Saâdani, l’homme qui annonce tout
LAKSACI, KHELIL, GÉNÉRAL TOUFIK
Saâdani, l’homme qui annonce tout
Le Soir d’Algérie, 2 juin 2016
Ammar Saâdani ne parle pas pour ne rien dire. Sous les aspects d’un personnage au discours bouffonesque, se dissimule à l’évidence l’homme choisi par les centres de décision pour faire passer leurs plus importants messages et donner des orientations sur les nouveaux changements de cap politiques.
Abla Chérif – Alger (Le Soir) – Souvent, les évènements sont annoncés de manière fracassante, avec des termes crus pouvant même choquer. C’est ce qui s’est passé avec le gouverneur de la Banque d’Algérie. Au cours des semaines passées, le secrétaire général du FLN s’est concentré avec beaucoup d’intérêt sur le cas Laksaci le rendant responsable de tous les aléas que connaît aujourd’hui l’économie nationale. «Il est responsable de la dévaluation de la monnaie algérienne et se trouve en partie responsable de la situation économique dans le pays», déclare-t-il dans une interview menée par le journal en ligne TSA. Plus grave, il affirme que «la Banque d’Algérie n’a jamais été gérée par Laksaci mais par un général à la retraite (…) il a trahi la confiance du Président Bouteflika. Nous voulons qu’il démissionne ou que l’on mette fin à ses fonctions». Invité quelques jours plus tard au forum de la Chaîne 3, Ammar Saâdani revient à la charge : «C’est l’une des catastrophes de l’économie nationale (…) il est responsable de la baisse des revenus extérieurs du pays et de la dégradation de la situation économique (…)» Les interviews ont été accordées à la fin du mois de mars dernier.
Mardi, en fin d’après-midi, le gouverneur de la Banque d’Algérie était limogé en plein Conseil des ministres présidé par Bouteflika. Saâdani a eu gain de cause (?) ou raison. Etait-il informé des évènements qui allaient suivre ou chargé d’en faire part ? Ses propos se sont en tous les cas concrétisés. Comme l’ont été auparavant d’autres annonces tout aussi importantes ou même plus.
Celle qui concernait le général Médiène, par exemple. Le SG du FLN avait confirmé toutes les folles rumeurs qui précédaient le limogeage du tout-puissant patron du DRS en l’accusant ouvertement et publiquement d’être responsable de tous les maux que traverse le pays.
Le général Toufik a été écarté de ses fonctions quelque temps après. S’en est suivi l’épisode de Chakib Khelil. Alors même que l’ancien ministre de l’Energie se trouvait éclaboussé dans une affaire de corruption à Milan (procès Saipem-Sonatrach), Ammar Saâdani entame une campagne de réhabilitation qui choque l’opinion nationale. Chakib Khelil est présenté comme étant «le plus compétent ministre que l’Algérie n’ait connu» et comme la victime d’un complot fomenté par le DRS. Peu de temps s’écoule avant que celui-ci ne débarque avec tous les honneurs à l’aéroport d’Oran. A l’époque, Saâdani annonçait également le prochain retour de Chakib Khelil à un poste de responsabilité.
Le président de la République, déclarait-il alors, «va lui proposer un poste». La suite n’est pas connue, mais l’activisme de l’ancien ministre, ces tournées à travers les zaouïas du pays et la multiplication de ses interventions sur certaines chaînes télévisées laissent fort à parier que les déclarations de Saâdani ne resteront pas lettre morte. Jusqu’à l’heure, les «prédictions» du secrétaire général du FLN se sont presque toutes avérées justes. Seul point d’ombre, l’annonce concernant le remaniement ministériel qui était, selon lui, prévu pour les mois passés. Il avait soutenu mordicus qu’un changement allait intervenir dans la composante gouvernementale et que celui-ci allait consacrer le FLN à sa tête.
Cette fois, la prédiction n’a pas eu lieu, mais la raison semble être liée à des facteurs en étroite relation avec l’état de santé du président de la République et des conséquences qui en découlent…
A. C.