Quel avenir pour les accords d’Alger ?
La conférence d’entente nationale au Mali peine à rassembler
Quel avenir pour les accords d’Alger ?
Liberté, 29 mars 2017
L’accord pour la paix et la réconciliation, conclu par les parties maliennes sous l’égide de l’Algérie, est désormais entre parenthèses après le refus lundi de parties signataires de participer à la conférence d’entente nationale.
Ayant pour objectif “d’élaborer une charte pour la paix, l’unité et la réconciliation nationale sur une base consensuelle”, la “Conférence d’entente nationale”, s’est, certes, ouverte lundi à Bamako, mais en l’absence de parties importantes, telles l’opposition et l’ex-rébellion. Bien que ces deux dernières aient annoncé à l’avance leur décision de boycott de ce rendez-vous, la conférence, qui s’étalera jusqu’au 2 avril, a été officiellement ouverte par le Président malien Ibrahim Boubacar Keïta. Son obstination à tenir la réunion en dépit des défections pourrait avoir des conséquences désastreuses sur l’accord d’Alger, auquel il ne semble pas se conformer.
En appelant les autres parties à prendre leurs responsabilités, Ibrahim Boubakar Keïta semble se laver les mains à la Ponce Pilate, et advienne que pourra. Or, il ne fait aucun doute que si l’accord d’Alger tombe à l’eau, le Mali, qui fait face à une insécurité grandissante, comme le montrent les attaques quasi quotidiennes des groupes terroristes, risque de replonger dans l’instabilité. Ibrahim Boubakar Keïta prend ainsi le risque de voir les efforts fournis par Alger pour rapprocher les parties maliennes partir en fumée.
IBK joue sur la fibre patriotique des autres parties
“Aujourd’hui, nous sommes arrivés à une étape de notre Histoire où il nous faut réfléchir sur les causes de l’enchaînement des crises qui ont frappé le nord de notre pays et dont les effets menacent désormais de s’étendre au Centre”, a martelé le président malien pour titiller la fibre patriotique des parties qui n’ont pas répondu présent à ce rendez-vous, jugé crucial dans la mise en œuvre de l’accord d’Alger.
Reconnaissant la “très forte exigence d’amélioration de la gouvernance” au Mali, et jugeant “indispensable” d’y répondre “pour créer le socle de confiance populaire sur lequel reposera la mise en œuvre de la Charte”, Ibrahim Boubakar Keïta laisse, certes, la porte ouverte au dialogue. Dans cet ordre d’idées, il a affirmé : “Cette conférence d’entente nationale est un train qui démarre. Et ceux qui ne l’auront pas pris dans cette gare peuvent toujours le rattraper à une autre gare.” “L’essentiel est qu’à l’arrivée, toute la famille soit réunie”, a-t-il assuré, tout en déplorant au passage “certaines absences et les discours qui les justifient”. Il va falloir mettre les bouchées doubles pour ramener à la table des négociations les éléments réfractaires, comme cela a été le cas à la dernière minute pour un des mouvements de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Mais cela reste insuffisant vu le poids des parties ayant opté pour le boycott.
Des concessions en échange de la participation
Face aux chaises laissées vides pour les parties ayant opté pour le boycott, le président malien a lâché du lest. En acceptant de ne plus limiter dans le temps la durée de cette conférence, dont la fin était prévue pour le 2 avril, et en acceptant que la charte adoptée ne soit pas définitive, IBK a fini par obtenir la participation hier d’ex-rebelles, en espérant le ralliement des autres.
Ainsi, des représentants de la CMA étaient présents hier, selon un journaliste de l’agence AFP. Le porte-parole de l’ex-rébellion, Mohamed El-Maouloud Ramadane, qui était présent, a indiqué que la CMA est revenue sur sa décision après avoir “obtenu des compromis”. Les ex-rebelles ont rejoint hier les participants aux travaux après avoir obtenu des assurances sur la poursuite des discussions au-delà de la date fixée pour cette réunion.
Pour rappel, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA, ex-rébellion à dominante touareg du Nord) et l’opposition avaient pratiqué lundi la politique de la chaise vide, après avoir annoncé qu’elles boycotteraient cette rencontre programmée sur sept jours, la jugeant trop limitée dans le temps ou dans ses objectifs.
Le président de la conférence, Baba Akhib Haïdara, a indiqué, lundi, qu’à la suite d’une “entente entre les parties signataires (de l’accord), il a été convenu que la Conférence n’approuvera pas une charte définitive”. D’après lui, les travaux de la réunion “seront, éventuellement, des éléments constitutifs d’une charte qui sera élaborée dans un cadre que les autorités fixeront”.
De son côté, le haut représentant du président malien pour la mise en œuvre de l’accord de paix, Mahamadou Diagouraga, a affirmé dans un communiqué diffusé dans la nuit de lundi à mardi que les ex-rebelles s’engageaient à se joindre aux travaux de la conférence “dès mardi”, à l’issue d’échanges impliquant les intéressés et la médiation internationale. “Nous avons, sous l’égide de la médiation internationale, avec un rôle déterminant de la Mission de l’ONU au Mali (Minusma), obtenu que la conférence ne se termine pas le 2 avril” comme prévu initialement, a confirmé le porte-parole de la rébellion. “Il ne faut pas bâcler la conférence. Il faut prendre le temps nécessaire”, a-t-il insisté, sans fournir de date. Selon lui, le “premier round” des discussions prendra fin le 2 avril, mais les débats se poursuivront sous une nouvelle forme.
Une charte de paix en deux temps ?
Rappelant les conditions dans lesquelles avait été conclu l’accord de paix d’Alger, qui avait été marqué par une double cérémonie de signature, la Conférence d’entente nationale malienne semble prendre le même chemin.
C’est du moins l’idée avancée par le média malien Le Combat, qui évoque l’éventualité de l’adoption en deux temps de la charte de la paix et de la réconciliation au Mali. Ouverte sans les représentants d’ex-rebelles et de l’opposition, la conférence de l’entente nationale laisse la porte ouverte aux ralliements, dont le premier a été celui de la CMA, qui est revenue à de meilleurs sentiments pour prendre le train en marche. Pour ce journal malien, il est probable que l’opposition et les ex-groupes armés du Nord, qui ont tous brillé avant-hier par leur absence, “décident de mettre de l’eau dans leur vin, de par le minimum de fibre patriotique susceptible de vibrer en eux au son du discours du chef de l’État”. Dans ce cas de figure, la double cérémonie de signature que l’Accord de paix et de réconciliation nationale avait connu, à Alger, en mai 2015, puis à Bamako, en juin de la même année, pourrait se renouveler pour la Charte attendue sur l’unité, la paix et la sécurité de notre pays. Selon Le Combat, “une première clôture consacrerait la signature de la majorité présidentielle et ses alliés ayant fait démarrer les travaux, avant-hier lundi, tandis que les retardataires, s’il y en a, apposeraient leur paraphe lorsque leurs préoccupations auraient été prises en compte”. Affaire à suivre !