Les répliques de la Révolution du jasmin restent limitées en Algérie

Les répliques de la Révolution du jasmin restent limitées en Algérie

Driss Oulis, Maghreb Emergent, 22 Janvier 2011

Depuis le déclenchement de la « Révolution du jasmin », le 17 décembre dernier, le gouvernement algérien n’a émis aucun commentaire. Cette attitude peut s’expliquer par la traditionnelle logique des relations d’Etat à Etat qui consiste grosso modo à ne pas être regardant sur ce qui se passe chez le voisin dés lors que cela ne déborde pas des frontières. Quoique…

Des informations en provenance de la frontière Est d’Algérie font état d’un filtrage sévère des deux cotés, algérien et tunisien. Des tunisiens résidents prés de la région de Bouchebka, dans le besoin, ont été assistés par le Croissant Rouge Algérien. On ne sait pas si des tunisiens fortunés, proche de l’ex-président Ben Ali, sont entrés par route en Algérie. Par contre, des sources informées confirment qu’un avion a transporté sur Alger quelques familles tunisiennes, le jour même de la fuite du président déchu. Des informations de ce type circulent depuis plusieurs jours et ont même été publiées par la presse sans susciter la moindre réaction officielle. Dans l’entourage de la direction du FLN, on n’exclut pas que des tunisiens aient été accueillis et installés quelque part dans l’Algérois. « L’Algérie est hospitalière », nous dit un proche du FLN qui souligne qu’au sein de la direction de ce parti l’ex-président tunisien avait ses relations et qu’il a pu les solliciter.

Du coté du gouvernement, c’est toujours le silence. Sinon, au niveau de la présidence de la République on s’est cantonné au registre du protocole et de la diplomatie de base. Ainsi, de retour du sommet économique de Charm el Cheikh, le président Bouteflika a adressé ce message au Chef de l’Etat tunisien, M. Foued Mebazaa : « Il me plait au moment où je survole l’espace aérien de votre pays, sur le chemin du retour en Algérie, de vous réitérer mes salutations fraternelles, priant le Tout-Puissant de vous assister dans l’accomplissement de vos missions historiques ».

« S’offrir une paix sociale »

Parallèlement, on enregistrait, en Algérie, plusieurs cas de tentative d’immolation. Jusqu’à trente, selon certaines sources. Du coup, plusieurs observateurs se sont demandé si l’immolation du jeune Bouazizi à Sidi Bouzid (Tunisie) n’avait pas provoqué des répliques en Algérie susceptibles d’entrainer une révolte sociale. Pour des sociologues et des politologues, même si les situations dans les deux pays présentent quelques similitudes, elles sont difficilement comparables. Et pour cause, quelques jours d’émeutes à travers une trentaine de wilaya ont débouché sur une baisse des prix de quelques produits de base et une prime à l’importation de ces produits. C’est que contrairement à la Tunisie, l’Algérie est financièrement à l’aise et peut « s’offrir une paix sociale », notent des observateurs désabusés.

Une paix sociale relative puisque quelques formations politiques comme le RCD ou le FFS, chacune à sa manière, dénoncent les pratiques du pouvoir. L’ancien chef de gouvernement Sid Ahmed Ghozali – évoquant l’hypothèse d’un changement – estime en substance ne plus croire qu’il puisse se produire dans l’ordre. Pour lui, « le désordre risque de s’imposer ». Le parti FFS, tout en réaffirmant son opposition radicale au régime, laisse entendre clairement que son « rival » le RCD veut prendre le train en marche. Tout en dénonçant ses accointances avec le sérail, le FFS souligne que « les forces du changement sont dans la société ».

Le 9 février, sans le FFS

Or, voilà que le parti de Hocine Aït Ahmed vient de se démarquer de l’appel à une marche le 9 février prochain pour exiger la levée de l’état d’urgence, lancé par les organisations de la « coordination nationale pour le changement et la démocratie », qui regroupe notamment des syndicats autonomes, la LADDH (tendance Bouchachi) et des personnalités. « Dans l’étape actuelle, les priorités politiques du FFS, ne lui permettent pas de s’associer à la proposition d’un appel à une marche à Alger », indique un communiqué. Les observateurs qui tablaient ou tablent sur une propagation de l’odeur du jasmin en Algérie devront patienter ou simplement ne se faire aucune illusion. Une vingtaine d’années de heurts et de malheurs ont laissé de lourdes séquelles au sein de la société. L’opposition politique algérienne est ce qu’elle est. Et l’UGTA n’est pas l’UGTT. Le jasmin local commence à peine à pousser avec les syndicats autonomes.