Autonomie régionale contre partition
par Kharroubi Habib, Le Quotidien d’Oran, 21 avril 2016
Après avoir refusé puis louvoyé, le pouvoir a finalement satisfait l’essentiel des revendications qui ont été le moteur des « printemps berbères » de 1980 et 2001. Cela n’a pas pour autant éteint la rancune qu’il a suscitée en Kabylie, foyer de ces « printemps berbères » où on ne lui a pas pardonné les fautes qu’il a commises dans la gestion de la situation durant ces périodes et l’exercice d’une répression disproportionnée.
La persistance en Kabylie de la fronde anti-pouvoir s’est amplement démontrée à l’occasion de la double commémoration hier de «printemps» de 1980 à 2001. Si les cortèges qui ont sillonné pour la circonstance les rues de ces villes l’un à l’appel du RCD et l’autre du MAK n’ont pas été unis dans l’expression de leur vision des combats que la population de Kabylie doit encore mener pour la satisfaction de toutes ses revendications, leur slogans anti-pouvoir ont été de la même veine.
Les marcheurs à Tizi comme à Bejaia ont communié dans la détestation du pouvoir en place mais sans partager un projet commun pour leur région.
Les manifestants qui ont pris part à la commémoration à l’appel du RCD ont scandé la revendication de l’octroi de « l’autonomie régionale » qui vaut à leurs yeux autant pour la Kabylie que pour les autres régions constitutives de la nation algérienne. Pour eux, cette revendication n’est pas antinomique de l’idée d’une Algérie unie pour laquelle le peuple s’est engagé dans la guerre de libération contre le colonialisme français.
Pour les tenants de l’autonomie régionale, il y a certitude que l’Etat jacobin qui a été instauré après l’indépendance ne répond plus au besoin et à l’exigence d’une démocratie participative permettant aux citoyens de contribuer au développement et à la promotion de leurs régions respectives.
Le pourrissement dans lequel le pouvoir a plongé la Kabylie avec le calcul cynique et mortifère qu’il couperait la population des activistes qui ont allumé l’étincelle des « printemps berbères » a engendré dans la région une revendication plus radicale que celle de l’autonomie régionale : celle de la partition pure et simple de la Kabylie et sa constitution en un Etat indépendant séparé à tous points de vue du reste de l’Algérie.
C’est pour le soutien de ce projet que le MAK a appelé la population kabyle à manifester. Force est de reconnaître que le projet de partition fait de plus en plus d’adeptes. Et cela dans une région qui a été l’âme et le fer de lance de la guerre de libération dont les buts ont été l’indépendance de l’Algérie dans un cadre unitaire. Ce qui est la preuve de l’échec sans cesse reproduit de la construction d’un Etat algérien post-indépendance garant de la cohésion nationale et du vivre en commun des communautés ethniques constitutives de la nation algérienne. L’échec a engendré le délitement de la conscience nationaliste et le repli sur l’appartenance communautariste et aggravé le comportement régionaliste étroit générateur de prédation et de népotisme à grande échelle.