Bouira: Une nouvelle marche des étudiants réprimée
Bouira
Une nouvelle marche des étudiants réprimée
Le Soir d’Algérie, 19 décembre 2017
Encore une fois, le pouvoir a répondu par la violence face à une marche initiée par un collectif d’étudiants de l’université Akli-Mohand-Oulhadj de Bouira dont le but était d’apaiser les tensions et rappeler le principal objectif qui est celui de revendiquer une promotion effective de tamazight, ainsi que la demande pressante de réouverture des portes de l’université.
Une marche pacifique qui devait s’ébranler depuis la nouvelle gare routière pour emprunter le principal boulevard qui passe par le siège de la Wilaya avant de bifurquer vers l’université. Il faut dire que la tension était dans l’air dès les premières heures de la matinée, dans et aux abords de la gare routière qui était bondée de policiers en tenue et en civil. Même dans la ville, des dizaines de policiers et de forces antiémeutes étaient stationnés un peu partout, surtout à l’entrée-est pour parer à toute arrivée massive des marcheurs depuis la région de Haïzer et Taghzout, et l’entrée-sud pour bloquer les éventuels manifestants des régions de M’chédallah et Bechloul.
Cela étant, et malgré tout ce déploiement qui présageait d’une interdiction certaine de cette marche, la gare routière se remplissait au fur et à mesure et parmi tout ce beau monde, les étudiants de l’université Akli-Mohand-Oulhadj étaient largement reconnaissables.
Vers 9h 30, un premier carré s’est constitué un peu plus loin de la gare routière, et là, ce n’était plus des marcheurs anonymes mais des étudiants qui ont commencé à brandir les banderoles ainsi que les pancartes, mais également à distribuer les dossards jaunes et d’autres oranges, pour encadrer leur marche et rassurer les services de sécurité qui étaient en grand nombre et prêts à intervenir à tout moment. Sur les banderoles, les mots d’ordre étaient très clairs : on y lisait «Halte à la répression», «Ma ulac tamazight, ulac, Ulac, Ulac», «Non à la loi de finances», «Abolition des organisations satellites à Bouira», allusion faite à l’ONEA et l’Ugel, responsables, selon le collectif des étudiants, de tout ce qui s’était passé mardi dernier à l’intérieur du campus universitaire et dont les étudiants dans leur déclaration demandent aux responsables de l’université de traduire les auteurs de ces agressions devant le conseil de discipline.
Outre ces banderoles et ces pancartes dont certaines appelaient à la vigilance et dénonçaient la violence, les étudiants, en voyant le dispositif mis en place, invitaient leurs camarades à rester vigilants et à ne pas répondre à la provocation des policiers, en scandant «A bas la répression, liberté d’expression» et autres «Assa azekka, tamazight tella, tella».
Aucun slogan déplacé, aucune banderole hostile au pouvoir n’étaient brandis. Mais il était dit que, encore une fois, les responsables locaux chargés de la question sécuritaire et de l’ordre public prendront une décision qui attise les tensions plus qu’elle ne les calme. Moins d’une demi-heure après le regroupement de ces centaines d’étudiants et au moment où ils s’apprêtaient à entamer leur marche, les forces de police, surtout les policiers en civil, ont foncé dans la foule compacte des marcheurs.
Au même moment, les forces anti-émeutes sont intervenues et à partir de là, la situation dégénère. Les banderoles sont déchirées et arrachées des mains des étudiants, les coups de matraque pleuvaient, et les arrestations et conductions au commissariat central sont opérées par dizaines.
Pendant plus deux heures, des groupuscules d’étudiants qui se formaient à chaque fois, tantôt du côté de l’autoroute, tantôt sur le boulevard menant à la ville, se formaient mais, étaient aussitôt dispersés par les forces de la police qui procédaient, de temps à autre, à de nouvelles arrestations. Vers les coups de midi, le calme était revenu aux abords de la gare routière dont le trafic, signalons-le, ne s’est jamais arrêté, tant tout ce qui s’était passé l’a été loin du siège.
Cela étant, rappelons que la situation dans la région berbérophone est toujours la même avec des grèves dans le secteur de l’enseignement surtout au niveau du moyen et du secondaire, des marches initiées par des élèves sont signalées un peu partout à travers ces communes.
Hier après-midi, l’on nous a signalé le blocage de l’autoroute du côté d’El-Adjiba par des jeunes manifestants.
Y. Y.