Bouteflika : la paix avec Israël est une option stratégique pour les Arabes

Ouverture du sommet d’Alger avec vœux de réformes

Bouteflika : la paix avec Israël est une option stratégique pour les Arabes

Par Younes Hamidouche, La Tribune, Mercredi 23 mars 2005

C’est avec un léger retard qu’ont commencé hier à Alger les travaux de la 17ème session du sommet de la Ligue arabe. Les dernières délégations, participantes et celles invitées, étant arrivées en fin de matinée au palais des Nations à Club des Pins ont été reçues par le président de la République avant qu’il ne préside la séance de travail en plénière après avoir proclamé l’ouverture officielle de cette 17ème session, précédée d’une allocution de son homologue tunisien, Zine El Abidine Benali, président sortant de la Ligue arabe, suivie du condensé du rapport du secrétaire général de cette organisation, Amr Moussa. Dans son allocution, le chef de l’Etat algérien a abordé nombre de thèmes brûlants de l’actualité non seulement arabe mais internationale. C’est le cas notamment de la paix, de la sécurité dans le monde, de la lutte contre le terrorisme ainsi que de l’engagement arabe sur la voie de réformes démocratiques.Le point focal de cette intervention est incontestablement le processus de paix avec Israël qui traîne depuis la provocation de Sharon sur l’esplanade d’El Aqsa et l’éclatement de la deuxième Intifadha. A ce propos, Bouteflika dira qu’«il importe que l’option stratégique du Monde arabe pour la paix soit, aujourd’hui, puissamment réitérée et renforcée par la création d’un mécanisme politique de haut niveau de mise en œuvre, de contact, de suivi et d’évaluation en vue de la promouvoir et de la concrétiser dans les délais les plus rapprochés». Le Président a inscrit cette option dans «l’initiative de paix que le prince Abdallah a soumise à notre considération et que le sommet de Beyrouth a solennellement approuvée» et qui «s’est basée sur le principe universel de l’‘‘échange de la terre contre la paix’’, prévoyant ainsi le retrait d’Israël de tous les territoires palestiniens et arabes occupés après le 4 juin 1967 en échange d’une paix complète». A ce titre, précise Bouteflika, «il nous faudra tout particulièrement redoubler d’efforts pour que l’évocation d’un Etat de Palestine, pour la première fois, par le Conseil de Sécurité des Nations unies dans sa résolution 1397 soit suivie, au cours de la présente année, de la constitution aussi bien juridique que politique d’un Etat palestinien reconnu et viable». «L’accélération de l’histoire ne nous permet pas d’aller lentement dans nos réformes», avertit le président algérien devant ses homologues des pays membres de la Ligue arabe en évoquant l’impératif d’aller de l’avant avec une plus grande célérité concernant les réformes envisagées au sein de la Ligue et des pays de la composante de cette organisation qui célèbre présentement son soixantième anniversaire. Avant un coup de vieux, en cas de statu quo, qui, sans nul doute, achèverait les espoirs de démocratisation attendus dans cette région du Globe. Dans la foulée, Abdelaziz Bouteflika ne manquera pas de rappeler que, dans le cas de l’Algérie, «nous avons été les pionniers dans ces réformes qui ne nous ont pas été imposées». Cela, le président algérien le martèlera sans cesse devant des chefs d’Etat dont le règne se compte parfois par décennies entières. Des réformes qui, selon Bouteflika, doivent tenir en considération les spécificités du Monde arabe. «Il nous faut être très clairs que nous demeurerons attachés à notre identité panarabe [et] rester une entité arabe…», dit-il en évoquant l’initiative dite du Grand Moyen-Orient. Le chef de l’Etat algérien poursuit en soulignant l’impératif, pour relever les défis qui se posent à la face de la Ligue et de ses pays membres, d’une «réconciliation inter-arabe». Réconciliation en vue, précisera-t-il, de «maîtriser son avenir […] dans l’authenticité et la modernité». «Le Monde arabe est mis en demeure de devenir artisan du changement» sur cette voie vers une «citoyenneté arabe». Bouteflika plaide le «renforcement de la coopération inter-arabe». «Il nous faut transcender nos différences», souligne-t-il. Eviter la «résignation paralysante», relève-il. Le président de la République va jusqu’à parler, à ce sujet, d’un «rempart protecteur des droits légitimes arabes dans le cadre de la légalité internationale». Il plaide en ce sens en faveur d’une «véritable œuvre de renaissance» que rien ne viendrait contrarier. L’intervention de Bouteflika a été marquée aussi par son appel réitéré en direction de la communauté internationale en vue de parvenir à une définition claire du terrorisme pour une lutte plus efficace contre ce fléau. «Dans ce monde, ironise-t-il, chacun combat son terrorisme !» Il dénonce la politique de «deux poids, deux mesures». «Il faut absolument parvenir à une définition très claire du terrorisme» dans le cadre des Nations unies, souligne-t-il ensuite avant de relever que c’est de cette manière-là que le monde peut parvenir véritablement à l’idée soutenue par le président du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, appelée «alliance des civilisations» et à propos de laquelle ce dernier a fait le déplacement hier à Alger en vue de la présenter devant la Ligue arabe. S’adressant aux pays membres de l’organisation panarabe, Bouteflika souligne que nouer des relations avec les autres civilisations est dans l’intérêt de ces derniers. Par ailleurs, dans les propos tenus par le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, il est à relever le fait que la Ligue arabe connaisse une «crise financière énorme». Dans l’intervention du président sortant de la Ligue (Benali), l’accent est mis sur les «défis de développement et de modernisation attendus par nos sociétés». Après la présentation par Zapatero de son initiative «alliance des civilisations», plusieurs autres invités ont pris la parole, certes plus brièvement. L’Union européenne (Javier Solana et Bennita Ferrer), l’Union africaine (Alpha Omar Konaré), la France (Michel Barnier) ainsi que de hauts représentants d’Italie, du Brésil, de l’OCI, du Portugal, de l’Inde, de la Russie et d’autres encore ont présenté des communications au sommet de la Ligue arabe à Alger.En somme, l’ouverture des travaux du sommet d’Alger a mis en avant les vœux et attentes des Arabes sur nombre de questions, à commencer par celle de réformer selon les attentes de la rue arabe et les contraintes de la mondialisation et de la modernité. La suite des travaux, à huis clos, et surtout les résolutions finales à rendre publiques aujourd’hui, au second et dernier jour de ce sommet, détermineront le degré d’avancée des 22 pays membres de la Ligue arabe dans son objectif de concrétiser la «volonté commune» pour un «avenir commun».

