Nord-Mali: un guêpier en perspective pour le duo Hollande-Fabius

Nord-Mali: un guêpier en perspective pour le duo Hollande-Fabius

par Kharroubi Habib, Le Quotidien d’Oran, 2 octobre 2013

Pour le président investi du Mali Ibrahim Boubacar Keita, la période de « l’état de grâce » aura été de très courte durée. En effet, deux semaines seulement après avoir pris ses fonctions, « IBK » est confronté à une brutale remontée de tension au Nord-Mali où les groupes islamo-terroristes qu’on disait avoir été chassés de la région par les militaires français de l’opération Serval et ceux du Tchad semblent avoir signifié leur retour avec les attentats terroristes dont Kidal et Tombouctou ont été les théâtres, le 27 septembre pour la première ville et samedi pour la seconde. Mais ce qui ajoute à l’inquiétude du président malien et des autorités de Bamako c’est que ces attentats se sont produits alors que rien ne va plus dans la région entre l’armée malienne et les combattants du MNLA, entre lesquels il y a eu de sanglants affrontements. Ce à quoi s’ajoute que des militaires maliens stationnés au nord du pays sont entrés en rébellion et ont molesté leurs officiers en guise de protestation, semble-t-il, contre le dénuement dont ils souffrent.

Autant dire que la situation est redevenue explosive au Nord-Mali et que cela va contraindre Ibrahim Boubacar Keita à réagir. Nul doute que cette inquiétante situation qui prévaut au Nord-Mali est au cœur des contacts entre Bamako et Paris. Elle remet en tout cas en cause le calendrier et l’ampleur du retrait de la force militaire française engagée pour l’opération Serval. Paris ne peut en effet avec ce qui se passe au Nord-Mali persister à affirmer que l’intervention de ses soldats a ramené la sécurité et la stabilité au Nord-Mali, et il ne fait aucun doute que IBK plaide auprès de François Hollande pour un maintien consistant de militaires français dans la région. Or, pour le président français et son pays, les rebondissements de la situation au nord du Mali auxquels l’on assiste risquent de le transformer en guêpier. Non pas tant par l’amorce du retour dans la région des groupes armés islamo-terroristes, mais par la reprise d’une confrontation généralisée entre les Touareg du MNLA et des autres organisations représentatives de la même ethnie et l’armée malienne dont tout démontre qu’elle reste sujette à l’anarchie et déterminée à en découdre avec les premiers.

C’est un secret de Polichinelle que le couple Hollande-Fabius exerce une tutelle qu’il ne cache pas sur les autorités maliennes. Sauf que IBK l’a mise en porte à faux avec sa politique qui a consisté à favoriser la recherche d’un compromis politique entre Touareg et autorités de Bamako. Et cela en fermant la porte au principe de l’indépendance de l’Azawad défendu par le MNLA, ce en quoi il a l’appui de la communauté internationale et des Etats riverains du Sahel, mais bien plus encore en rejetant celui d’une autonomie de gouvernance du Nord-Mali par rapport à Bamako. C’est d’ailleurs le ton catégorique d’IBK sur ces sujets qui a poussé le MNLA à envisager la reprise de la confrontation avec le pouvoir central et l’armée malienne.

Le soutien de Paris à IBK ira-t-il jusqu’à la participation de la force française présente au Mali à la neutralisation des combattants du MNLA ? Possible mais cela démontrera que la cause originelle de la crise malienne n’a pas été réglée par l’intervention française et qu’il n’est pas dans l’intention de Bamako de lui apporter la solution susceptible d’éteindre la rébellion touareg.


LES RISQUES DU DENI

par M. Saadoune, Le Quotidien d’Oran, 2 octobre 2013

Le nouveau président malien IBK (Ibrahim Boubacar Keïta) a décidé d’écourter sa visite parisienne pour revenir à Bamako. Il faut dire qu’en moins de 48 heures tous les éléments «critiques» de la crise malienne ont été réunis : attaques suicides à Tombouctou imputées aux djihadistes, montée des tensions avec les communautés du nord du pays avec multiplication d’incidents violents et, last but not least, des incidents au sein même de l’armée malienne. Précisément chez ceux qui ont commis le putsch catastrophique qui s’estiment lésés dans les promotions.

Ce sont les trois plaies du Mali, celles qui se sont accumulées sur plusieurs décennies, avant de conduire à la suite à un Etat failli, qui se sont ainsi manifestées pratiquement au même moment. D’un point de vue pratique immédiat, cela signifie que le Mali est loin de pouvoir compter sur lui-même pour se stabiliser et qu’il restera pendant longtemps tributaire des forces extérieures, françaises ou sous l’égide de l’Onu. Ces événements devraient ramener les politiciens de Bamako à plus de réalisme dans leur lecture de la situation de leur pays à la suite de l’intervention française. Si celle-ci a permis d’attaquer les groupes djihadistes et de les disperser – en déplaçant le problème dans les pays environnants -, elle n’était pas la «solution» des problèmes du Mali. Beaucoup de politiciens à Bamako ont vu dans l’intervention française la «fin du problème» alors qu’elle n’a fait, au mieux, que répondre au souci urgent d’éviter l’effondrement de ce qui restait d’Etat malien.

Le président élu semble, lui aussi, du moins sur le dossier des revendications des populations de l’Azawad, surfer sur ce type de lecture. Totalement erronée. Car il s’agit tout de même de reconstruire sérieusement l’Etat sur une base «inclusive» pour éviter la relance de la crise. Le déni de la crise peut – et a un coût qui ne peut que s’amplifier – durer sur la base d’un maintien indéfini de forces étrangères. Le grand risque pour ces forces étrangères serait de servir au maintien d’un statuquo non désiré par les populations du Nord. Et il est évident que si le niet de Bamako à toute réforme sérieuse de l’Etat permettant de satisfaire une partie des demandes des populations du Nord, les tensions et les troubles – dont on a eu un aperçu au nord du pays – ne peuvent que s’accentuer. Avec sur le moyen terme le risque de remettre les djihadistes dans le jeu à travers des connexions et des alliances avec des gens du Nord déçus de ne rien voir venir.

Bamako – et Paris qui y exerce un rôle majeur – aurait tort de sous-estimer le problème. C’est dans la gestion du dossier du Nord que se joue le rétablissement du Mali malade. Pour l’heure – et malgré les déclarations sur le besoin de « confiance» exprimé par le président Ibrahim Boubacar Keïta -, la tendance est d’ignorer la maladie. En croyant que le temps fera son œuvre. C’est une fausse analyse. Une vision dangereuse. Tous les ingrédients de l’effondrement du Mali peuvent se greffer sur le refus de traiter avec vigueur et sérieux le problème de l’Azawad. Trente ans de déliquescence continue de l’Etat sont suffisants pour le rappeler.