Un peuple prisonnier

UN PEUPLE PRISONNIER

par M. Saadoune, Le Quotidien d’Oran, 6 décembre 2010

L’organisation à Alger d’une conférence internationale sur les détenus palestiniens nous rappelle, alors que la démarche diplomatique menée par l’Autorité palestinienne avec le soutien des Etats arabes «modérés» est un véritable fiasco historique, à un devoir de solidarité élémentaire à l’égard des Palestiniens.

Il ne s’agit pas de faire seulement dans l’humanitaire. Il faut constater que les Palestiniens continuent d’être les victimes d’une injustice historique et que les souffrances qu’ils subissent du fait d’une occupation illégale sont tolérées, voire approuvées par les Etats occidentaux.

Mais le plus pernicieux est un discours blasé – que l’on entend même en Algérie – qui tend à présenter la question palestinienne comme une affaire que les régimes instrumentalisent pour créer des diversions. A force d’être répété, ce gros cliché a fini par s’insinuer, comme si les mauvaises intentions des régimes, elles ne manquent pas – pouvaient entraîner la disqualification du combat de l’opprimé contre l’oppression. Tout être humain opprimé et emprisonné mérite notre solidarité.

Notre sensibilité naturelle à la question palestinienne n’a pas à se justifier, ni à se prétendre abstraite, sans lien avec l’histoire. Cette abstraction n’existe nulle part. Ceux qui, au nom d’une modernité mal comprise et d’un humanisme a-historique, reprochent aux Algériens et aux autres de soutenir les Palestiniens sur des «bases religieuses», ont une vision tronquée. Qui sert tout simplement d’argument aux oppresseurs.

Quand tout un peuple est emprisonné, ligoté, freiné dans ses mouvements élémentaires, la solidarité s’impose et on n’a pas besoin de discuter pour savoir si elle est animée par la religion ou non. Les prisonniers palestiniens sont des musulmans, mais aussi des chrétiens. Et le système d’oppression qui leur est imposé n’a rien d’une laïcité désincarnée : c’est une véritable théocratie. Ceux qui sont restés dans les frontières d’avant 1948 sont désormais sommés de faire serment de fidélité et de loyauté à l’Etat juif.

Il ne nous revient pas de choisir entre le Fatah et le Hamas, cela concerne les Palestiniens avant tout. Mais on peut, sans risque d’être accusé de parti pris, avoir une appréciation des actions des uns et des autres. La solidarité est aussi un exercice critique.

La démarche de l’Autorité palestinienne, qui a impliqué un grand degré de coopération policière avec l’occupant, est désormais dans l’impasse. Mais entretemps, elle aura causé d’énormes dégâts dans le camp palestinien. Le soutien à apporter aux Palestiniens consiste à en atténuer les effets. Et à aider ceux qui ont pris ce chemin de l’impasse, sur la base de promesses fausses, à trouver des issues.

M. Mahmoud Abbas et ses conseillers sont prisonniers de leur démarche. Il faut les aider à en sortir. C’est une affaire des Etats, mais c’est également celle des opinions publiques. Dans les prisons, à Ghaza ou dans les bâtiments de l’Autorité palestinienne, tous les Palestiniens sont, d’une manière ou d’une autre, prisonniers d’une impasse. Les Etats arabes, alliés des Américains, y ont énormément contribué.

Quand M. Mahmoud Abbas envisage ouvertement la dissolution de l’Autorité palestinienne et du régime d’autonomie, cela dénote une prise de conscience de l’inanité d’une démarche qui divise les Palestiniens. Il faut aider Mahmoud Abbas à se libérer de sa prison afin de dégager une perspective à un peuple prisonnier.