Les pays du voisinage fustigent Paris implicitement
par Kharroubi Habib, Le Quotidien d’Oran, 22 octobre 2016
A Niamey au Niger, les pays voisins de la Libye qui ont tenu leur 9ème réunion consacrée à la crise dans ce pays et à laquelle ils ont associé des représentants de la Mission d’appui des Nations unies pour la Libye (MANUL), de la Ligue arabe et de l’Union africaine ont à l’issue de cette réunion rendu public un communiqué final qui énonce une critique acerbe à l’endroit des Etats et organisations qui « veulent contribuer à une sortie de crise » pour la Libye.
Sans contester à ces Etats et organisations, qu’ils n’ont pas clairement identifiés, un rôle à jouer dans la recherche d’une sortie de crise, les pays du voisinage de la Libye leur font l’acerbe reproche de ne pas « tenir compte de leur évaluation, de leur position et de leurs vues dans la conduite de toute initiative » et de ne pas les impliquer dans la résolution de la crise alors qu’ils en subissent les conséquences en premier. La critique et l’accusation formulées par les pays du voisinage ne sont pas nouvelles. Séparément ou ensemble, ils les ont soutenues depuis la genèse de la crise libyenne sans pour autant se faire entendre par les puissances extrarégionales qui ont contribué à la faire naître et veulent conserver l’initiative dans son traitement.
Il est manifeste que l’exaspération des pays du voisinage se double du ressentiment que ces puissances extrarégionales n’envisagent de solutions à la crise libyenne que celle qui prend en compte leurs intérêts géopolitiques et qu’il leur importe peu que les Etats voisins de la Libye en pâtissent au plan de leur sécurité et stabilité. Même si elle n’a pas été nommément prise à partie dans le communiqué de Niamey, c’est la France qui semble être la cible première des pays du voisinage. Non sans raison ces pays soupçonnent la France à laquelle ils ne pardonnent pas le rôle clef qu’elle a joué pour entraîner la Libye dans le chaos avec les conséquences néfastes qu’il a pour leur région, de vouloir les tenir à l’écart car son agenda pour ce pays exige qu’elle soit seule à la manœuvre ou en tant que puissance pilote du processus de résolution de la crise libyenne.
Soupçon qui s’est transformé en certitude pour certains d’entre eux au vu de la réunion sur la Libye qui s’est tenue récemment à Paris initiée par le ministre français des Affaires étrangères. Par cette initiative, Paris a probablement voulu court-circuiter la 9ème réunion des pays du voisinage dont il a été craint qu’elle ne débouche sur une dénonciation de la prétention française à garder la haute main sur le dossier libyen. Le calcul de Paris a été faussé par le « bide » qui a sanctionné son initiative. La France suscite la rancœur pour avoir affiché le peu de cas qu’elle fait des Etats du voisinage qu’elle n’a pas conviés à la réunion de Paris. Elle ne peut que déduire que c’est contre elle en premier que se sont exprimées l’exaspération et la dénonciation dont le communiqué de Niamey en a été le vecteur. Comme sur les autres grands dossiers internationaux sur lesquels elle ne parvient plus à se faire entendre pour avoir voulu s’approprier un rôle disproportionné avec son influence réelle, la France risque la même déconvenue sur celui de la Libye.