la neutralité de l’administration et des autres institutions à l’image du gouvernement dans son ensemble dont le parti pris en faveur de Bouteflika ne souffre aucun doute, selon lui.

Il s’interroge si le désengagement de l’institution militaire n’a pas laissé le champ libre au «cercle présidentiel qui fait du second mandat un objectif à atteindre à n’importe quel prix». Une situation aggravée par l’attitude partiale du gouvernement en place présenté comme un état-major de campagne alors que les autorités locales sont transformées en «relais d’exécution». Benyellès soulignera, plus loin, que c’est pour contrer ces dérives que le groupe des 10 s’est constitué mais dont les revendications ont été superbement ignorées par le pouvoir. Au regard de ce qui précède, la conclusion du général à la retraite est tout évidente: le prochain scrutin ne sera pas honnête, ni sincère.

Benyellès signale, d’autre part, des embûches dès l’opération de collecte de signatures. Les mauvaises langues diront que c’est l’incapacité de réunir les 75.000 signatures qui fonde son retrait prématuré mais Benyellès les dément à sa manière. Il a collecté plus de 111.800 signatures à travers 40 wilayas mais il n’a pu en légaliser que 35.231. L’opération de légalisation serait soumise à des conditions invraisemblables jalonnées «d’intimidations, de pressions et de représailles», quand la souscription bénéficie à un candidat hostile à Bouteflika.

L’ex-candidat à la candidature tire un enseignement de cette opération fastidieuse: recueillir des signatures est une chose, les faire légaliser est une autre. Alors, il préfère devancer la décision de rejet du dossier par le Conseil consultatif, en jetant l’éponge à ce stade de la compétition. Il se retire de la course aux élections mais pas de l’activité politique aussi bien dans le cadre du groupe des 10 dont il a vanté le mérite, et pour lequel il prédit une longue vie, qu’à titre individuel. L’objectif pour lui est simple: «Chasser du pouvoir Bouteflika avant la fin de son mandat».

Invité à commenter la mise en place de l’alliance présidentielle, le conférencier se limitera à parler du MSP pour sa «trahison». «Ce parti a les germes de la trahison dans le sang», a-t-il asséné. Quant au groupe, «c’est un cadre de concertation intéressant que tous les partenaires veulent maintenir en vie en dépit des différences d’approche», à élargir éventuellement à d’autres forces. S’agissant de ses consignes de vote, il n’a pas l’intention de les donner au premier tour pour ne pas pénaliser, argue-t-il, ses alliés du groupe des 10 qui resteront en lice.

Commentant les incidents de Sfax, le général à la retraite s’estime indigné par la brutalité de la police tunisienne et appelle les Algériens à boycotter la Tunisie aux prochaines vacances. Tout comme il trouve scandaleux que le ministre de l’Intérieur algérien justifie la violence qui s’est abattue sur les ressortissants algériens, dans le sillage du match de foot comptant pour la CAN 2004, entre l’Algérie et le Maroc.

Omar Sadki