Des raids français au nord du Mali : La guerre se rapproche de la frontière algérienne

Des raids français au nord du Mali : La guerre se rapproche de la frontière algérienne

par Salem Ferdi, Le Quotidien d’Oran, 4 février 2013

Les opérations de l’armée française se sont rapprochées de la frontière algérienne, au lendemain de la visite du président français au Mali. Les Etats-Unis ont renouvelé leur appui à la France, Israël a qualifié son action de «bon exemple» pour le monde. Mourad Medelci a fait une déclaration très prudente.

Une trentaine d’appareils ont été engagés pour effectuer des bombardements massifs au nord de Kidal et dans la région de Tessalit. Selon l’armée française, ces attaques ont ciblé des «dépôts logistiques et des centres d’entraînement» des groupes islamistes armés, dans ces zones proches de la frontière avec l’Algérie. L’armée française qui a pris, sans combat, le contrôle de l’aéroport de Kidal, a mené ces raids au lendemain de déclarations du président français indiquant que ces opérations prendront «le temps qu’il faudra». Il s’agit d’aller «plus au nord, finir cette opération» avec les armées africaines engagées. «Papa François Hollande», «frère de tous les Maliens et ami sincère de l’Afrique», selon la formule du président malien par intérim, avait déclaré que l’armée française n’avait pas «terminé sa mission». Celle-ci pourrait donc durer beaucoup longtemps que les «quelques semaines» annoncées. C’est en tout cas ce que souhaitent les autorités de Bamako qui, par la voix du ministre des Affaires étrangères, Tieman Hubert Coulibaly, a souhaité que l’opération militaire française se poursuive «d’autant que la dimension aérienne est très importante (…) face à des combattants aguerris dont il faut détruire l’arsenal». Les Etats-Unis ont renouvelé, hier, leur appui à l’intervention française et ont indiqué qu’ils fournissent des renseignements et des avions ravitailleurs. Le vice-président américain, Joe Biden, a rencontré, hier, le président français. Il avait auparavant félicité la France en déclarant que le conflit malien «concerne les intérêts américains» même si «la lutte contre Aqmi est éloignée des frontières».

ISRAËL ENTRE EN LIGNE

A noter sur ce registre le bruyant appui à l’intervention française du ministre israélien de la Défense, Ehud Barak, qui, sans aucun doute, va être fortement mis à profit par la galaxie djihadiste. C’est un «très bon exemple pour le monde», a-t-il déclaré, en faisant l’éloge du président François Hollande qui «n’a pas seulement analysé la situation, mais il a agi et il a combattu les terroristes. C’est un très bon exemple pour le monde». La guerre se déplace de plus en plus vers le Nord et elle devrait, dans les semaines qui viennent, changer de nature. Les djihadistes et les éléments d’Ançar Eddine qui suivent toujours Iyad Ag Ghaly ont abandonné sans combat les villes du Nord pour se replier un peu plus au Nord et notamment le massif des Ifoghas, près de la frontière algérienne. La ville de Kidal est passée sous la coupe du MIA (Mouvement islamique de l’Azawad), une dissidence d’Ançar Eddine et du MNLA qui ont fait savoir qu’ils ne voulaient pas de présence de militaires maliens ou de la Cédéao. Leur prévention à l’égard des soldats maliens a été plus confortée par les informations concordantes d’exactions contre les «peaux claires» commises par des militaires maliens arrivés dans le sillage de l’armée française. Des renforts français sont arrivés à Kidal. Des militaires français et tchadiens –dont le pays ne fait pas partie de la Cédéao– ont patrouillé à Kidal. Officiellement, on attend une force africaine de 6.000 à 7.000 hommes. Ces forces seront-elles engagées dans la sécurisation des villes ou dans des opérations dans les massifs montagneux difficiles ? C’est la question qui se pose. Les forces françaises essaient, à l’évidence, de causer le plus de pertes aux djihadistes mais il est difficile de connaître l’impact des raids aériens qui sont menés d’autant qu’ils visent des bases et des camps qui ont probablement été déjà désertés.

L’appui du renseignement américain avec les drones Predator sera donc un élément important d’une guerre qui peut durer.

PRUDENCE ALGERIENNE

Le ministre algérien des Affaires étrangères, Mourad Medelci, a fait une déclaration très prudente sur le Mali. La situation dans ce pays, a-t-il dit, «même si elle suscite de l’optimisme, demeure marquée par des problèmes auxquels font face les Maliens et ceux qui les aident pour rétablir la stabilité et la sécurité» dans ce pays afin qu’il puisse «bâtir son Etat et aspirer au développement». Selon lui, la situation au Mali «concernait les Maliens» qui «déploient de grands efforts pour sortir de la crise» que traverse leur pays. Discours elliptique comme si après la précipitation des évènements qui a balayé la «solution politique», les officiels algériens sont devenus «contraints dans l’expression» alors que la guerre se rapproche de la frontière du pays et que des centaines de personnes ont fui Kidal en direction de l’Algérie.