Le mur de vassalité

LE MUR DE LA VASSALITE

par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 26 décembre 2009

Une année après la sanglante agression israélienne contre la bande de Ghaza et alors que la population palestinienne continue de subir un encerclement qui empêche la reconstruction d’une infrastructure minimale, le régime égyptien, contre l’écrasante majorité de l’opinion égyptienne, construit un mur d’acier souterrain pour empêcher les Palestiniens de construire des tunnels.

Le gouvernement égyptien invoque des impératifs de sécurité nationale, alors qu’il est évident que le but est d’étrangler davantage la population palestinienne dont la nourriture et les médicaments proviennent de la contrebande souterraine entre Ghaza et l’Egypte. Le ministre égyptien des Affaires étrangères s’essaye à la litote : «Que ce soit un mur ou des sondes, l’essentiel c’est que le territoire égyptien soit protégé », a déclaré le vizir Aboul-Gheit.

Qui donc menace le territoire égyptien ? Qui peut croire en effet que les Palestiniens de Ghaza ou d’ailleurs puissent constituer une menace quelconque contre la sécurité de l’Egypte ? Pour l’essentiel de l’opinion publique égyptienne, la fermeture du passage de Rafah est déjà insupportable au regard de l’histoire de l’Egypte. La mise en place d’un mur d’acier anti-palestinien, truffé de senseurs destiné à rendre encore plus hermétique l’encerclement criminel de Ghaza, constitue un véritable affront pour la population. Les médias égyptiens se sont lamentés sur tous les registres après le match de Khartoum, déplorant que l’immense Egypte ne soit plus respectée dans le monde arabe. En réalité, quoi qu’en disent les choeurs de pleureuses, ce sont les actes des gouvernants égyptiens qui sont des sources d’humiliation pour le peuple du Nil.

Celui-ci n’a jamais suivi un régime déshonoré et continue, par solidarité avec les Palestiniens, de refuser toute normalisation avec Israël. Le mur d’acier souterrain est un sinistre cadeau de fin d’année du régime aux Palestiniens et aux Egyptiens. Pourquoi un régime choisit-il d’aller si ouvertement contre son opinion publique sur une question aussi sensible ?

L’armée des «douktours», qui ont «brillé» sur les chaînes satellitaires dans la campagne d’intox et de diversion anti-algérienne, a l’habitude des concepts creux pour théoriser l’injustifiable, comme par exemple les «obligations de l’Etat égyptien au regard du droit international» ou son «devoir de préserver la sécurité nationale». Mais les Egyptiens savent que ce mur n’est que l’expression en acier d’un Etat à souveraineté limitée. Ce mur est une exigence israélienne, relayée par les Américains, et construit avec l’aide technique des services occidentaux, toujours prêts à casser de l’Arabe.

On se souvient que le 17 janvier 2009, alors que l’agression contre Ghaza tirait à sa fin, Washington annonçait que Condoleezza Rice et son homologue israélienne Tzipi Livni avaient paraphé un accord bilatéral destiné à favoriser la lutte contre la contrebande vers la bande de Gaza. Le ministère égyptien des Affaires étrangères avait annoncé pour la forme que l’accord ne l’engageait pas. Or, non seulement il l’engage, mais il en est l’exécutant empressé. Toute décision prise à Washington, sans même que l’on prenne la peine de faire participer les Egyptiens, est un ordre pour Le Caire. La construction du mur d’acier pour enfermer une population abandonnée est une preuve de plus de la vassalité d’un régime qui ne joue du muscle qu’avec les Palestiniens et ses opposants.