Y. H.
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Le message d’Alger à Washington et à Israël

Par Abdelkrim Ghezali, La Tribune, 23 mars 2005

«La paix [avec Israël] est une option stratégique pour les Arabes.» Il s’agit là d’un message fort que lance Bouteflika au nom de tous les chefs d’Etat arabes à l’attention de Washington et d’Israël concernant les conditions de la normalisation de leurs relations avec Tel-Aviv. Ces conditions, contenues dans l’initiative de paix présentée en 2002 et adoptée sans réserves par le sommet arabe de Beyrouth, sont inspirées à la fois des revendications palestiniennes et des résolutions du Conseil de sécurité. Ces mêmes conditions arabes constituent l’ossature de la feuille de route parrainée par les Etats-Unis, l’Union européenne et la Russie et acceptée par les Palestiniens. Ces derniers ont déjà fait toutes les concessions possibles. Les factions palestiniennes ont accepté d’observer une trêve unilatérale au moment où Israël poursuit la construction du «mur de Berlin» et l’implantation de colonies sur les territoires palestiniens. Le sommet d’Alger attend donc un effort sérieux de la part d’Israël et des actes concrets allant dans le sens de l’apaisement, de l’établissement d’une confiance mutuelle, d’une réelle volonté de paix à travers la libération des prisonniers politiques palestiniens, la reconnaissance des droits nationaux des Palestiniens, aussi bien ceux des territoires occupés que ceux de la diaspora, qui ont été chassés de leurs terres, déracinés et sont aujourd’hui des réfugiés dans différents pays à travers le monde. En d’autres termes, le message d’Alger dit clairement que la balle est dans le camp israélien et non dans le camp palestinien ou arabe. Le message d’Alger réitère l’attachement des pays arabes à la paix entre eux et Israël et suggère à Washington de faire pression sur Israël pour accepter enfin les résolutions onusiennes, la légalité internationale et à engager sérieusement avec les Palestiniens, les Syriens et les Libanais un processus de paix sérieux et viable devant aboutir, dans des délais raisonnables, à l’avènement d’un Etat palestinien sur les territoires occupés en juin 1967, la récupération par la Syrie et le Liban du Golan et de la région de Chebba afin que le reste des pays arabes envisagent une normalisation avec l’Etat hébreu. Pour le sommet d’Alger, et toujours en relation avec la situation au Moyen-Orient, la question du terrorisme, qui constitue pour Israël un point focal, est tranchée dans la mesure où beaucoup de pays arabes ont fait ou font toujours face à ce phénomène qui vise à déstabiliser les Etats, à désarticuler les sociétés.Le terrorisme que les Arabes dénoncent et condamnent n’a aucun rapport avec la résistance légitime d’un peuple à une occupation étrangère, à une agression reconnue comme telle par la communauté internationale, à une spoliation des terres, des droits et des rêves… Les Palestiniens et la Palestine sont des victimes et non des agresseurs. C’est de ça qu’il s’agit. A ce titre, les Arabes insistent sur une définition claire du terrorisme et sa nette séparation du droit des peuples à résister à toute agression étrangère, d’où qu’elle vienne. Là aussi, c’est, en substance, le message d’Alger sur la situation au Moyen-Orient.