Lettre ouverte du FIS

Lettre ouverte aux membres et sympathisants du Front Islamique du Salut

Au nom de Dieu Tout Miséricordieux, Très Miséricordieux.

Front Islamique du Salut
Bureau Exécutif National

Lettre ouverte aux membres et sympathisants du Front Islamique du Salut
(traduction)

29 Chaaban 1425 H / 13 octobre 2004

Allah dit dans le Saint Coran : « Je ne veux que la réforme, autant que je le puis. Et ma réussite ne dépend que d’Allah. En Lui je place ma confiance, et c’est vers Lui que je reviens repentant » Saint Coran (11 :88)

Frères et sœurs,

Il n’y a meilleure grâce de Dieu, pour un croyant, que d’être au service de Sa religion. Nous remercions Dieu qui nous a facilité un chemin – espérons qu’il soit agréé – que nous avons suivi dans l’unique but de soutenir Sa religion, de tenter de lever l’injustice subie par les opprimés et d’œuvrer en vue d’établir un Etat de justice et de liberté qui garantit au peuple ses droits à l’autodétermination et à élire et destituer ses gouvernants. Ce sont là les buts essentiels pour lesquels le Front islamique du Salut (FIS) a été constitué.

Malgré les limites du travail accompli par le FIS, dues en partie au manque d’expérience, et en partie aux infiltrations et manœuvres des services secrets algériens, personne ne doit faire douter de l’importance des réalisations du FIS, de la force de ses thèses et de la justesse de sa cause. Celui qui cherche un prétexte dans ces limites pour renier le projet authentique du FIS est aussi déviant que celui qui cherchait un prétexte dans certaines dérives et atrocités de la glorieuse guerre de libération contre le colonialisme français pour refuser la revendication de l’indépendance !

Certes la brutalité du pouvoir arrogant refusant le choix populaire et sa guerre contre le FIS est la principale cause directe d’entrave à l’activité de ce parti. Ceci lui a coûté un prix exorbitant : des dizaines de milliers de membres et de sympathisants du FIS parmi les enfants du peuple algérien ont été la principale victime ciblée par les crimes des putschistes.

Mais à côté de cela, et pour être sincères avec Dieu, assumer notre responsabilité envers notre peuple et nos militants et être objectifs dans l’analyse, nous ne pouvons nier l’existence de causes intrinsèques ayant contribué au dysfonctionnement du FIS et qui l’ont rendu incapable de mener à bien son projet.

La prédominance de l’esprit et du culte du cheikhisme , non pas par ses aspects louables consistant à raisonner, à conseiller, à éprouver de la compassion et à montrer l’exemple, mais par ses aspects négatifs consistant en la propension à la domination et l’exclusion et au non exercice de la consultation dans la transparence, ce qui a conduit à l’incapacité de motiver et dynamiser les membres, à l’échec à recruter de nouvelles potentialités – même dans le cadre de l’action semi-clandestine imposée au FIS –, en plus de l’impuissance effective à établir un véritable travail institutionnel, ce sont là les principaux facteurs qui ont fait perdre à l’action et aux postions du FIS l’efficacité escomptée.

S’il est connu que dans l’histoire la plupart des mouvements ont traversé des périodes difficiles, ceci étant même le privilège de prophètes comme le dit Dieu : « Quand les messagers faillirent perdre espoir (et que leurs adeptes) eurent pensé qu’ils étaient dupés voilà que vint à eux Notre secours » Saint Coran (12 :110), ou comme l’a affirmé Son Prophète (que la paix et le salut soient sur lui) à Taïf : «O Allah! A Toi, je me plains de mon peu de force et à l’échec de ma ferveur face à ces hommes. O Toi, le Compassionné et le Miséricordieux, Tu es le Seigneur des faibles et Tu es mon Seigneur. Je n’ai que Toi sur qui m’appuyer, mais si Tu n’es pas en colère contre moi, pour avoir été impuissant à communiquer l’amour et le respect pour Ta parole, alors je ne craindrai aucune des épreuves que j’aurai à endurer », il est cependant utile de préciser qu’il s’agit dans notre cas d’un contexte différent.

