Commémoration du 20 avril : Des milliers de marcheurs
El Watan, 20 avril 2016
Les marches auxquelles ont appelé le MAK, le RCD et les étudiants pour la commémoration du 36ème anniversaire du printemps berbère d’avril 1980 ont fait descendre quelques milliers de manifestants dans la rue à Béjaïa.
La marche du RCD a été la première à s’ébranler vers 10h30 de la maison de la culture Taos Amrouche en direction de la place Said Mekbel. Elle a mobilisé plusieurs centaines de manifestants, qui ont marché aux cris de «Pouvoir assassin», Assa azekka, tamazight tella tella», «Algérie libre et démocratique» ou encore «Corrigez l’histoire, l’Algérie n’est pas arabe !».
Arrivée rond point du 19 mai, la foule a marqué une halte pour observer une minute de silence à la mémoire du couple Laribi, victime de la sauvagerie policière de 2001 en Kabylie, sous les airs d’Aghuru du défunt Matoub Lounes. Puis, direction place Said Mekbel pour une prise de paroles, alors que cet endroit était encore le théâtre du Festival du chant patriotique amazigh, une trouvaille de dernière minute des autorités pour «pervertir» la date du 20 avril. Dans le calme, des dizaines de bambins mobilisés pour l’occasion sous un soleil brûlant ont cédé la place aux responsables du RCD qui ont fustigé, tout à tour, le pouvoir en place.
Atmane Mazouz, chargé de communication du RCD, Mouloud Deboub, président du bureau de Béjaia, et des secrétaires nationaux du parti ont chargé le «système», mettant à nu, entre autres, ses «manœuvres pour la récupération du combat amazigh», et le ministre de la Jeunesse et des sports, El Hadi Ould Ali, qualifié par Athmane Mazouz de «renégat», pour ses propos tenus, lundi, à Tizi Ouzou.
Forte mobilisation du MAK
De son côté, la marche du MAK a mobilisé au moins 2500 manifestants. Elle s’est ébranlée du campus de Targa Ouzemmour pour se diriger vers la place Said Mekbel. Une prise de parole a été animée par plusieurs cadres du Mouvement, lesquels, à tour de rôle, ont chargé le «Pouvoir colonial et arabo-baathiste d’Alger», duquel ils ont appelé à s’émanciper pour «Une Kabylie indépendante, souveraine et laïque».
Par ailleurs, plusieurs dizaines d’étudiants agitant des drapeaux berbères ont organisé une marche distincte au niveau de la rue de la liberté. Cette action se veut à la fois une commémoration du printemps berbère et un soutien aux combats des enseignants contractuels.
Il convient de noter qu’un hélicoptère survolait la rue de la liberté tout au long de ces actions qui se sont déroulées sans incidents.
M.H.-K.
Le MAK et le RCD marchent à Bouira
Des centaines de personnes ont répondu aujourd’hui, mercredi 20 avril 2016, aux appels à la marche lancés par le le Rassemblement pour la culture et la démocratie, (RCD) et le MAK.
Tout au long de l’itinéraire emprunté par la manifestation du RCD, depuis la place des martyrs de la ville jusqu’au siège de la wilaya, les manifestants n’ont pas cessé de scandés des slogans hostiles au Pouvoir. Sur une banderole géante déployée par les militants du RCD, on pouvait lire « pour une transition démocratique, 126 assassinats, aucun coupable ». La marche, qui selon les observateurs n’a pas drainé la grande foule, s’est déroulée dans le calme et sous l’œil vigilant des forces de sécurité mobilisés en force à travers l’itinéraire emprunté par les militants et autres sympathisants du RCD, a-t-on costaté sur place.
Dans leur communiqué lu à la fin de la marche le bureau régional du RCD à Bouira, affirme que comme à l’accoutumée « Ils, (le pouvoir, ndlr) ont encore une fois joué à la provocation ; Le RCD a déjà appelé à la vigilance, car le pouvoir nous a habitués dans les contextes politiques de règlements de compte claniques à créer des abcès de fixation pour faire diversion ». Le RCD souligne également que le combat pour l’officialisation effective de la langue Amazighe « va continuer sans relâche et d’une manière pacifique n’en déplaise à ce pouvoir qui alimente la violence pour embrasser la région kabyle »
Forte mobilisation des militants du MAK
Contrairement au RCD, ce sont les militants du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), qui ont été nombreux aujourd’hui, à la marche organisée depuis l’université Akli Mohand Oulhadj vers le siège de la wilaya. Les militants et des étudiants de ce mouvement ont scandé des slogans hostiles au pouvoir tout en revendiquant l’autodétermination de la Kabylie. La situation a failli dégénérer après que la police leur a interdit tout rassemblement devant le siège de la wilaya. Un dispositif impressionnant des forces antiémeutes a été mis en place sécurisant surtout le siège de la wilaya et la statue de l’Emir Abdelkader, installée à la rue Lalla Fathma N’soumer du centre ville de Bouira.
