L’opposition passe à l’offensive

Mise en place d’un comité de suivi

L’opposition passe à l’offensive

El Watan, 11 septembre 2014

Le plan d’action du comité de suivi installé hier devrait être décliné aujourd’hui par un communiqué sanctionnant la rencontre.

Il y avait du beau monde hier au siège national du RCD à El Biar. L’installation du solennel Comité de suivi, prévu par la conférence nationale pour la transition démocratique tenue le 10 juin dernier, a attiré les opposants politiques de tous poils, au propre et au figuré.
L’ambiance au siège du RCD, caractérisée par un carrousel de voitures rutilantes déposant les leaders politiques, rappelait au bon souvenir les luttes démocratiques des années 1990.

Les reporters et les photographes présents en force s’en étaient donné à cœur joie. Dès que la voiture d’un leader politique franchit le portail d’entrée, de nombreux journalistes l’accueillent (ou plutôt le cueillent) l’obligeant à improviser un point de presse avant même le début de la réunion. Particulièrement actif au sein de la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD), le chef du parti Jil Jadid, Soufiane Djilali, est le premier à pointer. Il rejoint directement le bureau de son homologue du RCD, Mohcine Belabbas, situé au premier étage.

Annoncée initialement à 14h, la réunion tant attendue est reportée, nous dit-on, à 15h. La presse s’impatiente dans la petite cour du siège du RCD sous une chaleur étouffante. Mais l’arrivée (14h20) de Ali Benflis à bord d’un bolide allemand noir a réveillé tout le monde. «Ça commence à être sérieux apparemment… », glisse un confrère, un brin refroidi comme beaucoup par l’annonce de la défection de Sid Ahmed Ghozali et Mouloud Hamrouche pour des raisons «d’indisponibilité».

Tout le monde est là

En complet noir, chemise blanche et cravate bleu nuit striée de points blancs, Ali Benflis répond avec beaucoup d’entrain aux nombreuses sollicitations des journalistes. Faisant face à une forêt de microphones, l’ex-chef de gouvernement a fait le tour de la question, l’air plutôt serein. Il débarque à cette réunion avec ses proches collaborateurs au sein du Front du changement que sont Djahid Younsi, Nourredine Bahbouh, Tahar Benbaibeche et Djamel Ben Abdesslam. «C’est une bonne chose que les partis d’opposition se rencontrent pour échanger des points de vue sur le meilleur moyen de régler la crise de légitimité dans notre pays», commente, d’emblée, l’ex-candidat à la présidentielle.

Les questions fusent de toutes parts et sur tous les sujets. Il est même interrogé si Belkhadem allait rejoindre ce Comité de suivi, maintenant qu’il est en rupture de ban avec le pouvoir. «Il n’y a rien à signaler à ce sujet pour l’instant», balaie Ali Benflis. Mais il ne se prive pas de décliner sa vision du «changement politique en Algérie» et la solution de la «crise de légitimité qui passe, enchaîne-t-il, par un retour au processus électoral supervisé par une instance de surveillance indépendante». Sur sa présence à cette réunion, Ali Benflis estime que «pour le Pôle du changement, l’unité de l’opposition nationale constitue un objectif stratégique majeur pour l’ensemble de ses composantes soucieuses de hâter le dépassement de la grave crise de régime à laquelle notre pays est confronté». Visiblement à l’aise face à la presse, Benflis ravit la vedette à tous les autres leaders et a pratiquement improvisée une conférence de presse in situ.

Benflis ravit la vedette

Pendant ce temps, Ahmed Benbitour, également ancien chef de gouvernement, voulant visiblement éviter le «faux barrage» des journalistes, rejoint lui aussi furtivement Mohcine Belabbas et Soufiane Djilali au 1er étage. Mustapha Bouchachi, en rupture de ban avec le FFS, se dirige tout droit vers la salle de réunion. Benflis poursuit son speech dans la cour en embrayant sur la nécessité pour l’opposition de «souder ses rangs autour d’une vision rassembleuse de sortie de la crise politique actuelle».

Ali Benflis sera ainsi happé par les journalistes jusqu’à ce que Kamel Guemazi, membre fondateur du FIS, vêtu d’un qamis blanc, la barbe bien fournie, fait son entrée dans les locaux du RCD en compagnie de Ali Djeddi lui aussi en qamis marron. Les journalistes tentent de leur soutirer une déclaration alors que le duo se dirige tout droit vers la salle de réunion. «Comme nous avons participé à la conférence de Zéralda le 10 juin dernier, nous sommes ici pour essayer de trouver la meilleure voie à un changement pour le bien de l’Algérie», déclare Kamel Guemazi.

