Washington savonne le sol sous les pieds de Rohani

Washington savonne le sol sous les pieds de Rohani

par Kharroubi Habib, Le Quotidien d’Oran, 5 août 2013

Washington avait accueilli avec une satisfaction raisonnée l’élection à la présidence iranienne du conservateur modéré Hassan Rohani. Satisfaction parce que le nouveau chef de l’Etat iranien est crédité d’ouverture au dialogue avec l’Amérique et l’Occident et semble-t-il plus « flexible » sur le problème du programme atomique iranien que Mahmoud Ahmadinejad auquel il succède, mais temporisée par le fait qu’on sait à Washington qu’il va devoir compter avec l’autorité du guide suprême Ali Khameneï à qui revient en dernier ressort le pouvoir de décider sur ce dossier comme sur les orientations de la politique étrangère de l’Iran.

Ce préjugé un tant soit peu favorable à l’égard du nouveau président iranien a fait déclarer par Washington que l’administration américaine attend de lui des gestes confirmant sa disponibilité à vouloir rechercher avec les Occidentaux un accord équilibré sur les problèmes au cœur de la crise entre eux et son pays. Si Rohani a eu l’intention de faire un pas dans ce sens, la Maison Blanche l’en a dissuadé en décrétant peu avant son investiture de nouvelles sanctions contre l’Iran. Faut-il s’étonner alors qu’il se raidisse et se montre déterminé à poursuivre les mêmes orientations en politique étrangère que celles ayant été suivies par son prédécesseur. Rohani ne peut en effet après cette décision américaine se déclarer favorable à l’ouverture d’un dialogue avec l’Amérique et l’Occident sans s’attirer aussitôt les foudres des conservateurs du régime. Le peu de marge de manœuvre dont il dispose avec sa victoire à l’élection présidentielle s’en trouve encore plus réduit.

Avec leur décision de nouvelles sanctions, les Américains ont peut-être escompté que ce conservateur « modéré » y trouverait justification pour engager sans plus attendre son pays sur la voie des concessions et révisions qu’ils en attendent. Ils ont alors à l’évidence surestimé les divergences et différences qu’ils ont cru percevoir entre ce « modéré » et les conservateurs tous crins du régime. Rohani est peut-être plus souple quant à sa manière d’envisager la négociation avec l’Occident qu’Ahmadinejad ou le guide suprême, mais partage avec eux la même intransigeance qu’il faut que les intérêts iraniens soient reconnus et acceptés par lui.

Ce n’est donc pas l’inciter à faire preuve de cette souplesse qui lui est prêtée en lui ayant agité à la face le tissu rouge qu’est la décision américaine d’aggraver les sanctions contre son pays alors qu’il accède à la présidence du pays. Barack Obama a pris sa décision en estimant vraisemblablement qu’elle allait contribuer à convaincre Israël que l’Amérique reste toujours déterminée à forcer l’Iran à abandonner son programme nucléaire et l’obligerait en retour à se faire plus « conciliant » dans les négociations avec les Palestiniens qui viennent de reprendre sous l’égide américaine.

Rohani n’a pas été dupe de cet aspect de la décision américaine et l’a fait savoir en s’en prenant avec la même radicalité que son prédécesseur à l’Etat sioniste. Evidemment, ses propos à l’égard de ce pays ont suscité le tollé américain et israélien sans qu’il soit admis qu’il a en fait répondu à une provocation et une pression le sommant de donner des gages qui en l’état des relations de son pays avec l’Occident ne peuvent apparaître que compromissions pour le camp conservateur du régime et lui valoir d’entrer en conflit avec lui.