Triste photo

Triste photo

par K.Selim, Le Quotidien d’Oran, 24 septembre 2009

Il fallait une photo et il y a eu photo. Barack Obama, Benyamin Netanyahu et Mahmoud Abbas à la pose à New York. On peut imaginer sans peine la légende mensongère qui nous est suggérée : il existe encore un processus de paix. Des trois qui ont posé, le chef de la très problématique «Autorité palestinienne» avait le plus à perdre. Lui-même et ses collaborateurs ont tellement seriné qu’ils ne rencontreraient pas Netanyahu juste pour la pose. Et il l’a bien faite la triste pose. Bien sûr, il était difficile de la refuser à l’administration américaine qui l’a exigée.

Mais on connaît bien les triviales raisons de la chose. Les démocraties occidentales ont réussi la perversion majeure de décider que chez les Arabes, ce sont eux les pourvoyeurs de légitimité et non les urnes.

Mahmoud Abbas, dont le parti a été vaincu par les urnes et qui est un président de fait et non de jure – son mandat a déjà expiré -, le sait. Il sait que sa photo avec Netanyahu, «purificateur ethnique» agréé par la «civilisation», ne lui apportera pas un surcroît de popularité chez les Palestiniens. Mais comme d’autres dirigeants arabes, il a parfaitement intégré l’idée que ce ne sont pas les Palestiniens qui comptent, mais les Américains en particulier et les Occidentaux en général. Le modus operandi est rodé, il suffit de se poser en barrière contre l’islamisme. Electoralement, une photo avec un Premier ministre israélien qui annonce à Barack Obama qu’il continuera à coloniser les territoires palestiniens et qu’il n’acceptera jamais que des bantoustans, quitte à concéder à les appeler «Etat», est désastreuse.

Mais depuis la dernière victoire électorale du Hamas et l’encerclement «civilisé» des électeurs palestiniens qui s’en est suivi, on est suffisamment édifié sur le fait que les élections chez les Arabes, cela ne compte pas beaucoup.

Mahmoud Abbas pouvait-il refuser la photo du faux-semblant ? Théoriquement, oui. Il est bien un dirigeant du Fatah, qui signifie «mouvement de libération de la Palestine». Si le dernier congrès du Fatah – organisé en «territoire occupé», ce qui constitue une première peu réjouissante – a bien relevé que s’il faut aller vers la négociation, il s’est réservé le droit naturel à la résistance. Refuser de se faire prendre en photo avec Benyamin Netanyahu aurait été un signe de «résistance pacifique», le seul risque encouru étant de fâcher l’administration américaine. Cela n’est même pas un risque. Il fallait au contraire «fâcher» l’administration Obama et lui signifier que ses petits discours sur le refus de reconnaître «la légitimité de la poursuite de la colonisation» sont terriblement complaisants.

Il faut en effet relever que Barack Obama veille à faire dans «l’équilibre» en assortissant cette remarque par une exigence à ce que les Palestiniens cessent les «provocations envers Israël». Mahmoud Abbas et son équipe d’éternels «négociateurs» ne peuvent ignorer que la pire provocation est l’occupation et la colonisation israéliennes. Ils auraient pu voir dans l’arrogant refus d’Israël de sauver la face d’Obama sur la question de la colonisation la preuve qu’il fallait «fâcher» l’administration. Apparemment, ceux qui ne font que négocier du vent depuis les accords d’Oslo ne savent fâcher que les Palestiniens. C’est pour cela qu’ils ont accepté la triste photo de trop. Ce ne sera malheureusement pas la dernière…