Crise libyenne : Les médiations internationales dans l’impasse ?

Crise libyenne : Les médiations internationales dans l’impasse ?

Le jugement de la Cour suprême libyenne semble avoir donné un coup de frein aux diverses initiatives internationales, y compris celles d’Alger et de l’ONU, pour la résolution de la crise en Libye.

Tunis, De notre envoyé spécial, El Watan, 10 novembre 2014

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si des sources du ministère italien des Affaires étrangères ont dit que «le verdict de la Cour suprême libyenne constitue une obstruction aux pourparlers en cours pour un dénouement de la crise libyenne».
Le Parlement élu, dont la légitimité devient controversée suite au dit jugement, est une pièce maîtresse de toutes les initiatives (celles d’Alger et de l’ONU, entre autres), car son autorité était reconnue par la majorité des belligérants ; ce qui n’est plus le cas après ce verdict. Plusieurs lectures juridiques, faites aussi bien par des experts libyens qu’internationaux, versent dans la préservation de ce corps élu qui bénéficie de la règle du droit acquis, inévitable dans les zones de tension.

«Cette décision constitue certes une gifle à la direction du Congrès national général et à sa commission législative, dans la mesure où il y avait une erreur procédurale lors de l’adoption des amendements de février 2014. Mais, il est utile de souligner que la Cour n’a pas annulé la loi électorale en vertu de laquelle le Parlement a été élu. De plus, en matière constitutionnelle, il n’y a pas de jurisprudence stipulant de contester les corps élus, même si les textes à la base de leur élection s’avèrent inconstitutionnels», a notamment dit le notable Al Kouni Abouda, président de la commission de juristes ayant rédigé l’amendement de février 2014 de la petite Constitution libyenne.

«Le peuple a tranché lors d’un suffrage universel et nul ne peut contester le verdict populaire, qui reste l’autorité suprême», a conclu l’éminence grise des juristes libyens, tout en proposant aux belligérants de «trouver une solution concertée à leurs différends, pour préserver les intérêts suprêmes de la Libye».

La concertation, seule planche de salut

Au-delà du verdict rendu par la Cour suprême, le blocage caractérise la situation libyenne chez les deux protagonistes. D’une part, la légitimité du Parlement de Tobrouk est devenue contestable. D’autre part, le Congrès national général, ressuscité par le verdict de la Cour suprême, n’est pas dans une situation plus confortable. Ses dernières séances, ayant accordé la confiance au gouvernement Al Hassi, en septembre dernier, n’ont réuni que 46 membres sur les 120 nécessaires pour le quorum. Une centaine de ses membres seraient à l’étranger pour éviter les pressions politiques et les risques d’attentats. Donc la décision de la Cour n’a fait que brouiller davantage les cartes en Libye et auprès des partenaires de ce pays. La situation est d’autant plus complexe que de sérieux doutes planent sur les conditions ayant entouré la prise de décision par la Cour suprême.

Plusieurs sources concordantes parlent de menaces contre les juges. Trois juges, parmi les concernés, ont rejoint Tobrouk via la Tunisie. Il s’agit de Frej Maarouf, Abdessalem Bhih et Béchir Zayani. Ils font partie des six magistrats qui auraient été évincés sur ordre de la direction des milices armées de Fajr Libya qui encerclaient le tribunal lors de l’annonce du verdict. Ainsi, le changement de la composition du tribunal aurait été opéré la veille de la proclamation du verdict, ce qui rend la situation plus confuse.

Face à un tel dilemme, Libyens et étrangers sont convaincus que la solution passe par le dialogue interlibyen que tente de promouvoir l’Algérie. «Algériens, Italiens et Emiratis insistent, à juste titre, sur un dialogue inclusif, associant tous les belligérants de la scène politique libyenne. Car il est impératif de faire table rase de tous les problèmes», insiste Mansour Younes, professeur de droit constitutionnel à l’université de Tripoli et ex-membre du Conseil national de transition. Mais avec les armes qui ne se taisent pas à l’Est et l’ONU qui ne parvient pas à réunir le deuxième round des pourparlers de Ghadamès, l’optimisme peut-il encore rester de mise ?

Mourad Sellami