L’Algérie a tout à redouter d’une intervention étrangère en Libye

L’Algérie a tout à redouter d’une intervention étrangère en Libye

par Kharroubi Habib, Le Quotidien d’Oran, 6 février 2016

La vingtaine de pays membres de la coalition internationale rassemblée par les Etats-Unis pour combattre le groupe djihadiste l’Etat islamique qui se sont réunis à Rome en milieu de la semaine écoulée ont fait le point sur la lutte qu’ils mènent contre lui. Il ressort selon leurs conclusions que sous les coups de leur coalition l’Etat islamique a cédé du terrain en Irak et en Syrie mais est en train de se renforcer en Libye. D’où la nécessité débattue par eux d’une action internationale dans ce pays pour empêcher que l’organisation terroriste en prenne le contrôle en profitant du chaos dans lequel il est plongé causé par la lutte pour le pouvoir à laquelle se livrent les factions et milices libyennes.

Malgré le pressing exercé par certains pays participants favorables à l’intervention militaire internationale immédiate en Libye, la réunion de Rome ne s’est pas prononcée sur le sujet. Pour autant, il n’est pas exclu que les pays « interventionnistes » dont l’Italie, la France et le Royaume-Uni sont décidés à passer outre même s’ils se défendent de le vouloir. Pour l’Algérie qui quoique inquiète par l’implantation de l’Etat islamique dans la Libye voisine, mais opposée à une opération de la sorte, il apparaît que ces milieux ont acté une intervention qui serait imminente. Cela explique que l’on constate que dans le même temps où sa diplomatie s’active avec intensité à tenter de les dissuader à entreprendre une telle initiative, son armée a singulièrement élevé son niveau d’alerte qui se traduit par un impressionnant afflux de renforts en hommes et moyens matériels aux frontières du pays.

L’opposition de l’Algérie à une intervention militaire étrangère en Libye ne relève pas que de l’ordre du principe du refus de la non-ingérence. Elle se justifie également pour elle par les conséquences qu’elle induit pour sa sécurité nationale. Il ne fait aucun doute pour les autorités politiques et militaires algériennes que l’intervention militaire étrangère contre le groupe djihadiste de l’Etat islamique en Libye conduirait ses membres à chercher à fuir la zone où ils sont présentement et tenteront de s’infiltrer dans les pays frontaliers de la Libye dont bien évidemment l’Algérie. Ce scénario est dans la stratégie de l’Etat islamique comme le montre le repli sur la Libye d’une partie de ses combattants suite à l’intensification des frappes et offensives qui l’ont contraint à reculer en Irak et en Syrie.

L’Algérie est convaincue que l’intervention militaire étrangère en Libye ne fera qu’étendre l’aire de nuisance de l’organisation terroriste et que pour éviter cela il y a lieu de fédérer contre elle les factions et milices libyennes pour qui sa présence dans leur pays est une menace mortelle. Sauf que la préconisation algérienne partagée par l’ONU se heurte au comportement irresponsable de ces factions et milices libyennes qui font passer leurs intérêts et convoitises respectifs avant la nécessité d’en découdre avec l’Etat islamique qui ambitionne pourtant d’en finir avec eux. C’est là une situation sur laquelle l’Algérie peine à influer et qui justifie l’état d’alerte maximum qui prévaut au sein de l’Armée nationale populaire mais dont la gravité ne semble pas évidente à sa classe politique qui en pareille circonstance devrait se convaincre de l’impérieuse nécessité de constituer un front intérieur au lieu de s’entredéchirer dans des querelles et controverses politiciennes.