Fin de mission pour les archs
Représentation politique en Kabylie
Fin de mission pour les archs
El Watan, 29 novembre 2005
En dépit d’un taux d’abstention de près de 70% de l’électorat, les élections partielles en Kabylie ont sonné le glas d’un mouvement citoyen ayant accaparé l’espace politique et médiatique depuis son irruption en avril 2001.
Né dans l’urgence d’une riposte collective et dans le souci de canaliser une révolte juvénile ayant provoqué des dizaines d’assassinats, la structure – ayant émergé depuis, s’appuyant sur un mode de représentation infaillible dans la région, « tajmaât », ou l’assemblée du village – a réussi le pari de gagner l’adhésion des populations locales en quête d’un cadre rassembleur, d’autant plus que les luttes intestines entre le FFS et le RCD ont fini par lasser les gens. Telle une déferlante, le mouvement des archs a eu raison de tous. Les démonstrations de force par le recours à des marches populaires – dont le pic a été sans conteste la marche historique du 14 juin 2001 à Alger – en sont la parfaite illustration. La plate-forme de revendication dite d’El Kseur, élaborée dans la localité éponyme un certain 11 juin 2001 par des « délégués » issus de divers horizons politiques, traduit, en fait, un concentré et un compromis des différentes sensibilités politiques de la région et reprend les revendications traditionnelles de la région, notamment celle ayant trait aux libertés démocratiques et la question itérative de l’identité amazighe, tout en intégrant les nouvelles donnes du moment : le jugement des commanditaires, ordonnateurs et coupables d’assassinats, la délocalisation des brigades de gendarmerie, un statut de martyr pour les victimes… Si, à l’époque, les « délégués » n’étaient en fait que de simples porte-parole des populations qu’ils sont censés représenter, la structure du mouvement citoyen a fini, au fil des années de lutte, parfois par calcul et d’autres fois par manque d’expérience, par devenir l’instrument de prédilection aux mains de groupes politiques, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition. D’une purge à l’autre, telle une peau de chagrin, le mouvement populaire a fini par être squatté par deux structures, l’une qu’on dit proche du RCD et l’autre du parti d’Ahmed Ouyahia. Evoluant en vase clos, loin des préoccupations des populations, les « délégués » d’antan ont fini par devenir des « animateurs » dont l’activité de prédilection reste incontestablement les… conférences de presse. Face à un pouvoir qui ne semble guère concéder plus que ce qui a été négocié en fin 2001, puis annoncé par le président dans son discours du 12 mars 2002, l’écrasante majorité des « délégués » a fini par jeter l’éponge, préférant laisser la champ à une décantation pour une meilleure lisibilité politique dans la région. A cet effet, de sources proches de l’aile dite antidialoguiste, il semble que l’annonce de la dissolution de la structure des archs est imminente, afin de « réhabiliter le politique dans la région ». Quant à l’autre aile, en attente d’un signal du chef du gouvernement pour la reprise, pour la énième fois, du dialogue, loin d’arriver à concevoir une telle issue, continue à croire à un destin politique, contre vents et marées. Un destin politique suspendu aux lèvres d’Ahmed Ouyahia, pour des animateurs auxquels seul le dialogue procure une certaine « légitimation officielle ». Telle une épée de Damoclès, la fin du dialogue tournera définitivement la page d’une structure qui a fini par être retournée contre ses propres géniteurs.
M. Mamart
Belaïd Abrika : « Attendre pour voir plus clair »
L’aile dialoguiste du mouvement des archs vient de livrer son appréciation des élections partielles du jeudi dernier.
Lors d’un point de presse, tenu hier à Tizi Ouzou, Belaïd Abrika et Mohand Amara ont fait leur lecture des résultats du scrutin. « Il y a lieu de relever la dissipation des fiefs politiques du fait qu’aucune force n’a pu avoir une majorité. » Pour la présidence tournante de la CADC, « cette élection a mis fin au monopole de la scène locale par certains partis politiques », a déclaré Abrika, faisant allusion au recul du FFS et du RCD et l’émergence du FLN et du RND. S’agissant du faible taux de participation enregistré, il a accablé tous les partis en lice, en estimant qu’« il y a eu la défection de l’électorat ». Ceci renseigne, à ses yeux, sur « le rejet de la population de toute forme de chantage, que ce soit par les sentiments (les partis de l’opposition, ndlr), ou par les promesses de développement (les partis de l’Alliance présidentielle, ndlr) ». Cet énorme taux d’abstention « interpelle plutôt la classe politique dont la campagne a été marquée par la polémique au détriment des préoccupations du citoyen » sans que « le mouvement revendique les 70% d’abstention », a ajouté Abrika. Si les élus indépendants ont émergé, avec un total de 71 sièges à Tizi Ouzou, c’est parce qu’« ils ont mené une campagne de proximité et gagné la confiance des citoyens », dira-t-il tout en rappelant que « le mouvement a su rester au-dessus de la mêlée et laisser le citoyen jouer son rôle d’arbitre ». Après le scrutin, « le mouvement est conforté et il faut attendre l’installation des assemblées pour voir plus clair », a souligné le délégué des Genêts. Ensuite, « le mouvement reviendra à sa revendication concernant les audits sur la gestion des communes par les indus élus et les administrateurs, où les détournements se sont multipliés ». Pour garantir une meilleure gestion des collectivités locales à l’avenir, le conférencier parlera de « l’impérieuse nécessité de revoir le code communal et donner plus de prérogatives à l’élu local ». Outre le volet relatif à la gestion des communes de Kabylie, après de longues années de crise, le représentant de la CADC est revenu longuement sur l’impact de cette élection sur la poursuite du processus du dialogue. A ceux qui se demandent si le pouvoir ne tournera pas la page du dialogue, Abrika répondra : « Le mouvement dépasse de loin l’enjeu des élections locales et les assemblées élues ne vont pas se substituer au mouvement. » « Le mouvement, qui lutte pour la mise en œuvre de la plate-forme d’El Kseur, disparaîtra lorsqu’il n’aura plus sa place au sein de la population. » Concernant la poursuite du dialogue entamé avec le chef du gouvernement, Abrika se contentera de dire que « le processus est en marche et bientôt nous aboutirons à l’application du document de mise en œuvre de la plate-forme ». Et s’il y a désaccord, « nous reviendrons à la population », ajoutera-t-il. Enfin, Abrika a fait savoir qu’« aucun calendrier n’est arrêté pour la poursuite du dialogue ».
Mohamed Naïli