Les militants du MAK ont réussi quand même à accéder à l’esplanade de la maison de la culture Ali Zammoum où une prise de parole a eu lieu par les animateurs de ce mouvement appelant leurs militants et surtout les étudiants à ne pas céder « aux provocations de l’administration et ses relais, qui leur a interdit des conférences commémoratives du printemps berbère. »
Amar Fedjkhi
Marches du MAK et du RCD à Tizi Ouzou
Le MAK (Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie) et le parti du RCD ont organisé séparément des marches ce mercredi matin dans la ville de Tizi Ouzou.
Il convient de signaler de prime abord que les deux marches se sont déroulées sans incidents. Vers 9 heures du matin, les premiers marcheurs des deux organisations politiques étaient déjà devant le portail de l’université, point de départ de la manifestation.
La célébration du 20 avril de cette année est caractérisée par le nombre impressionnant de marcheurs alors que du côté officiel, on s’attendait à une « journée festive pour célébrer l’officialisation de tamazight ».
Les milliers de manifestants qui ont composé les carrés du RCD ont scandé les slogans de soutien à l’ancien président du parti, Saïd Sadi, qui a d’ailleurs ouvert la marche. L’actuel président du parti, Mohcine Bellabes, a également pris part à la marche, entouré par les élus locaux et les cadres du parti.
Le RCD, comme à l’accoutumée, a déployé des banderoles portant des revendications comme «pour l’officialisation effective de tamazight », et des dénonciations du pouvoir, telles « à vous les hydrocarbures et à nous l’histoire ». Les services de police ont organisé le passage des manifestants, déviant la circulation automobile de l’itinéraire de la marche. Quand le premier carré du RCD était arrivé à l’avenue Abane Ramdane, le dernier était encore au portail de l’hôpital, à des centaines de mètres derrière.
Puis, c’est le vide tout le long de la rue Lamali. Des centaines de mètres plus loin, commençait à avancer le premier carré du MAK, où les marcheurs n’étaient pas uniquement des jeunes marcheurs comme on a tendance à le croire, mais il y avait plusieurs personnes âgées. Le MAK a également drainé une foule nombreuse. Les slogans scandés par les manifestants sont « Vive le MAK », « vive le GPK » (gouvernement provisoire de Kabylie).
Vers midi, un hélicoptère de la police a commencé à survoler le ciel de Tizi Ouzou pendant de longues minutes, ce qui est inhabituel, et qui a suscité de l’excitation parmi les marcheurs. Cela n’a pas empêché le président du RCD et Ali Yahia Abdenour de prendre la parole pour se féliciter de la mobilisation en ce 20 avril 2016.
Pendant que les marcheurs du RCD se dispersaient dans le calme, ceux du MAK ont continué leur manifestation vers la placette Slimane Azem, en contrebas de l’hôpital de la ville.
Saïd Gada
Célébration du 36e anniversaire du printemps berbère
Qui veut à nouveau le chaos ?
Des marches, retour des vieux réflexes du pouvoir et tension… La célébration du Printemps berbère cette année risque de dégénérer.
Ce 36e anniversaire de cette date symbolique de la lutte pour l’identité et la démocratie, rappelant encore à toutes les générations la nature du régime algérien qui était même hostile aux conférences portant sur la langue et la culture amazighes, pourrait ne pas se dérouler comme d’habitude : dans le calme et la sérénité. Il y a comme une volonté de provoquer à nouveau l’étincelle susceptible de créer le chaos dans cette région, la Kabylie, qui rend, chaque année, hommage à ses enfants victimes de la répression et de l’autoritarisme du pouvoir.
Provocation ?
Depuis une semaine déjà, des actes provocateurs, c’est le mot, se multiplient. A Tizi Ouzou, Bouira et Béjaïa, plusieurs conférences programmées par les étudiants au sein de leurs universités pour évoquer les événements du 20 Avril 1980 et ceux du Printemps noir de 2001 ont été interdites. De nombreux animateurs, acteurs d’Avril 1980, enseignants universitaires et anciens militants du MCB devant animer des conférences ont été surpris par le refus opposé par les directions des cités universitaires et des universités qui se sont basées sur une instruction du ministre de l’Enseignement supérieur, interdisant les activités politiques.
