Frontière algéro-marocaine: Après le grillage… le mur en acier
Frontière algéro-marocaine
Après le grillage… le mur en acier
El Watan, 13 août 2016
En 2013, les autorités algériennes, motivées par la détermination de lutter contre le trafic en tout genre, ont entrepris le creusement de tranchées d’une longueur de 70 km dans la wilaya de Tlemcen, de Marsat Ben M’hidi à El Aricha.
Réponse du berger à la bergère suite à cette décision, le gouvernement chérifien a entamé l’érection d’un grillage, un mur de fil de fer s’étendant sur une 450 km (de Saïdia à Figuig). Soit le tracé parallèle de l’extrême Ouest algérien jusqu’à Béchar.
Officiellement, le pouvoir marocain a eu recours à ce mur de séparation pour lutter contre le flux des migrants irréguliers, avant que la version ne change pour expliquer que «c’est pour lutter contre le terrorisme».
Toujours est-il que, pour ceci ou pour cela, le grillage a suscité la colère des associations œuvrant dans le domaine des migrations. «On est contre la militarisation des frontières et la restriction des libertés de circulation. Cette entreprise nous laisse perplexes parce que le Maroc a déjà émis son objection concernant la construction de la barrière du préside occupé de Melilla», a déclaré Hicham El Baraka, président d’ABCDS Maroc, une association d’aide aux migrants basée à Oujda, dans l’Oriental.
Et d’ajouter : «Quoi qu’il en soit, ce sont les peuples des deux pays qui sont les premiers perdants.» Khadija Elmadmad, titulaire de la chaire Unesco «migration et droits humains», estime, pour sa part, que «ledit grillage aura certainement des conséquences sur les droits des migrants (…). Si le royaume a le droit d’exercer sa souveraineté sur son territoire, il reste pour autant la question de garantie des droits des migrants. C’est le cas, par exemple, des demandeurs d’asile.
On se demande si le Maroc permettra au HCR et aux associations œuvrant dans le domaine de la migration d’accéder à ces zones», avant de déplorer que «ce projet portera un coup dur à l’unité maghrébine».
Une autre polémique est née au Maroc concernant le coût de ce mur de fer. «Des expériences mondiales similaires démontrent que le mur séparant les Etats-Unis et le Mexique aurait coûté 10 à 20 milliards de dollars et que la barrière de Melilla a été estimée à 33 millions d’euros. Des sommes faramineuses, sans compter les frais de maintenance et de fonctionnement», estiment des spécialistes marocains. Et de s’interroger : «Le royaume a-t-il les moyens de ses ambitions ?»
Dans cet embrouillamini militaro-politique, la guerre des bulldozers est loin d’être terminée.
En effet, ni les fossés ni le grillage n’ont réussi à éradiquer la contrebande et l’immigration irrégulière. Un constat qui a suggéré à l’Etat algérien de se cadenasser davantage en édifiant, tout le long du tracé frontalier, un mur en acier. Au niveau de la localité de Boukanoun, qui fait face à la ville marocaine d’Ahfir, un pan de mur est en chantier. Les travaux vont à un rythme soutenu.
Et même si les responsables algériens, notamment militaires, ont refusé de faire toute déclaration ou d’émettre un commentaire, nous avons pu observer le début de réalisation de ce projet. Selon nos informations, il s’agirait d’un mur de 7 mètres de hauteur et de 2 de largeur. Un renforcement de la frontière pour empêcher toute incursion terroriste ou passage des criminels de Daech arrivant de Libye par le Sud algérien.
La visite récente à Alger de hauts responsables civils et militaires marocains a-t-elle été décidée pour justement renforcer les frontières dans un but prioritairement sécuritaire ? Tout le laisse croire, au vu de l’empressement des travaux de sécurisation du tracé frontalier.
Cependant, une frontière ne peut être surveillée seulement par des tranchées, un grillage et un mur, fut-il en acier.
Les faits ont démontré que, par on ne sait quelle magie, près de 120 tonnes de drogue ont été introduites et saisies sur le territoire algérien depuis le début de l’année. Et selon des observateurs, plus d’une fois cette quantité serait passée à travers les mailles du filet.
En attendant un éventuel dégel entre les deux pays, les citoyens des deux côtés de la barrière continuent de se saluer au niveau du lieudit La Montagne du lion et sur les deux plages riveraines de Marsat Ben M’hidi et Saïdia. Au grand dam des politiques…
Chahredine Berriah