Les négociations vouées à l’échec, selon Marwan Barghouti
Les négociations vouées à l’échec, selon Marwan Barghouti
La cause palestinienne dans la galère
par M. Saâdoune, Le Quotidien d’Oran, 2 septembre 2010
Les négociations «directes» entre Palestiniens et Israéliens reprennent aujourd’hui à Washington. Le pessimisme est de mise. Mahmoud Abbas, chef contesté et affaibli, fait plaisir à Barack Obama et aggrave les déchirures inter-palestiniennes. De sa prison, Marwan Barghouti met en garde: la réconciliation, l’unité et la résistance populaire sont les préalables de toute négociation. Barack Obama qui n’a essuyé que des échecs dans le dossier du Proche-Orient en raison du poids démesuré du lobby israélien à Washington avait pesé sur le plus faible, Mahmoud Abbas, pour le contraindre à reprendre les «négociations directes» a ainsi son «succès». Le président d’une Autorité palestinienne à la légitimité fortement contestée rencontre, aujourd’hui, à Washington, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu qui non seulement ne gèle pas la colonisation mais fixe ses conditions aux Palestiniens, dont la reconnaissance du caractère «juif» d’Israël. Que peuvent attendre les Palestiniens d’un «événement festif», selon le propos d’Avigdor Lieberman, ministre des Affaires étrangères israélien qui n’a pas été convié par son Premier ministre à la négociation ? Un an pour parvenir à un accord, selon le calendrier d’Hillary Clinton, la chef de la diplomatie américaine ? La percée est d’autant plus problématique que Mahmoud Abbas est politiquement faible alors que Benyamin Netanyahu, qui n’a déjà rien d’un modéré, est lié par ses alliances avec les courants religieux. Hormis le souci, formel, de ne pas prêter le flanc à l’accusation d’avoir refusé la négociation, la distance est grande entre les aspirations des Palestiniens et ce que les Israéliens sont disposés à accepter. Nul, à moins de concessions existentielles de la part de M. Abbas, ne peut s’attendre à une quelconque percée.
Fausse «concession» sur Jérusalem
Pas même la déclaration de Ehud Barak – qui n’est pas le Premier ministre – sur la disponibilité d’Israël à céder une partie de Jérusalem dans le cadre d’un accord global. Il se réserve bien entendu « 12 quartiers juifs » de Jérusalem Est… Mais même cette « offre » a été rejetée par un responsable de la délégation de Netanyahu qui a déclaré que Jérusalem restera la « capitale indivisible d’Israël ». Un partage des rôles typique qui permet aux médias de gloser beaucoup sur la « concession » faite par Ehud Barak sans s’étendre sur le rejet de Netanyahu. Le président de l’Autorité palestinienne n’attendra pas très longtemps pour être mis à l’épreuve. Le 26 septembre prochain le « moratoire » israélien sur l’extension des colonies prendra fin et le Premier ministre israélien a fait savoir qu’il ne sera pas reconduit. Le chef de l’Autorité palestinienne qui a menacé de quitter la table des négociations si la colonisation reprenait devra choisir, encore une fois, entre accepter une détérioration accrue de son image auprès des Palestiniens pour ne pas déplaire à Barack Obama ou l’inverse. S’il continue de « négocier » alors que la colonisation reprend, il risque fort d’être définitivement taxé de liquidateur de la cause…
A la veille de la reprise des négociations, les policiers palestiniens ont brutalement dispersé une réunion de mouvements – certains alliés au Fatah – qui étaient réservés à l’égard de la reprise des négociations directes. Cette brutalité – Mahmoud Abbas a diligenté une commission d’enquête – qui confirme l’orientation autoritaire de l’autorité de Ramallah révèle également son isolement au sein d’une opinion palestinienne qui n’a aucun doute sur l’inanité de la négociation.