«Qu’est-ce que cela vous fait de vous retrouver au siège du RCD qui a toujours été votre adversaire politique ?» interroge un journaliste. «C’est une preuve que nous avons évolué dans notre réflexion et ce genre de rencontres permet d’échanger des points de vue entre partis et personnalités algériens sur ce qu’il faut faire pour sortir le pays de la crise», répond l’ex-maire FIS, d’Alger-Centre. Mokdad Sifi qui vient d’arriver dit à peu près la même chose : «Je suis ici pour participer à cette initiative politique et d’autres encore pour peu qu’elles visent à changer l’Algérie dans le bon sens.» 15h tapantes.

Les organisateurs invitent les participants à rejoindre la salle pour une rencontre à huis clos. Les derniers arrivants, dont Abdelaziz Rahabi, Abderrazak Mokri et Karim Younes, pressent le pas vers le lieu de rencontre, échangeant des saluts avec des journalistes. Une petite photo de famille puis la porte de la salle se referme, laissant les leaders de l’opposition peaufiner leur plan de bataille face à un pouvoir qui ne leur fait pas de cadeau. Une feuille de route devrait faire l’objet d’un communiqué qui sera rendu public aujourd’hui, promet-on.

Le FFS fait machine arrière

Comme il fallait bien s’y attendre, le Front des forces socialistes (FFS) a fini par décliner l’invitation de la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD) de participer à l’installation du Comité de suivi. Dans un communiqué publié sur son site web, ce parti dirigé désormais par Mohamed Nebbou justifie sa décision par son choix de «privilégier les contacts bilatéraux avec les forces politiques et sociales». «En application des résolutions de notre 5e congrès qui visent la reconstruction d’un consensus national, nous avons adopté une feuille de route en conséquence. Dans ce cadre, nous privilégions actuellement des contacts bilatéraux avec les forces politiques et sociales, en vue de réunir une conférence de consensus avant la fin de l’année. Nous ne souhaitons donc pas intégrer cette instance de suivi et de concertation», lit-on dans le communiqué du FFS.

Et comme pour ne pas se fâcher avec tous ces partis et personnalités de l’opposition réunis au grand complet, ce parti les invite à «croire que nous continuons de suivre avec attention, respect et intérêt vos initiatives». Pas de quoi convaincre et l’opposition et l’opinion publique de la pertinence politique de cette décision qui privilégie curieusement une démarche en solo au lieu d’un front unitaire à même de créer un vrai rapport de forces au pouvoir. Question à un dinar symbolique : avec qui le FFS compte-t-il amorcer son «consensus national» alors qu’il joue le dissensus au sein de l’opposition ? (H. M.)

Hassan Moali


Une trentaine de personnalités se sont réunies hier à Alger

La CNLTD trace son programme d’actions

Par : Arab Chih, Liberté, 11 septembre 2014

Lors d’une réunion de plus de quatre heures, la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique s’est dotée d’un règlement intérieur, d’une instance de concertation et a décidé d’élaborer un programme d’actions pour les trois prochains mois.

Trois mois, jour pour jour, après la tenue de la conférence de Zéralda, près d’une trentaine de figures de l’opposition au régime de Bouteflika se sont à nouveau retrouvées hier au siège national du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), à Alger, pour sceller leur union sacrée.
Il y avait, certes, l’absence de quatre personnalités annoncées auparavant (Ali Yahia Abdennour, Sid-Ahmed Ghozali, Mouloud Hamrouche et Karim Tabou) qui n’ont pas jugé utile de se faire représenter. Il y avait aussi la défection de dernière minute du Front des forces socialistes (FFS) qui a préféré creuser son propre sillon. Des fausses notes qui n’ont pas ébranlé les convictions des animateurs de la CNLTD.
C’est que leur satisfaction était grande de constater que de nombreuses personnalités invitées ont répondu présent : deux anciens chefs de gouvernement (Ali Benflis et Mokdad Sifi), deux figures de proue de l’ex-FIS, Kamel Guemazi et Ali Djeddi, deux militants des droits de l’Homme (Mustapha Bouchachi et Salah Dabbouz), un ancien diplomate (Abdelaziz Rahabi) et une bonne flopée d’intellectuels (Ahmed Adhimi, Nacer Djabi, Mohand-Arezki Ferrad, Saïd Bouakba, etc).
C’est dire que la présente initiative de la CNLTD a été une belle réussite. “Notre réunion d’aujourd’hui est d’une importance capitale car elle permettra à plusieurs acteurs de se rencontrer. L’opposition est en train d’élargir ses rangs. Son objectif est de trouver des solutions à une crise politique dangereuse”, a expliqué Ali Benflis, dans une déclaration à la presse avant l’entame de la réunion. Pour l’ancien chef de gouvernement, la solution est “le recours à l’arbitrage du peuple souverain par des élections transparentes supervisées par une instance indépendante”.
Pour l’ancien ministre de la Culture et de la Communication, Abdelaziz Rahabi, la réunion de l’opposition est “un saut qualitatif” en ce sens qu’elle a permis à toutes les forces politiques de s’asseoir autour d’une même table pour “trouver une solution à la crise que connaît le pays”. “Il y a un consensus national sur la nécessité de passer d’un système totalitaire et hyper-présidentiel vers un système démocratique”, a-t-il affirmé, avant d’ajouter qu’“il faut arriver à un accord politique”. Sollicité pour donner son avis sur la nécessité ou non de confier un rôle à l’Armée, l’ancien diplomate a soutenu que “le problème n’est pas celui de l’Armée, mais de la paralysie des institutions”. Pour sa part, Me Mustapha Bouchachi, ancien président de la LADDH et ex-député du FFS, a formulé le vœu
de voir l’opposition “enterrer toutes ses divergences”.
Pour rappel, le principal objectif visé par la CNLTD, en mettant en place cette instance de concertation et de suivi, est de se donner un nouveau cadre au sein duquel se prendra l’essentiel des décisions et actions de l’opposition.


