Al-Sissi à Alger : La Libye, le gaz et des malentendus
par Moncef Wafi, Le Quotidien d’Oran, 26 juin 2014
Le président égyptien, Abdelfattah Al-Sissi, en route pour la Guinée où il participera au sommet de l’Union Africaine, s’est posé hier sur le tarmac de l’aéroport international Houari-Boumediene d’Alger pour répondre à l’invitation de son homologue algérien, Abdelaziz Bouteflika.
Dans une déclaration protocolaire à l’occasion de sa première visite à l’étranger depuis son élection à la présidence de l’Egypte, Al-Sissi a indiqué que sa présence en Algérie avait pour objectif «de dégager une véritable entente et une vision conjointe des intérêts communs et des défis qui se posent aux deux pays et à la région». Le président égyptien a évoqué les questions communes aux deux pays dont la question du terrorisme qui nécessite «une coordination des positions». Rappelons que l’Egypte fait face à un cycle de violence armée depuis la destitution de l’islamiste Mohamed Morsi et que, pas plus tard qu’hier, cinq bombes de faible puissance ont explosé dans plusieurs stations de métro du Caire, blessant au moins huit personnes, selon la police.
Parmi les dossiers régionaux, la situation en Libye, qui partage des frontières avec l’Algérie et l’Egypte, devenue source d’inquiétude pour tous ses voisins. Même si Le Caire semble avoir pris le parti du général Haftar dans sa guerre contre les «milices islamistes», Alger reste prudente, réitérant les principes de sa non-intervention militaire à l’étranger.
Une visite dans le sillage du retour à la normale des relations bilatérales après la presque rupture diplomatique entre les deux capitales suite aux événements extra-sportifs qui ont accompagné le match qualificatif pour la phase finale de la Coupe du monde 2010. Alger a également fait jouer ses relais au sein de l’Union africaine pour la réintégration de l’Egypte dans le giron de l’organisation panafricaine qui a institué la règle de suspendre les pays où a lieu un coup d’Etat. Pourtant, et malgré les déclarations du maréchal à la retraite, durant sa campagne électorale, où il aurait affirmé devant le conseil supérieur de l’éducation que «l’armée égyptienne était forte», et qu’elle pouvait «entrer en Algérie en trois jours s’il arrivait un malheur à un Égyptien», l’Algérie a préféré ne pas donner suite à l’incident se contentant du rapide démenti de la campagne officielle de Sissi. Si cette escale vise probablement à dissiper le malentendu, elle obéit d’abord à l’impératif de régler le plus tôt possible le problème d’approvisionnement de l’Egypte en gaz, à quelques heures du début du mois de ramadhan.
L’Egypte, en brouille avec le Qatar, son premier fournisseur, doit importer 400 millions de mètres cubes de gaz naturel par jour pour faire fonctionner ses centrales électriques et répondre à ses besoins domestiques. La presse a fait état d’un accord qui sera signé entre la Natural Gas Holding Company et Sonatrach alors qu’Alger aurait accepté d’envoyer six livraisons de gaz naturel liquéfié (GNL) à l’Egypte. En 2013, le ministre égyptien du Pétrole, Chérif Ismaïl, avait rappelé dans une déclaration au journal cairote Al Yawm Al-Sabee, à propos de l’importation du gaz, que son gouvernement «se penche sérieusement sur les choix alternatifs qui existent sur le marché», pour contourner Israël et surtout le Qatar, en soulignant qu’en tête de ces choix se trouve l’Algérie. L’Algérie, par la voix du ministre de l’Energie et des Mines, Youcef Yousfi, s’est engagée en juillet dernier à approvisionner l’Egypte en gaz naturel à compter de 2014, si d’ici là l’augmentation programmée de la production et de l’exploitation de nouveaux gisements était respectée.