Des heurts entre policiers et manifestants à Tunis
Malgré la formation d’un gouvernement de transition
Des heurts entre policiers et manifestants à Tunis
El Watan, 29 janvier 2011
Un gouvernement de transition bis épuré des principaux caciques de Ben Ali est toujours dirigé par le Premier ministre Mohammed Ghannouchi qui concentre les critiques.
Au moins cinq personnes ont été blessées hier après-midi lors d’affrontements entre policiers antiémeutes et manifestants dans le centre de Tunis, autour de la place de la Kasbah, a indiqué à l’AFP un médecin urgentiste sur place. Ce sont les premiers affrontements depuis deux jours entre forces de l’ordre et manifestants qui réclament toujours le départ du premier ministre Mohammed Ghannouchi. Des policiers ont tiré des grenades lacrymogènes contre des manifestants rassemblés sous les fenêtres du bureau du Premier ministre et qui leur lançaient des pierres, a constaté l’AFP. Les forces antiémeutes positionnées sur une artère donnant sur la Kasbah ont fait mouvement vers l’esplanade en tirant un grand nombre de grenades lacrymogènes. Des militaires sur place ne sont pas intervenus. «J’ai vu au moins cinq blessés.
Plusieurs saignaient», a affirmé le médecin du Samu de Tunis, Majdi Amami. Il a précisé que deux blessés ont été atteints par des pierres lancées par les manifestants et que la police rejetait ensuite vers eux. Un troisième a été atteint à la tête par une grenade lacrymogène tirée «presque à bout portant», a affirmé ce médecin.
Un gouvernement de transition bis épuré des principaux caciques de Ben Ali est toujours dirigé par le Premier ministre Mohammed
Ghannouchi qui concentre les critiques. Après trois jours d’âpres tractations, M. Ghannouchi a en grande partie cédé à la pression quotidienne des milliers de manifestants en formant jeudi soir une nouvelle équipe de transition profondément remaniée qui a reçu l’aval préalable de la puissante Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT).
Cinq des sept anciens ministres du dernier gouvernement de Ben Ali qui y figuraient ont fait les frais de ce coup de balai, notamment tous ceux qui occupaient les postes-clés : Défense, Intérieur, Affaires étrangères, Finances. Ils ont été remplacés par des technocrates ou des personnalités indépendantes peu connues de l’opinion. Mais le maintien en fonction du Premier ministre Ghannouchi, dernier chef du gouvernement du président déchu autoritaire, Zine El Abidine Ben Ali, poste qu’il a occupé pendant onze ans, reste fortement contesté par la frange la plus radicale des contestataires. «La majorité veut continuer pour dégager Ghannouchi, tout le gouvernement doit sauter, surtout Ghannouchi», a assuré à l’AFP
Khaled Salhi, étudiant de 22 ans dans une école d’ingénieurs à Tunis, parmi les quelque 300 manifestants, en grande partie des provinciaux, qui ont campé à la Kasbah. «Le chef de l’UGTT ne représente pas la base, il était avant avec Ben Ali. Ce qui est important, c’est ce que vont dire et faire les Unions régionales de la centrale et surtout l’Ordre des avocats», qui exerce une forte autorité morale sur les manifestants tunisiens, selon un étudiant.
Mais que se passera-t-il si la contestation de la base, en particulier celle des provinces déshéritées de l’intérieur, qui avaient lancé spontanément la révolution tunisienne, se poursuit ? «Les syndicats, les partis politiques doivent jouer leur rôle pour les convaincre que le Premier ministre n’est là que pour la transition et qu’après les élections, il y en aura un autre», répond à l’AFP Mouldi
Jandoubli, membre exécutif de l’UGTT. «L’évolution s’est faite. Un gouvernement est là. Je crois que c’est la bonne attitude. L’économie doit repartir, les gens doivent se remettre au travail», ajoute-t-il. Embouteillages, nombreux passants, magasins ouverts, partout en dehors de la Kasbah les Tunisois vaquaient vendredi matin à leurs occupations habituelles.