Palestine: les faux amis

Palestine: les faux amis

par Kharroubi Habib, Le Quotidien d’Oran, 4 janvier 2015

Dans le monde impitoyable régi par les intérêts d’Etat, il n’y a nulle place à la fidélité aux principes moraux et au respect du droit international. Les Palestiniens le savent mieux que quiconque qui viennent à nouveau d’en faire les frais au Conseil de sécurité de l’ONU qui a rejeté leur résolution demandant la reconnaissance de leur Etat en qualité de membre à part entière au sein des Nations Unies. Ils s’attendaient certes à son rejet sachant que les Etats-Unis s’y opposent et auraient fait usage de leur veto dans le cas où la majorité requise du Conseil de sécurité se serait prononcée en sa faveur.

Qu’ils en aient de l’amertume, c’est en raison que les Etats-Unis n’ont même pas eu à recourir à l’usage de leur veto, ce qui leur évite d’apparaître isolés sur la question palestinienne au sein de l’instance onusienne. Or, plus que la reconnaissance formelle de leur Etat, les Palestiniens ont voulu mettre à nu l’isolement américain. Ils n’y sont pas parvenus car ayant été trahis par des membres du Conseil de sécurité sur le vote favorable desquels ils ont compté car leur ayant été promis. Leur déconvenue de ne pas avoir obtenu la majorité requise qui aurait obligé les Etats-Unis à aller au bout de leur opposition est d’autant plus grande qu’elle leur vient d’Etats africains dont la position officielle sur le conflit israélo-palestinien autorisait à penser qu’ils voteraient pour la résolution.

Ce sont en effet les abstentions du Nigeria et du Rwanda qui n’ont pas permis de réunir la majorité requise. L’on devine aisément pourquoi ces deux pays ont opté pour s’abstenir. Ils sont trop sous pression américaine pour se permettre un acte d’indépendance qui braquerait contre eux Washington. Le Nigeria est économiquement sous emprise américaine et par ailleurs confronté à une situation sécuritaire qu’il n’espère maîtriser qu’avec l’aide et la coopération des Etats-Unis et même d’Israël. Le Rwanda s’est quant à lui abstenu de fâcher les Etats-Unis parce qu’ils sont l’une des rares puissances occidentales qui ferment les yeux sur la nature autocratique de son régime. Kagamé, le président de ce pays, n’entend pas prendre ce risque alors qu’il s’apprête à rempiler à son poste dans des conditions qui ne doivent rien à la démocratie.

Pour ces raisons, les deux Etats africains ont fait défection à la cause palestinienne. Ils ont ce faisant jeté de l’ombre et du doute sur la sympathie pro-palestinienne qui s’exprime dans le continent. Ils ont humilié l’Union africaine qui plaide au nom de l’ensemble africain en faveur de la reconnaissance pleine et entière de l’Etat palestinien.

Le revers subi par l’Autorité palestinienne dû au lâchage de ces deux pays ne met pas fin à son offensive diplomatique contre l’Etat occupant sioniste. Elle a en effet aussitôt après sa survenue engagé une demande d’adhésion pour l’Etat palestinien au sein de la Cour pénale internationale (CPI). Pour ce nouveau round, l’Autorité palestinienne doit faire le décompte des appuis qui lui sont véritablement acquis. Mahmoud Abbas et la direction palestinienne ont péché par le peu d’importance qu’ils accordent au rôle de l’Afrique dans la recherche d’une solution au conflit israélo-palestinien. Ils doivent changer d’opinion et réveiller la sympathie africaine pour leur cause nationale en contrant l’influence grandissante d’Israël sur le continent. C’est aussi la mission des Etats qui dans ce continent n’entendent pas dévier du soutien à cette cause même si cela leur vaut les foudres américaines.