Mais elles ont été maintenues et imposées par les étudiants. Hier encore, une autre conférence d’Ahcène Graïchi et Mouloud Hamrani à l’université de Bouira a été interdite par des policiers qui se sont introduits dans l’amphithéâtre où elle devait avoir lieu. Jusque-là, il n’y a eu aucun débordement. Le plus grand risque est à craindre lors des marches devant être organisées ce matin, dans les trois wilayas, à l’appel principalement du RCD qui «exige une officialisation effective de la langue amazighe» et le MAK qui brandira son slogan de «l’autodétermination du peuple kabyle».
Quand le pouvoir cherche à «dépolitiser» Tamazight
A la veille de la tenue de ces manifestations, on parle déjà d’une volonté des autorités locales de les empêcher. Pourquoi ? Dans quel but ? On n’en sait rien. Il semblerait que les tenants du pouvoir veulent clore définitivement le débat sur les questions identitaires, après l’officialisation de tamazight dans la Constitution de 2016. Le 16 avril, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, est revenu sur cette question. A partir de Constantine où il était en visite, il avait affirmé que «l’officialisation de tamazight empêchera sa récupération à des fins politiciennes».
Le ministre de la Jeunesse des Sports, Ould Ali El Hadi, qui a battu les pavés de Tizi Ouzou plusieurs années durant pour célébrer cette occasion, abonde dans le même sens. «Aujourd’hui que tamazight est constitutionnalisé comme langue nationale et officielle dans la dernière Constitution, il n’y a aucune raison de marcher pour la revendiquer», déclare-t-il, lors de son intervention, hier sur les ondes de Radio Tizi Ouzou. Mauvaise compréhension de la symbolique de cette date ou mauvaise foi ?
Peut-être les deux à la fois. Car pour les acteurs d’Avril 1980 et pour la majorité des militants de la cause amazighe, ceux qui ont été réprimés lors du Printemps berbère n’avaient pas pour seule revendication la reconnaissance de la langue et de l’identité amazighes. Ils demandaient aussi la démocratie, le respect des droits de l’homme et des libertés. L’Algérie d’aujourd’hui est encore loin de ces idéaux…
Madjid Makedhi
Quand l’état s’en mêle à Béjaïa
20 Avril officiel versus 20 Avril citoyen. C’est ainsi qu’on peut décrire l’ambiance qui rythme la commémoration du 36e anniversaire du Printemps berbère d’Avril 1980 à Béjaïa.
De part et d’autre, de riches programmes sont concoctés, sauf que les objectifs ne sont pas les mêmes. Du côté officiel, l’implication de l’Etat dans la célébration de cette date est placée sous le signe de «l’unité nationale». C’est dans cette optique que le ministre de la Jeunesse et des Sports, El Hadi Ould Ali, en visite de deux jours dans la wilaya, a donné, hier place Saïd Mekbel, le coup de starter du Festival de la chanson patriotique amazighe. Sur place, le ministre s’est recueilli à la mémoire des victimes du Printemps noir, qualifiant les événements de 2001 comme faisant partie de «l’histoire douloureuse du pays».
Affirmant que de «tels événements ne doivent plus se reproduire», le ministre a déclaré dans la foulée : «Les jeunes doivent défendre leur pays contre ce que nos voisins endurent aujourd’hui», avant d’appeler les autorités locales à «œuvrer pour aider les jeunes à s’émanciper et la région à se développer». El Hadi Ould Ali s’est ensuite rendu au complexe sportif de l’Unité maghrébine (OPOW) pour procéder à l’inauguration de la réplique du stade de Béjaïa, où il devait suivre plus tard le match MOB-Zamalek.
Le Festival du chant patriotique amazigh étrenné en fanfare est une manifestation qui touche les 52 communes de la wilaya de Béjaïa, a indiqué un responsable de la DJS. Pendant deux jours, le 19 et le 20, du chant, rien que du chant et point de référence à l’historique des événements ayant été à l’origine du 20 Avril 1980. Pas une seule conférence est au programme. C’est le cas aussi de la Maison de la culture et des comités des fêtes, où le folklore est mis au-devant de la scène des activités concoctées.