Il ne s’agit ni d’anticiper la victoire prématurément, ni d’échouer à confronter le pouvoir injuste, ni de douter de la justesse de notre cause. Au contraire, la conscience des carences de notre action, l’attachement à la réalisation des aspirations de notre peuple et au rétablissement de ses droits, et la fidélité aux dizaines de milliers de martyrs et à leurs veuves et orphelins, c’est tout cela qui nous oblige à être insatisfaits d’une situation organisationnelle devenue, comme l’indiquent tous les indices, un danger pour l’essence même de notre action. Il y a une différence significative entre d’une part la patience, et, d’autre part, l’acceptation de la médiocrité et le report de toute réforme.

Nous avons tenu, dans le cadre du Bureau exécutif national, avec l’aide de Dieu et malgré nos limites incontestables, à préserver le projet du FIS, notamment après le coup d’Etat de 1992 et en l’absence du président du parti et de son adjoint. Suite à leur libération, il était normal et impératif de leur remettre ce qui leur était dû. Mais après de multiples tentatives pour lancer un travail institutionnel dans le cadre du FIS, nous devons reconnaître que ces tentatives n’ont pas abouti. Nous constatons ce qui suit :

Le dysfonctionnement organisationnel du FIS continue à porter une grave atteinte à sa crédibilité et à démotiver de nombreux frères qui activaient dans le cadre du parti, au moment où il était indispensable de recruter davantage de ressources humaines.
Le fait d’ignorer, par principe ou dans la pratique, les textes et décisions du parti, et parfois l’absence de volonté de se référer et se conformer à ses règlements dans la gestion des affaires courantes et dans les prises de position, a conduit à une diversité de positions trop souvent, hélas, contradictoires.
L’absence de discipline dans les questions d’organisation a eu pour conséquence l’incapacité de mettre en place des mécanismes pour définir et mettre en œuvre de manière cohérente les politiques du parti.

A la lumière de ce constat, nous sommes parvenus, dans le cadre du Bureau exécutif national, à la ferme conviction de la nécessité d’une profonde réforme du FIS et de l’impossibilité de continuer à activer dans les conditions présentes. Si le projet authentique du FIS continue d’avoir un large soutien, le cadre organisationnel de ce parti n’est plus en mesure de réaliser le projet pour lequel il a été constitué.

Nous annonçons donc à l’opinion publique, et ce après les consultations et les démarches telles que spécifiées dans les statuts du FIS, la démission du responsable du Bureau exécutif national par intérim, et par voie de conséquence la dissolution du Bureau exécutif national.

Afin d’éviter toute interprétation malveillante de cette démission, nous tenons à préciser ce qui suit :

Cette annonce n’implique aucunement le gel des activités du FIS ou sa dissolution qui ne peuvent être prononcés que par le congrès du parti. Nous rappelons par ailleurs que le dysfonctionnement organisationnel est devenu une caractéristique des partis algériens dans un contexte de pourrissement de la scène politique nationale et de despotisme qui compromettent gravement l’avenir du pays.
Notre position s’inscrit dans la ligne politique suivie par le Bureau exécutif national en toute clarté et qui consiste en la fidélité au projet authentique du FIS et aux victimes des putschistes : les martyrs, les torturés, les disparus et leurs familles, en l’attachement aux devoirs de vérité, mémoire, et justice, et en la lutte continue pour restituer au peuple une souveraineté véritable. Nous nous engageons auprès des membres et sympathisants du FIS à œuvrer dans cette voie pour mettre fin au système dictatorial en Algérie, et ceci en tendant la main à tous nos concitoyens sincères pour une action concertée.
Il appartient aux diverses instances du FIS – en l’occurrence son président, son vice-président, son conseil consultatif et le congrès – de prendre les dispositions adéquates en conformité avec les textes du parti.
Nous tenons enfin à exprimer notre reconnaissance à tous les membres du Bureau exécutif national ainsi qu’à tous nos frères dans les différentes instances du parti pour leur abnégation et leur dévouement. Puisse Dieu les en récompenser.

Le responsable du Bureau exécutif national par intérim

Dr. Mourad Dhina