Migrations illégales: Accord conclu entre l’Italie et le CNT libyen

Lutte contre les migrations illégales

Accord conclu entre l’Italie et le CNT libyen

El Watan, 12 octobre 2011

L’Italie a bien signé, récemment, un accord avec le CNT libyen visant à maintenir les dispositions contenues dans les conventions italo-libyennes signées avec El Gueddafi, qui prévoient entre autres des refoulements en pleine mer.

Elle a également conclu un pacte migratoire avec les nouvelles autorités tunisiennes. C’est ce nous avons appris hier d’Elise Melot de l’agence italienne Amisnet basée à Rome et spécialisée dans le domaine migratoire.
Toutefois, la légitimité de l’accord conclu en catimini – le texte n’ayant toujours pas été rendu public – entre Rome et le CNT, présenté comme le seul représentant constitué du peuple insurgé, est déjà remise en cause par plusieurs ONG de défense des droits des migrants, demandeurs d’asile et réfugiés. Et pour cause, dans l’une des clauses essentielles, il est prévu que «les parties procèdent à une assistance réciproque et de coopération dans la lutte contre l’immigration illégale, y compris le refoulement des immigrés en situation irrégulière», relève le réseau Migreurop.

De nature politique, cet accord ne peut être adopté avec légèreté et de manière simplifiée ; il doit préalablement être soumis aux Chambres législatives aux fins de l’approbation de la loi autorisant sa ratification, comme stipulé dans l’article 80 de la Constitution, précise le réseau européen, qui s’interroge en outre sur le sort du traité d’amitié signé à Benghazi par Berlusconi et El Gueddafi le 30 août 2008.
Ce traité, faut-il le noter, fut ratifié, mis en œuvre grâce à la loi n°7 du 6 février 2009 et suspendu unilatéralement par le gouvernement italien en février 2011. Une suspension vivement contestée en raison du flou qui l’entoure et de sa non-conformité avec la Convention de Vienne sur le droit des traités. «Le gouvernement italien avait déclaré la suspension sans que ne soit pas trop claire la nature juridique au sens de la Convention de Vienne sur le droit des traités», conteste, en effet, Migreurop.

La suspension des obligations du traité de 2008 est-elle valable pour les deux camps : insurgés et loyalistes à El Gueddafi, s’interroge encore le réseau, fort de quelque 42 associations issues de 13 pays. «Il n’est pas donc clair si les obligations de ce traité de 2008 sont ou ne sont pas suspendues et si elles ne le sont que pour le territoire gouverné par les groupes d’El Gueddafi et pas pour ceux qui sont sous le contrôle du CNT», peut-on lire dans l’un de ses récents communiqués dont El Watan a été destinataire d’une copie. En dernier lieu, poursuit Migreurop, au-delà de la légitimité de la représentativité du CNT et de sa reconnaissance par le gouvernement italien, l’accord semble engager les parties à faire appliquer les procédures de refoulement des étrangers irrégulièrement partis de Libye.

Sur de tels aspects, tout porte à croire que ledit accord est une violation flagrante des normes du droit international «parce qu’aujourd’hui, cela ne concerne pas trop les étrangers partis des villes sous contrôle du CNT mais plutôt ceux qui ont fui vers l’Italie au départ de Libye, sous des opérations militaires», estime le réseau. Pour Migreurop, il est donc évident que l’Italie et le CNT doivent veiller au respect de la Convention internationale sur la protection des civils pendant les conflits internationaux.
Rome est également tenue de se conformer au principe de non-refoulement de ceux éligibles au statut de réfugiés ou à la protection subsidiaire tel que prévu par les conventions internationales relatives au statut de réfugiés et les directives communautaires. Car un accord pareil remet en cause le respect de ces dispositions qui fondent le droit d’asile garanti par la Constitution italienne dans son article 10 alinéa 3, conclut Migreurop.

Naima Benouaret