Ammar Saâdani: «Désormais, à chaque dépassement, nous répondrons par un dépassement»

Ammar Saâdani hausse le ton et parle au nom du pouvoir

«Désormais, à chaque dépassement, nous répondrons par un dépassement»

Le Soir d’Algérie, 25 octobre 2015

Ammar Saâdani hausse le ton de plusieurs crans et accélère la cadence de son allégeance, déjà fort effrénée, à Bouteflika. Hier, il animait un meeting à l’hôtel Hilton d’Alger devant des milliers d’élus locaux du Front de libération nationale de la région du centre et de l’extrême sud du pays. Officiellement, dans la perspective des prochaines sénatoriales de décembre mais, en réalité, pour mener campagne en faveur de Abdelaziz Bouteflika.
Kamel Amarni – Alger (Le Soir) – Le discours, à la limite de la vénération de l’actuel locataire du palais d’El-Mouradia, se voulait cru et dévastateur. On se croirait en pleine campagne présidentielle ! «Je m’adresse à tous ceux qui osent critiquer le Président et qui prétendent qu’il n’a rien fait, rien réalisé. Allez, chiche ! Montrez-nous ce secteur où il a failli ? Le logement ? La paix ? Les routes ? La construction des universités ? La diplomatie ? Allez-y ! Expliquez-nous, vous qui connaissez tout, dites la vérité !»
Saâdani parle, bien sûr, de l’opposition. «Ce Président a sillonné le monde pour le bien de l’Algérie. Je dirais à ceux qui ne parlent que du fauteuil du Président qu’ils n’ont qu’à attendre 2019. Et puis, qu’ils nous montrent leurs programmes à eux.»
Le SG du FLN ne résistera pas à la tentation de s’en prendre, encore une fois, à sa cible préférée, Louisa Hanoune. «Je m’adresse aux partis. Ce Président a été élu et vous avez tous participé à son élection. Louisa a même participé à la campagne ! Elle a soutenu le Président et, aujourd’hui, elle vient nous dire qu’il n’a pas honoré ses engagements. C’est de l’indécence ! Le Président a-t-il pris des engageants avec le peuple ou avec Louisa ?» lâchera encore Saâdani, un brin ironique. Il enfoncera le clou : «Franchement, on ne comprend pas Louisa. Elle passe du “pouvoir assassin” à “vive le Président”, puis elle dénonce le “parti unique” et je ne sais ce qu’elle va encore nous sortir demain !» Il enchaînera avec le sujet dominant de cette fin 2015, les changements à la tête du DRS et dans l’armée. «Aujourd’hui, je vais appeler un chat, un chat ! Combien de généraux ont-ils quitté l’armée sans jamais que personne en parle ? Pourquoi ceux qui pleurnichent aujourd’hui sur le cas de quelques généraux n’ont rien dit sur d’autres généraux qui quittaient l’armée des années durant ? La Constitution doit être
respectée ! Ces gens-là oublient-ils que le Président est le ministre de la Défense et chef suprême des Forces armées ?»
Ce disant, Saâdani lancera cette menace lourde de sens : «Désormais, à chaque dépassement, nous répondrons par un dépassement.» Pour «coller» à l’actualité nationale, en l’occurrence «la Journée nationale de la presse» instituée par Bouteflika en 2014, Saâdani parlera d’abord des organisations internationales, particulièrement Amnesty International. «Je dis à ces ONG, où étiez-vous quand l’Algérie était colonisée ? Où étiez-vous quand l’Algérie subissait le terrorisme barbare ? (…) Je leur dis que ceux qui parlent de la presse, des journalistes algériens, doivent savoir que ces journalistes-là sont tous d’authentiques nationalistes. Moi, je suis fier de la presse et des journalistes de mon pays. Au FLN, nous voulons une presse libre. Une presse qui jouirait d’une protection complète et c’est ce que prévoit la prochaine Constitution.»
Après cet hommage aux journalistes, Saâdani revient à son créneau fétiche, l’encensement excessif de Bouteflika : «Avant Bouteflika, rappelez-vous comment était la presse nationale. Avant, ne parlait-on pas de l’ENTV en la traitant d’orpheline ? Aujourd’hui, grâce à Bouteflika, cette orpheline n’a-t-elle pas enfanté plusieurs chaînes ? Sous Bouteflika, n’avons-nous pas plusieurs chaînes de télévision, n’avons-nous pas l’internet ? N’est-ce pas sous le règne de Bouteflika que la presse est devenue libre ?» Une louange pour le moins de trop ! Bouteflika en personne n’avait-il pas dit publiquement, et à plusieurs reprises, être franchement contre l’ouverture de l’audiovisuel ? «Nous avons déjà commis une grave erreur avec l’ouverture de la presse écrite. Je ne vais tout de même pas refaire ça avec l’audiovisuel. Non ! Je n’ouvre pas l’audiovisuel. Et tant que je serai là, il n’y aura qu’une seule chaîne de télévision, une seule chaîne de radio et une seule agence de presse (…) Je ne vais tout de même pas ouvrir la télévision à l’opposition.» Voilà, en gros, ce qu’affirmait Abdelaziz Bouteflika sur l’ENTV en mars 2004…
K. A.