Alger balise le dialogue inter-malien
La rébellion renonce à la scission du Mali
Alger balise le dialogue inter-malien
par Moncef Wafi, Le Quotidien d’Oran, 16 juin 2014
En droite ligne du dialogue inter-malien «inclusif» qui se dessine peu à peu, et dans le sillage de la «Déclaration d’Alger» conclue le 9 juin dernier, trois Mouvements du Nord-Mali ont signé ce samedi à Alger une plateforme reconnaissant «l’intégrité territoriale et l’unité nationale du Mali», l’une des exigences de Bamako pour dialoguer avec les groupes armés touaregs du Nord. Réunis en consultation, les représentants du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), de la Coordination pour le peuple de l’Azawad (CPA), un mouvement dissident du MNLA et qui revendique la très grande majorité des combattants dans les régions de Gao, Kidal et Tombouctou ; et de la Coordination des Mouvements et Fronts patriotiques de résistance (CM-FPR) formée de milices comprenant surtout des communautés noires du Nord proches de Bamako, sont arrivés à se mettre d’accord sur le respect de l’unité nationale qui reste, selon eux, garant d’une prise en charge des revendications légitimes des Touaregs maliens. Dans un premier temps, le MAA estimait que «le minimum que peuvent accepter les gens de l’Azawad est bien sûr l’autonomie interne», pour reprendre les déclarations de son secrétaire général, Mohamed Ould Sidi Mohamed, à l’AFP. Cette rencontre s’inscrit dans le cadre de la reprise des consultations exploratoires que l’Algérie mène depuis janvier 2014 à la demande du président malien avec les différentes parties du nord du Mali concernées en vue de lancer les jalons du dialogue inter-malien. De son côté, Alger qui n’a jamais cessé d’appeler au dialogue inter-malien pour régler définitivement la crise multidimensionnelle qui secoue son voisin, s’est réjoui de la signature du document, affirmant qu’elle continuera à apporter son soutien «actif» à toute initiative qui favorisera la recherche d’une solution pacifique à la crise qui affecte le Nord-Mali. Pour le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, la «Déclaration d’Alger» et la signature, ce samedi, de la plateforme préliminaire, sous les auspices d’Alger, scelle l’œuvre de rapprochement des points de vue et clarification des positions des trois mouvements dans le nord du Mali. Pour rappel, le document du 9 juin préconisait un consensus entre le Mouvement national de Libération de l’Azawad (MNLA), le MAA et le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), signataires de l’accord de cessez-le-feu du 23 mai 2014, dont les relations étaient pour le moins mouvementées. L’accord trouvé entre les frères ennemis tend à réaffirmer la volonté des Touaregs maliens à justement conforter cette «dynamique d’apaisement en cours» initiée après que le bruit des armes s’est tu au nord du pays. Quant à la plateforme de ce samedi, le ministre algérien des Affaires étrangères estime qu’elle «délimite fondamentalement les contours de ce dialogue inter-malien qui doit être inclusif». Dans le même cadre, M. Lamamra a annoncé qu’une réunion des ministres des pays du Sahel «qui soutiennent le dialogue inter-malien» se tiendra aujourd’hui à Alger alors que le chef de Mission de l’ONU au Mali (Minusma) est présent dans la capitale algérienne. Trois membres du gouvernement malien devaient également arriver hier à l’aéroport international «Houari-Boumediene» «dans le cadre du dialogue stratégique entre l’Algérie et le gouvernement malien», a-t-il encore ajouté. Ces consultations tous azimuts sont menées en parallèle avec l’action du gouvernement central malien dont le représentant spécial du président malien, chargé du dialogue avec la rébellion, avait rencontré dernièrement à Nouakchott, la capitale mauritanienne, des membres du MAA et de la CM-FPR.
Pour l’Algérie, la pacification de ses frontières avec le Mali est une priorité et elle ne passera qu’à travers le retour de la paix dans la région. Alger, conscient des enjeux sécuritaires qui pèsent sur son territoire, ne veut aucunement revivre les événements du 14 août dernier à Bordj Badji-Mokhtar qui illustrent parfaitement la contamination de la région par les dissensions armées entre Touaregs du Nord-Mali. On se rappelle qu’un conflit a éclaté entre Arabes Barabiches et Touaregs Idnanes à Bordj Badji-Mokhtar où des hommes du MAA et du MNLA ont pris part à des affrontements armés qui ont fait des morts. Quatre jours plus tard, le MNLA, le HCUA et le MAA condamnent officiellement ces violences, mais le mal est fait. Et c’est justement pour ne plus revivre ce genre de situations qu’Alger a décidé de relancer ce dialogue inclusif aux Maliens, réclamé en outre et par ces derniers et par la communauté internationale. En fin, il y a lieu de rappeler que des diplomates algériens sont toujours détenus quelque part dans la région par des groupes armés.