L’alternative Barghouti
Le Hamas, le rival du Fatah, a manifesté son opposition par une opération en Galilée menée par son bras armé, Ezzedine El Quessam, qui a fait quatre morts parmi les colons. L’opération, dénoncée par Mahmoud Abbas, avive les tensions avec Hamas dont des dizaines de membres ont été arrêtés en Cisjordanie. Le Hamas évoque et dénonce plus de 150 militants arrêtés. Mais l’hostilité à des négociations stériles n’est pas que le fait des islamistes. De sa prison, le très populaire Marwan Barghouti a accordé un entretien par écrit à Reuters, où il estime que ces « négociations sont vouées à l’échec » comme cela fut le cas durant les deux dernières décennies. Le problème, note Barghouti, n’est pas le principe de la négociation qu’il accepte. Mais, dit-il, sans une base populaire et une action sur le terrain, ces négociations ne mènent à rien. L’alternative, a-t-il indiqué, réside dans la « réconciliation nationale et l’unité et dans la participation plus large dans la résistance populaire à l’occupation ». Un programme aux antipodes de celui de l’Autorité palestinienne. Mahmoud Abbas qui s’engage forcé dans ces négociations peut-il compter sur Barack Obama pour faire pression sur Israël ? La question est de pure forme. Le président américain a déjà reculé sur la question de la colonisation et s’est totalement soumis aux desiderata du lobby israélien de Washington. Sans le soutien franc des Palestiniens et sans parrain « impartial », Mahmoud Abbas s’engage sans doute dans un autre pari… qui semble perdu d’avance. Avec le risque d’accentuer gravement les divisions entre Palestiniens.
LA LUCIDITE DU PRISONNIER
par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 2 septembre 2010
De sa prison, Marwan Barghouti l’exprime clairement : les négociations de paix avec Israël sont vouées à l’échec. Selon le leader palestinien emprisonné dans les geôles de l’occupant, «les Palestiniens feraient mieux de se consacrer à résoudre les profondes divisions qui les séparent».
Ce que dit Barghouti est partagé par de nombreux Palestiniens de tous bords. Beaucoup ne voient dans les discussions qui s’ouvrent à Washington qu’un show destiné à redorer l’image du président Obama à la veille des élections de mid-term en novembre prochain.
Le même processus bégayant entamé il y a presque vingt ans est réactivé encore une fois. Comme toujours, sans que les conditions politiques préalables soient réunies pour assurer, sinon un succès réel, au moins des avancées concrètes sur la création d’un Etat palestinien viable avec Jérusalem pour capitale.
Pour le leader charismatique de la première intifada, il ne saurait y avoir de négociations effectives sans l’adhésion de la majorité du peuple palestinien et sans que les Israéliens acceptent notamment le principe du retour des exilés palestiniens et l’arrêt de la colonisation. Les dirigeants du gouvernement israélien sont loin de faire preuve de la moindre ouverture en ce sens. La coalition droite et extrême-droite au pouvoir, assurée du soutien indéfectible des Occidentaux avec les Etats-Unis en tête, l’affirme avec arrogance, se permettant même de se moquer de son grand allié.
Avigdor Liberman, le ministre des Affaires étrangères, caricature du sioniste ultra, a déclaré que les négociations sous les auspices de Barack Obama étaient un événement «festif». Ce ministre d’apartheid n’a pas tort et, connaissant la nature profonde de la relation entre Israël et les Etats-Unis, où le vassal n’est pas celui qui serait le moins puissant, il joue sur du velours.
De fait, les Israéliens sont installés depuis toujours dans une logique maximaliste fondée sur la supériorité des armes et la garantie de l’impunité, quelles que soient les exactions dont ils se rendent coupables. Les déclarations apaisantes sont systématiquement accompagnées de mesures pratiques qui en sont l’antithèse, dans un scénario où l’on ne peut même plus parler de duplicité tant le mépris du droit et de l’opinion internationale est évident.
Le rapport de force n’est pourtant pas aussi favorable aux Israéliens qu’il a pu l’être dans le passé. La campagne BDS – boycott, désinvestissement, sanctions – gagne chaque jour en efficacité et l’épisode sanglant de la flottille de la liberté a révélé la nature criminelle du dernier Etat colonial de la planète. La voie de la résistance et de l’unité est effectivement le seul moyen de faire plier un ennemi de plus en plus isolé, même au sein de ses alliances historiques.
Les promesses sans lendemain et les engagements sur la comète sont le salaire habituel des éternels négociateurs de Ramallah. Le miroir aux alouettes masque efficacement la stratégie coloniale de Tel-Aviv. Mais les atermoiements et les déclarations lyriques auxquels sont abonnés les Palestiniens ne rebutent pas une Autorité en fort déficit de légitimité.
Marwan Barghouti a donc raison de mettre en garde contre des pseudo-négociations qui sont un instrument entre les mains de l’occupant pour la poursuite de la colonisation et de la judaïsation de Jérusalem. De sa prison, Marwan Barghouti fait preuve d’une lucidité qu’on aurait aimé trouver chez ses pairs «libres» de Ramallah.