La France renforce sa présence dans le septentrion malien
La décision intervient après le meurtre de deux journalistes de RFI
La France renforce sa présence dans le septentrion malien
El Watan, 6 novembre 2013
Le gouvernement français est visiblement décidé à ne pas laisser impuni le meurtre de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, deux journalistes de Radio France Internationale (RFI), tués samedi dernier par des hommes armés peu après avoir été enlevés à Kidal, dans le nord du Mali.
Paris a, en effet, annoncé hier avoir renforcé son contingent militaire dans cette région qui reste particulièrement instable sur le plan sécuritaire. «Instruction a été donnée que 150 militaires partent du sud du Mali pour se rendre à Kidal, ce qui a été fait hier soir», a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, interrogé par RFI. Ce renfort porte à 350 le nombre de soldats français présents à Kidal. Le Quai d’Orsay a toutefois exclu toute remise en cause de son calendrier de retrait du Mali. Les circonstances et l’identité des auteurs du rapt et du meurtre des deux journalistes français restent à élucider.
Les journalistes sortaient samedi, en plein jour, du domicile d’un chef touareg qu’ils venaient d’interviewer, lorsqu’ils ont été enlevés, selon divers témoignages, par des agresseurs parlant tamachek, la langue des Touareg. Leurs cadavres ont été retrouvés à 12 km de Kidal moins de deux heures après par une patrouille française partie à leur recherche. Une source à la gendarmerie malienne a affirmé lundi qu’une «dizaine de suspects» avaient été interpellés «dans la région de Kidal». Une information non confirmée par Paris, qui a fait état «d’indications permettant de remonter la trace» des assassins. «L’enquête avance (…) Je suis en contact avec le président Hollande, nous ferons tout pour que l’enquête aboutisse et qu’on arrête les coupables», a assuré le président malien, Ibrahim Boubacar Keita.
En un mot, la traque est lancée. Les corps de Ghislaine Dupont, 57 ans, et Claude Verlon, 55 ans, ont été rapatriés, hier à l’aube, à Paris. Invités à commenter la décision française de mettre plus d’hommes à Kidal, plusieurs responsables maliens ont soutenu que la situation qui prévaut dans localité et ses environs «échappe» à tout contrôle. Le ministre de la Défense, Soumeylou Boubèye Maïga, a ainsi reconnu que «toutes les infiltrations» étaient «possibles», dont celles d’islamistes armés liés à Al Qaîda.
En clair, le Mali a toujours besoin de la France pour reprendre en main le Nord du pays. Le message n’a pas échappé au chef de la diplomatie française qui y a répondu clairement. «Le président IBK élu démocratiquement est celui qui doit prendre les décisions, la France est à ses côtés (…) pour restaurer la souveraineté du Mali sur Kidal», a soutenu Laurent Fabius. Cette déclaration devrait pouvoir rassurer le gouvernement malien qui s’apprête à organiser des élections législatives et qui redoute de devoir faire face à un vide sécuritaire. En plus de s’être fixée l’objectif de retrouver les assassins des journalistes de RFI, de concert avec les enquêteurs maliens, la France est donc bien décidée à poursuivre le «nettoyage» de la région afin de réduire au maximum la capacité de nuisance des éléments des groupes terroristes affiliés à AQMI ou au Mujao qui ont survécu à l’opération Serval 1 et, surtout, de les empêcher de constituer de nouveaux réseaux.
A l’heure actuelle, environ 3000 militaires français sont déployés au Mali. L’objectif de Paris est de réduire le contingent à 1000 hommes d’ici début 2014. Ce sont ces 1000 hommes qui auront, au-delà de ce délai, à s’occuper des «tâches antiterroristes». Mais quoi qu’il en soit, l’essentiel du dispositif sera maintenu jusqu’aux législatives maliennes, dont le premier tour est prévu le 24 novembre. Les soldats français doivent être relayés par la force des Nations unies au Mali (Minusma). Sous-équipée, elle plafonne actuellement à 6300 hommes, soit la moitié seulement des effectifs prévus fin 2013, situation qui suscite d’ores et déjà beaucoup d’appréhension. Particulièrement à l’ONU.
Apparu justement inquiet par l’extrême volatilité de la situation sécuritaire dans la région, le secrétaire général de l’ONU a appelé, lors d’une réunion, hier à Bamako, consacrée à la mise en œuvre de la stratégie intégrée de l’ONU pour le Sahel qui englobe la sécurité, la gouvernance et le développement, «à une action concertée et urgente pour changer la donne au Sahel où plusieurs pays sont confrontés à des crises politique, sécuritaire ou humanitaire». «Nous devons dépasser les frontières institutionnelles et soutenir, à l’échelle de la région, les initiatives portant sur la situation politique, la sécurité, le développement, l’aide humanitaire. C’est maintenant qu’il faut agir», a déclaré M. Ban à l’ouverture de cette rencontre de laquelle Maliens, Mauritaniens, Nigériens et Burkinabés attendent beaucoup.
Les inquiétudes de l’ONU
Animée par le président malien, cette réunion a enregistré la participation de la présidente de la commission de l’Union africaine, du président de la Banque africaine de développement, du président de la Banque islamique de développement et du Commissaire européen au développement. Une vingtaine de ministres africains des Affaires étrangères, dont celui de l’Algérie, y étaient présents aussi. Grosso modo, la réunion vise à tracer les priorités régionales dans les domaines du développement des infrastructures, de la gouvernance, de la sécurité et de la résilience.
Il s’agit aussi pour les participants d’établir un mécanisme pour renforcer la coordination et mobiliser les ressources pour financer les grands projets d’infrastructure dans la région. Au vu de l’état de déliquescence avancé dans laquelle se trouve la sous-région sahélienne, il faudra certainement du temps et, surtout, de gros moyens financiers pour parvenir à stabiliser la situation.
Si le constat fait consensus au sein de la communauté internationale, il reste cependant que très peu d’acteurs extrarégionaux consentent aujourd’hui à mettre la main à la poche. C’est probablement là où réside l’un des plus grands problèmes du Sahel. Tout le monde en parle mais personne ne veut vraiment agir.
Zine Cherfaoui