Les 5 décisions de la CNLTD

Par : Arab Chih, Liberté, 11 septembre 2014

Dans un communiqué rendu public à l’issue de sa réunion, hier, au siège du RCD, à Alger, la CNLTD a fait état des décisions prises par les participants. Il s’agit de la création d’une instance de concertation et de suivi et de la désignation de ses membres et de l’adoption d’un règlement intérieur de l’instance. Les participants ont convenu de la nécessité de doter cette instance d’un programme de travail pour les 3 prochains mois, qui sera adopté lors d’une réunion qui aura lieu dans 10 jours. Un accord a été également conclu sur la poursuite de l’action commune pour le changement, les libertés et la transition démocratique. Les participants ont enfin pris la résolution de “s’adresser au peuple et solliciter sa participation au changement”.


Il refuse de siéger au sein de l’instance de concertation et de suivi

À quoi joue le FFS ?

Par : Karim Kebir, Liberté, 11 septembre 2014

Sans surprise, le Front des forces socialistes a décliné diplomatiquement l’invitation de la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD) pour siéger au sein de l’instance de suivi et de concertation, chargée de coordonner les actions de l’opposition et d’élargir le débat autour du projet portant transition politique issu de la conférence de Zéralda du 10 juin dernier, mise en place hier au siège du RCD, à Alger.
Motifs invoqués par le FFS : son choix de privilégier les contacts bilatéraux avec les forces politiques et sociales en perspective de la conférence de consensus national qu’il envisage de réunir avant la fin de l’année en cours. “En application des résolutions de notre 5e congrès qui visent la reconstruction d’un consensus national, nous avons adopté une feuille de route en conséquence. Dans ce cadre, nous privilégions actuellement des contacts bilatéraux avec les forces politiques et sociales, en vue de réunir une conférence de consensus avant la fin de l’année. Nous ne souhaitons donc pas intégrer cette instance de suivi et de concertation”, a expliqué le FFS dans un communiqué rendu public. Toutefois, il soutient qu’il demeure attentif à l’initiative de la CNLTD. “Veuillez croire que nous continuons de suivre avec attention, respect et intérêt vos initiatives”, note ce texte signé par le nouveau premier secrétaire, Mohamed Nebbou.

Si, objectivement, il n’exprime pas une divergence de fond quant à la nécessité de la transition, objectif désormais partagé par l’ensemble de l’opposition, ce refus du FFS traduit, cependant, sa volonté de jouer une espèce d’interface entre l’opposition et le pouvoir. Un avant-goût de ce rôle qu’il veut s’assigner a été donné en juin dernier lorsqu’il avait décidé de participer successivement à la conférence de Zéralda et aux consultations sur le projet de révision de la Constitution pilotées par Ahmed Ouyahia.
“(…) Nous avons engagé activement la préparation de la conférence du consensus national incluant la participation du système à travers ses représentants dans les partis politiques et les organisations gouvernementales, au côté des autres acteurs politiques de l’opposition et de la société civile. Cette participation s’entend à la fois sur le plan de l’organisation, de la définition des objectifs, de l’élaboration du programme et de l’esquisse des résultats escomptés. Votre adhésion à cette initiative est souhaitable dans l’intérêt national. Nous tenons à souligner à cet égard que le rôle du FFS se limite à celui de facilitateur et de catalyseur. Il a l’ambition de créer collectivement le cadre et le climat de confiance entre les différentes parties pour des échanges sereins et fructueux sur les voies et moyens de réaliser un large consensus national pour ouvrir des perspectives nouvelles au pays”, avait déclaré le FFS dans une déclaration remise à Ahmed Ouyahia. Il s’agit donc pour le FFS, en refusant d’adhérer à la démarche de la CNLTD, de se présenter comme le parti à même de “créer le climat” pour un dialogue entre toutes les parties, comprendre entre l’opposition et les différents segments du pouvoir.
Un rôle qu’il s’estime capable de jouer eu égard à son statut de “plus vieux parti d’opposition” longtemps dirigé par un homme historique et charismatique.
Il reste qu’au-delà de cette ambition, le FFS ne veut pas être un simple “wagon” du train “opposition”.