Poursuite de «la grande marche du retour»

Poursuite de «la grande marche du retour»

Israël dans l’embarras

Ghaza, De notre correspondant, El Watan, 28 avril 2018

La grande marche du retour», des manifestations et des rassemblements populaires pacifiques réclamant le droit de retour des réfugiés palestiniens, comme le stipule la résolution 194 des Nations unies, s’est poursuivi pour le cinquième vendredi consécutif. Le début de ces activités populaires avait coïncidé avec la Journée de la terre en Palestine occupée, commémorée annuellement le 30 mars depuis 1976.

Ce jour-là, des forces israéliennes avaient tué froidement 6 Palestiniens vivant à l’intérieur de l’Etat hébreu, alors qu’ils participaient à des manifestations pacifiques contre l’expropriation de leurs terres par les autorités de l’occupation.

Le caractère pacifique de «la grande marche du retour», qui se déroule dans les zones frontalières de la bande de Ghaza avec Israël, n’a pas été suffisant, aux yeux des dirigeants israéliens qui ont donné des ordres clairs à leurs soldats postés à ces endroits, de faire le plus de mal possible aux manifestants, sans distinction. Des ordres exécutés à la lettre, puisque 41 Palestiniens, dont deux journalistes et quatre enfants, avaient été froidement abattus et plus de 5000 autres diversement blessés, depuis le 30 mars.

Des centaines de blessés vont garder des séquelles graves et des dizaines ont déjà été amputés d’au moins un membre inférieur. Tous les martyrs et les blessés gravement sont de la bande de Ghaza, dont deux tiers des habitants sont des réfugiés ou des descendants de réfugiés.

Les soldats israéliens postés en face des manifestants derrière la clôture de barbelés, qui tient lieu de ligne de frontière, utilisent des balles réelles explosives, qui, selon l’association Médecins sans frontières (MSF), sont «inhabituelles et dévastatrices qui laisseront de lourdes séquelles à la majorité des patients». MSF dit, dans un rapport publié la semaine passée, avoir accueilli 500 personnes blessées par balle et affirme avoir traité plus de patients que lors de toute l’année 2014, au cours de laquelle Israël avait mené une guerre particulièrement sanglante et destructrice contre la bande de Ghaza et ses habitants.

Selon MSF, la gravité des blessures, avec le manque de moyens dans l’enclave palestinienne soumise au blocus israélien depuis plus de 11 ans, fait que nombre de patients garderont des déficits à vie et certains risquent l’amputation.

Les équipes de Médecins sans frontières ont parlé d’un niveau extrême de destruction des tissus et des os ainsi que des orifices de sortie de balles démesurés qui peuvent avoir la taille d’un poing. Par ailleurs, certains médias israéliens parlent de changement des ordres donnés aux soldats pour ce vendredi. Ils ne doivent tirer pour tuer que s’ils sont en véritable danger et après un ordre direct de leurs supérieurs.

Il faut croire que des rapports comme celui de MSF et d’autres organismes de défense des droits de l’homme commencent à mettre dans l’embarras Israël et particulièrement son fidèle allié les Etats-Unis, qui ont de réelles difficultés à défendre ces crimes sur la scène internationale.

Israël veut tuer la vérité

Blessé gravement le 13 avril, par une balle tirée par un sniper israélien, le journaliste palestinien Ahmad Abou Houssein, âgé de 25 ans, a succombé mercredi à ses blessures, malgré son évacuation tardive vers un hôpital israélien. Après Yasser Mourtaja, c’est le deuxième journaliste palestinien qui tombe, depuis le 30 mars dans la bande de Ghaza, sous les balles des tireurs d’élite israéliens, qui savent exactement où se loge chacune des balles qui sortent de leurs fameux fusils. Il n’y a aucun doute sur le caractère prémédité de ces véritables crimes de guerre, comme les qualifie la Direction palestinienne.

Des crimes qui ne s’expliquent que par une volonté israélienne de faire peur aux journalistes et de les empêcher de raconter la vérité autour de ce qui passe dans les zones frontalières de la bande de Ghaza depuis le 30 mars passé. Les enfants, également, sont des cibles privilégiées des soldats israéliens.

Tuer les enfants qui ne représentent aucun danger pour la machine de guerre israélienne vise cette fois à faire peur aux parents palestiniens et à les pousser à empêcher leurs enfants de participer aux manifestations. Mais force est de constater que malgré toutes ces mesures de répression sanglante, le mouvement populaire semble loin de s’essouffler. Ils sont des milliers à avoir participé à «la grande marche du retour» du «vendredi de la jeunesse révoltée».

Ce qui fut au départ l’initiative de quelques jeunes Palestiniens désireux de faire revenir la cause palestinienne sur le devant de la scène internationale et de démontrer que sans le peuple palestinien, aucun plan de paix américain ou autre n’avait de chance de réussir, est en train de devenir un nouveau caractère de la vie dans les Territoires occupés.

Ces activités populaires devraient se poursuivre, malgré tout le sang qui coulera jusqu’au 14 mai, date de la proclamation de l’Etat d’Israël, qui représente la Nakba, la catastrophe palestinienne.

La Direction palestinienne soutient cette forme de résistance populaire pacifique qui commence à avoir des répercussions sur la scène internationale où l’on entend certaines voix condamnant l’utilisation de la force létale par Israël. En même temps, cette direction met en garde contre toute tentative de récupération partisane de cette révolution populaire, ce qui la mènera vers l’échec certain.

Fares Chahine