Mali : Belmokhtar était pisté par les USA
par Yazid Alilat, Le Quotidien d’Oran, 7 février 2013
Les militaires français déployés au Mali pour mettre hors d’état de nuire les groupes islamistes qui occupaient les villes du nord du pays se retireront dès le mois de mars prochain. Cette annonce faite par le chef de la diplomatie française Laurent Fabius a été confirmée par le chef de l’Etat François Hollande mercredi à ses ministres. La porte-parole de l’Elysée Najat Vallaud-Belkacem a déclaré à l’issue d’un conseil ministériel que «pour ce qui est du Mali, le président de la République a confirmé ce matin que si tout se passe comme prévu, à partir du mois de mars, les troupes françaises déployées au Mali devraient diminuer».
L’allègement du dispositif français sera concomitant avec «la montée en charge progressive de la Misma et des forces africaines qui sont en train de se déployer de façon assez intéressante, on parle de 4.000 hommes qui seront 7.000 à terme», a-t-elle ajouté. Mieux, ‘’nous estimons que la France n’a pas à rester durablement au Mali, nous l’avons toujours dit, ce sont les Africains et les Maliens eux-mêmes qui doivent être les garants de la sécurité et de l’intégrité territoriale» du Mali, a-t-elle répété. Pour autant, le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian s’était montré moins précis, indiquant qu’»à partir de quelques semaines, on pourra commencer à diminuer notre format». «Nous sommes aujourd’hui au format maximum, nous sommes 4.000, nous n’irons jamais au-delà», avait précisé Jean-Yves Le Drian. «On pourra commencer à diminuer dès que le relais se fera», avait-il dit.
Pour autant, les combats continuent au Nord-Mali où les troupes françaises sont épaulées par les combattants du MNLA, l’un des mouvements rebelles touaregs, qui aurait capturé au moins deux des responsables du groupe islamiste touareg Ansar Dine, dont le N.3 du groupe. La traque des chefs des groupes terroristes d’Aqmi, du Mujao et d’Ansar Dine, qui se seraient réfugiés dans les montagnes de la région des Ifoghas, près de Tessalit, continue toujours. Pour la première fois, par ailleurs, la France a donné quelques chiffres sur le bilan de l’opération Serval. Mardi soir, les autorités françaises ont donné un bilan des frappes aériennes et des combats «frontaux» qui opposent soldats français et maliens aux islamistes au Mali: «plusieurs centaines» de combattants islamistes ont été tuées en plus de trois semaines d’intervention militaire. Ils ont péri dans les «frappes aériennes» françaises sur des pick-up transportant des hommes ou du matériel de guerre et pendant «des combats directs, frontaux à Konna (centre) et Gao (nord)», a précisé le ministre de la Défense, Jean-Yves le Drian. Côté français, un officier français, pilote d’hélicoptère, a été tué le 11 janvier, premier jour de l’opération française. Bamako avait fait état à la mi-janvier de onze militaires maliens morts à Konna, mais n’a pas donné d’autre bilan depuis.
Par ailleurs, l’après intervention militaire est actuellement examinée aux Nations unies, qui étudient la mise en place d’une force de maintien de la paix au Mali. Mais cette force ne pourra être déployée qu’après la fin de l’offensive militaire française et des mois de tractations et de préparatifs. En outre, l’ONU doit se préparer à «maintenir une présence pendant plusieurs années», estime un diplomate. «Le mandat initial sera de douze mois mais il est certain que les problèmes politiques entre Bamako et les Touaregs ne seront pas réglés dans ce délai», explique-t-il. En fait, l’idée sur la table est de faire passer sous bannière de l’ONU tout ou partie des troupes africaines prévues pour la MISMA (Mission internationale de soutien au Mali), une force autorisée par la résolution 2085 du Conseil de sécurité de l’ONU en décembre dernier et dont les effectifs promis ont gonflé jusqu’à plus de 6.000 hommes. Sur un autre registre, un rapport de défense américain a révélé que les Etats-Unis suivent depuis 10 ans les activités de Mokhtar Belmokhtar, chef du groupe terroriste qui a mené l’attaque le 16 janvier dernier contre le complexe gazier de Tiguentourine. Selon ce rapport, les services de sécurité américains n’ont pas tenté d’appréhender Belmokhtar, même s’ils l’avaient suivi jusqu’en Afghanistan, où il aurait fait un séjour, notamment en participant à des entraînements dans des camps d’Al-Qaïda. Les ordres n’étaient pas de le neutraliser, ni de l’arrêter, ni de le tuer, précise ce rapport. Ces ordres de la hiérarchie militaire US n’avaient pas été émis du fait qu’à cette époque, Belmokhtar n’avait pas attaqué des intérêts américains. L’ancienne ambassadrice américaine au Mali, Vicky Hedelstone, a dans un rapport transmis au département d’Etat prévenu la tutelle contre l’assassinat de Belmokhtar, qui aurait provoqué des troubles tribaux au nord du Mali, selon des révélations de Wikileaks. Dans une déclaration mardi au Washington Post, elle a répété qu’elle était opposée à l’assassinat de Belmokhtar, car «on ne connaissait pas ces gens», ajoutant que la mise hors d’état de nuire de Belmokhtar avait nourri de vives oppositions entre le département d’Etat et le Pentagone.