Les yeux d’Israël braqués sur le sommet d’Alger
Attendant «quelque chose de positif»
Les yeux d’Israël braqués sur le sommet d’Alger
Le Quotidien d’Oran, 23 février 2005
En décidant de se retirer en juillet prochain de la bande de Gaza, Israël pense conclure une normalisation de ses relations avec une grande partie des pays arabes. Tel-Aviv compte beaucoup pour cela sur le sommet d’Alger duquel le gouvernement Sharon attend «quelque chose de positif».
Après la demande de Bush de faire adopter par le sommet de la Ligue arabe prévu les 22 et 23 mars prochain à Alger, une résolution obligeant la Syrie à retirer ses troupes du Liban, c’est au tour d’Ariel Sharon de vouloir saisir l’occasion pour conclure des «pactes» de normalisation avec le monde arabe. En fait, le Premier ministre israélien compte monnayer son retrait de la bande de Gaza qu’il prévoit d’opérer en juillet prochain après que son gouvernement eut voté en faveur de l’évacuation de 8.000 colons en plus de quatre colonies en Cisjordanie.
Comme Bush, Sharon compte bien arracher le maximum de concessions des dirigeants arabes en mettant dans la balance en plus de son retrait de la bande de Gaza, sa reprise du dialogue avec les Palestiniens ainsi que le retour des ambassadeurs jordanien et égyptien. Les deux hommes forts de la planète tablent directement sur le sommet d’Alger qui semble, selon eux, tout indiqué pour donner le ton à de nouveaux rapports entre eux et le monde arabe. Le gouvernement Sharon estime, par une voix anonyme de son MAE, qu’au regard de ce qui vient d’être décidé, «nous attendons quelque chose de positif du sommet d’Alger».
L’opinion internationale vient ainsi d’avoir un premier éclairage sur les tenants et aboutissants de la décision israélienne quelque peu subite et surtout unilatérale de son retrait de la bande de Gaza. L’on croyait presque que c’était le premier pas que Sharon voulait faire pour traduire une volonté qu’il aurait eu soudainement d’instaurer la paix au Moyen-Orient. Il est vrai qu’Israël ne doit pas avoir la conscience tranquille en détruisant quotidiennement les habitations des Palestiniens sous prétexte qu’il tient à mettre fin aux actes «terroristes» de la résistance palestinienne. Il sait pertinemment qu’il évolue en flagrante violation des droits humains, des résolutions onusiennes et de la légalité internationale, le tout sous l’oeil bienveillant et complice des Etats-Unis. Mais rien de tout cela ne semble peser dans ce qu’il a programmé d’entreprendre vis-à-vis des Palestiniens. Le chef de la diplomatie israélienne, Sylvan Shalom, a synthétisé les visées de Sharon en une phrase. «Il est possible que dix pays arabes ouvrent une représentation diplomatique», a-t-il lancé.
Ce qui est sûr c’est que les deux administrations, américaine et israélienne, ne perdent pas de temps. Elles ne se perdent jamais en conjectures comme le font habituellement les dirigeants arabes. D’ailleurs, dès leur acceptation de reprendre langue avec la présidence de l’Autorité palestinienne avec à sa tête le fraîchement élu Mahmoud Abbas, ils ont tout de suite repris ce qu’ils considèrent être des acquis inscrits dans les accords de paix qu’Israël a signés en 1979 avec l’Egypte et en 1994 avec la Jordanie. Il s’agit bien sûr d’une représentation diplomatique, la première égyptienne et la seconde jordanienne, auprès de l’Etat hébreu. A peine quelques jours après la rencontre le 8 février dernier de Charm El-Cheikh, le roi Abdallah de Jordanie a envoyé son ambassadeur alors que Hosni Moubarak l’Egyptien promet de le faire incessamment. «Dans un premier temps, nous espérons que quatre pays qui entretenaient dans le passé des relations avec Israël vont envoyer leurs représentants», a souligné le diplomate israélien anonyme à l’AFP. Le Maroc, la Tunisie, Oman et le Qatar sont donc invités à exaucer le voeu de Sharon en procédant pour l’un – le Maroc – à la réouverture de son bureau de représentation, pour l’autre – la Tunisie – celle de son bureau d’intérêts et pour les deux derniers – Oman et le Qatar – leurs représentations économiques. «Ce premier cercle de pays arabes pourrait être ensuite élargi après l’important sommet arabe», estiment les Israéliens.
Le gouvernement Sharon affirme par la voix anonyme que «l’essentiel c’est que nous sommes passés avec les Palestiniens à une logique de complémentarité et non de compétition». Entre les deux termes, il y a probablement cette volonté israélienne de vouloir impliquer tous les Arabes dans «la normalisation» de la situation au Moyen-Orient. En clair, Israël ne semble plus se contenter du tutorat égyptien sur le conflit israélo-arabe. Hosni Moubarak est en perte sèche de cote auprès de Bush et de Sharon. Il y a un temps à tout. Aujourd’hui, il est à l’élargissement de «visées diplomatiques» israéliennes sur l’ensemble des pays arabes. L’Algérie n’échappe pas à cette règle. Elle est de fait sur la sellette puisqu’elle est l’hôte du sommet de la Ligue arabe.
Il serait peut-être temps que les dirigeants arabes relèvent la tête et monnayent eux aussi leurs concessions. Ils peuvent accepter les demandes de Bush et de Sharon mais doivent à leur tour mettre dans la balance la création d’un Etat palestinien, le retour des réfugiés palestiniens, le retrait d’Israël du Golan et du Tibériade syrien et autres revendications auxquelles les résolutions de l’ONU consacrent la légitimité. Il faut juste faire preuve de vigilance et de prudence au marché de dupes que pourrait leur faire avaliser Israël qui d’ores et déjà déclare s’attendre à «une crise aiguë politique avec les Palestiniens après le retrait». Selon un rapport annuel du MAE israélien, les Palestiniens exigeraient après le retrait, des négociations sur le statut définitif des territoires occupés. Une exigence à laquelle Sharon a d’ores et déjà une réponse toute faite, à savoir qu’avant de prétendre à ce statut, les Palestiniens doivent s’investir davantage dans la lutte antiterroriste. C’est probablement là l’autre volet qui a prévalu à la décision du retrait israélien de la bande de Gaza…
Ghania Oukazi