Grande marche des étudiants contre l’insécurité à Tizi Ouzou

Suite à l’assassinat de leur camarade Djamel Souaki devant l’université

Grande marche des étudiants contre l’insécurité à Tizi Ouzou

Liberté, 14 février 2017

L’assassinat de l’étudiant de 21 ans, Djamel Souaki, et la récurrence des actes de violence à Tizi Ouzou ont fait sortir, hier, dans la rue, des milliers d’étudiants de l’université Mouloud-Mammeri qui ont battu le pavé silencieusement tout en brandissant des banderoles et des pancartes hautement significatives de leur message.

Ils étaient environ 6 000 étudiants à répondre à l’appel à la marche lancé, il y a quelques jours, au nom de la communauté universitaire pour, à la fois, rendre hommage à leur camarade mortellement poignardé le 3 février dernier, et crier halte à la violence. Il était 11h lorsque la marée humaine, des centaines de portraits du jeune Djamel brandis, s’est ébranlée de l’intérieur du campus Hasnaoua dont l’enseigne accrochée sur le portail d’entrée a été recouverte d’une banderole sur laquelle on pouvait lire : “Que justice soit faite pour Djamel et tous les autres”. D’autres slogans se déclinaient au fur et à mesure que les carrés avançaient, dans un climat de deuil et un calme remarquable, vers le centre-ville. “Mobilisation pacifique pour une justice équitable”, “Halte à la violence”, “Je veux évoluer et vivre en toute sécurité”, ou encore “La sécurité… première des libertés, l’insécurité… première des inégalités”, pouvait-on lire sur les larges banderoles déployées à la tête de chacun de ces carrés au milieu desquels des pancartes arborées par centaines interpellaient toute l’opinion à travers leurs contenus. “Où va-t-on ?”, “Jusqu’à quand ?”, y est-il inscrit.
Arrivée devant le CHU Nedir-Mohamed où Djamel Souaki a rendu l’âme après son évacuation, toute la foule s’accroupit et observe une minute de silence à sa mémoire. Comme pour se solidariser avec les marcheurs et montrer leur adhésion à ses mots d’ordres, les automobilistes rebroussaient chemin d’un geste naturel avant même que les policiers déployés en nombre ne le leur demandent. La marche reprend son cours en empruntant l’avenue Abane-Ramdane, communément appelée la Grande rue, pour se diriger ensuite, et toujours dans la sérénité, vers la cour de justice où la marée humaine ne s’est dispersée qu’après une déclaration lue par un membre du collectif initiateur de la manifestation. “Nous, étudiants de l’université Mouloud-Mammeri, avons l’obligation morale et humaine de réagir et de dénoncer fermement la gravité de cet acte barbare d’un temps révolu qui a malheureusement coûté la vie à un étudiant dont le seul tort était de s’être innocemment retrouvé au mauvais endroit et au mauvais moment”, a lancé d’emblée l’orateur pour qui cela confirme inéluctablement l’insécurité généralisée et instrumentalisée par ceux que Tahar Djaout appelait “les chasseurs de lumières”.
“L’insécurité règne d’une main de fer et tient en otage l’université et, par conséquent, toute la société. Nous dénonçons la violence qui sévit dans notre environnement”, a-t-il ajouté, non sans expliquer que cette situation “est une résultante du laisser-aller des autorités concernées, en ce sens que les irresponsables concernés ont laissé en berne les différents organismes qui devaient faire face à ce phénomène de violence et d’oppression galopant”. Après avoir accusé les différents services étatiques d’être “devenus une source de violence et d’instabilité au lieu de jouer leur rôle d’optimiseurs dans l’émergence d’une volonté sociale pour mettre en place des bases solides de progrès”, l’orateur a tenu, au nom de la communauté universitaire, à inviter toute la société à agir contre toute forme de violence et de haine. “Djamel est une victime qui nous rappelle profondément que nul n’est à l’abri des violences sociales”, a-t-il conclu avant que la foule ne se disperse dans le calme.

Samir LESLOUS