Du côté de la société civile, les programmes commémoratifs ne dérogent pas à la tradition et se veulent conformes à l’esprit du 20 Avril en même temps qu’une riposte à la célébration officielle. Marches, galas, expositions, chronologies, témoignages, conférences sont au menu. Le RCD a appelé à une marche citoyenne, aujourd’hui, qui s’ébranlera à 10h30 de l’esplanade de la maison de la culture Taos Amrouche en direction de la place Saïd Mekbel.
Cette marche aura comme slogans : «Pour l’officialisation effective de tamazight», «Pour la levée des interdictions sur toutes les libertés démocratiques», «Pour le maintien des projets socioéconomiques programmés». Le chef du bureau de Béjaïa du RCD, Mouloud Deboub, a déclaré à travers un communiqué : «Nous refusons que le pouvoir accapare les espaces d’expression chèrement acquis par le sacrifice des différentes générations.» Le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) a choisi le campus de Targa Ouzemmour comme point de départ de la marche à laquelle il a appelé pour «L’indépendance de la Kabylie» et «Pour une Kabylie laïque».
A l’université, plusieurs conférences sont prévues, tandis que d’autres ont déjà eu lieu malgré leur interdiction par l’administration. A la résidence universitaire Aamriw, une table ronde est programmée sur la thématique du Printemps berbère avec des acteurs politiques de différentes obédiences. Le 24 avril, l’ex-président du RCD, Saïd Sadi, est attendu au campus Targa Ouzemmour pour donner une conférence. D’après un étudiant, organisateur de cette activité, le docteur Sadi a déjà répondu favorablement à cette invitation. A cela, il faut ajouter les programmes commémoratifs prévus dans plusieurs communes de la wilaya de Béjaïa.
M. H.-K.
Printemps Berbère du 20 avril 1980
La mobilisation reste intacte
L’anniversaire du Printemps berbère est particulier cette année. Les acteurs du Mouvement culturel berbère (MCB), parmi lesquels d’anciens détenus de 1980, se sont retrouvés à l’auditorium de l’université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou pour apporter leurs témoignages sur ces événements et sur la période durant laquelle le pouvoir avait réprimé la population et les défenseurs de la cause amazighe.
Le doyen des militants, Me Ali-Yahia Abdennour, était là, aux côtés de Saïd Khelil, Mouloud Lounaouci, Ali Brahimi, Arezki About, Rachid Aït Ouakli et d’autres encore, comme Amar Fali, Saïd Boukhari, Arab Aknine et Saïd Douamne. Les interventions ont porté sur un point principal : dépasser les divergences pour la remobilisation.
Pour Samy-Hassani Ould Ouali (coordinateur du syndicat des universitaires, le CNES, organisateur de la rencontre) «les retrouvailles d’aujourd’hui sont un hommage à nos aînés et une opportunité pour tracer des projets communs dans le respect des divergences politiques, mais dans l’union». Cette rencontre, décidée par le CNES, le Snapap et la Coordination locale des étudiants (CLE), était une réponse au pouvoir, qui a interdit des conférences dans les enceintes universitaires, et un socle pour ériger un nouveau départ pour le mouvement berbère, a-t-on espéré.
Dans ce sens, Me Ali-Yahia a appelé à la mobilisation et à l’union : «Rien ne se fera sans la Kabylie et rien ne se fera contre la Kabylie. L’union que nous voulons n’est pas uniquement pour la Kabylie elle-même, mais aussi pour l’Algérie.» Tout en vilipendant le régime qui se «maintient par la corruption», il a qualifié le président de la République, le Parlement dans son ensemble et la Constitution d’«illégitimes».
Pour sa part, Rachid Aït Ouakli est revenu sur l’esprit de 1980 et ses valeurs : «Notre université, bastion de la réflexion et de la protestation, était une véritable communauté, unie et soudée derrière des objectifs bien définis.
Nous étions traversés par des courants politiques différents — FFS, trotskystes, berbéristes — mais ces différences étaient une richesse. Nous avons pu éditer des publications clandestines sous la répression et le dénigrement du pouvoir. Peut-on aujourd’hui poursuivre cet idéal et reconstruire ce qu’on a démoli ?»
La rencontre d’hier n’a pas été une rétrospective des événements du Printemps berbère et une opportunité pour les détenus de narrer les conditions de détention ; elle a été un creuset pour construire un avenir pour d’autres combats, l’officialisation de tamazight étant considérée comme une autre étape du déni identitaire, tant tamazight est confiné dans une position de langue mineure, ont relevé les participants à cette rencontre. A noter que le détenu le plus populaire, Saïd Sadi, a décliné l’invitation. Il était également absent, avant-hier, à une rencontre similaire à Draâ El Mizan.
Saïd Gada