Nabni veut mettre le citoyen au centre de la gouvernance et de la politique de la ville
Nejma Rondeleux, Maghreb Emergent, 08 Juillet 2012
L’initiative « Nabni » (Construire) a achevé samedi l’élaboration de ses rapports thématiques, en présentant des documents sur la « gouvernance » et le « vivre ensemble ». A l’automne, sera présenté un rapport final du Cinquantenaire de l’Indépendance, qui rassemblera les 50 chantiers de rupture.
L’initiative Nabni a présenté, samedi à Alger, deux rapports, portant sur les thèmes du « Vivre ensemble » et de la « Gouvernance », clôturant ainsi le cycle de présentation de ses rapports thématiques engagée au début de l’année. Ces rapports sont un prélude à un document intitulé « Cinquantenaire de l’indépendance : enseignements et vision pour l’Algérie de 2020 », que l’initiative Nabni (Notre Algérie bâtie sur de nouvelles idées) publiera à l’automne.
« La clé du changement est en chacun de nous » a lancé un des membres de Nabni. Un appel qui semble être de plus en plus entendu.
Pour cette dernière journée, largement dominée par les thèmes de la culture et de la ville, le rapporteur Abdelkrim Boudra a reconnu qu’il a été difficile de rassembler des indicateurs précis. Après un bilan de la politique culturelle en Algérie de 1962 à 2000, il a présenté plusieurs « chantiers structurants » indispensables à l’évolution de la culture en Algérie.
Ces chantiers, au nombre de six, comprennent la libéralisation de la production artistique et audiovisuelle en levant les contraintes administratives ; la décentralisation et la promotion d’initiatives locales ; la révision du cadre juridique et réglementaire concernant notamment l’agrément pour les associations et le statut de l’artiste ; l’amélioration du financement des activités culturelles grâce au développement du mécénat et à la défiscalisation à hauteur de 50 % ; le développement des infrastructures sur l’ensemble du territoire national ; l’obligation d’activités culturelles et artistiques au sein du système éducatif.
« La politique urbaine en Algérie se résume essentiellement à la politique de production urgente », a introduit Abdelkrim Boudra sur le thème de la ville. Pour stopper cette machine infernale, Nabni suggère de revenir à l’échelle locale afin de repenser l’organisation des acteurs et permettre ainsi aux citoyens de se « réapproprier leur espace de vie ». Une conclusion partagée par le sociologue de l’urbain Madani Safar Zeitoun, pour qui « il faudrait que ceux qui réfléchissent à l’avenir de la ville algérienne construisent leur réflexion autour de ce nouveau lien social que les gens sont en train de bricoler, d’aménager dans leur vie quotidienne ».
Même constat pour l’architecte Larbi Merhoum, qui dénonce l’appropriation de la politique urbaine par le wali, « une autorité administrative qui n’a de comptes à rendre qu’au président de la République ». « Les élus n’ont absolument aucun pouvoir pour faire la ville », regrette-t-il.
« Rétablir la balance en faveur du citoyen et des institutions »
« Tous les chantiers de Nabni 2020 reposent sur une refonte de la gouvernance publique, » a déclaré de son côté le rapporteur pour la gouvernance, Najy Benhassine. Véritable « colonne vertébrale », la gouvernance est donc naturellement venue clore l’ensemble des travaux de publications. « Réformer la gouvernance, c’est changer les incitations dans toutes les institutions : les clés sont en chacun de nous », a affirmé » Najy Benhassine. C’est là un préalable indispensable pour avancer, et dépasser « ce mythe paralysant que rien n’est possible sans changement de système », a-t-il dit.
Ce pré-requis accepté, Nabni a présenté les différentes clés nécessaires pour le changement réel : responsabiliser chaque maillon de l’Etat envers le citoyen, reconstruire les mécanismes internes de redevabilité, donner les moyens aux citoyens de responsabiliser l’état. « Le changement ne peut venir que de la société civile, car l’Etat est pris au piège », a conclu Zoubir Benhamouche, membre de l’initiative Nabni.
Quand la société civile s’empare de l’initiative
Nabni mise beaucoup sur le débat libre, et organise des discussions tout au long du processus d’élaboration et de présentation de ses rapports. La démarche permet d’améliorer le contenu des rapports et de convaincre des citoyens et des universitaires à priori sceptiques. Fadila Amrani, enseignante à l’Université des sciences et technologies Houari Boumediene d’Alger (USTHB), a ainsi été convaincue par l’initiative, « absolument porteuse de rêves ». « Je deviens de plus en plus négative, et finis à ne plus croire en rien, mais je ne veux pas céder à ce fatalisme. L’essentiel avec Nabni, c’est la volonté et il ne faut pas la casser », confie-t-elle, affirmant qu’elle veut s’engager davantage dans l’initiative.
Nadia Ouzzir, jeune médecin en oncologie, a elle aussi décidé de prendre part au projet en intégrant la commission sur la santé. « Au départ, je n’y croyais pas, comme la plupart des gens. Malheureusement, toute initiative est systématiquement suspecte », témoigne la jeune femme, qui espère que le projet Nabni réussisse à se développer auprès d’un large public pour devenir plus interactif. Au fond, « c’est une sorte de thérapie de groupe », conclut-elle.
Les personnes intéressées par une participation à l’initiative Nabni peuvent s’inscrire sur le site www.nabni.org, afin de proposer leurs contributions aux travaux sur les cinq thèmes retenus : développement économique et création d’emplois (publié le 26 mai), éducation, savoir et innovation (publié le 2 juin), santé, protection sociale et lutte contre la précarité (publié le 16 juin). Nabni aura finalisé et présentera cet automne le rapport du Cinquantenaire de l’Indépendance, qui rassemblera les 50 chantiers de rupture.