Mouloud Hamrouche: «La sortie de crise doit être négociée»

CONFÉRENCE DE MOULOUD HAMROUCHE À ANNABA

«La sortie de crise doit être négociée»

Le Soir d’Algérie, 24 août 2014

Ancien chef du gouvernement sous le mandat du défunt président Chadli Bendjedid, Mouloud Hamrouche était en visite hier samedi à Annaba.

L’étape de Annaba constitue une poursuite du périple national qu’il avait entamé depuis quelques mois, après une éclipse de plusieurs années. Accueilli par un comité autonome composé d’universitaires, de représentants de la société civile, chargé de l’organisation de cette visite, il a animé, en fin d’après-midi, un meeting populaire au théâtre régional Azzedine-Medjoubi où avaient pris place plusieurs centaines de citoyens, animateurs du mouvement associatif local et représentants locaux de différents partis politiques. L’accueil a été à la mesure du personnage. C’est-à-dire aussi grand que les idées que ce dernier a développées tout au long de son intervention lors de cette conférence. Gestion politique, économique et sociale du pays, relations internationales avec les pays voisins et du monde, instabilité dans les pays de la région, notamment au Maghreb et dans le Sahel ont été au centre de sa conférence qui a duré plus d’une heure. Mais il a aussi évoqué plusieurs autres pays anciennement colonisés à l’instar de la majorité de ceux du tiers-monde ou membres du mouvement de non-alignement. Mouloud Hamrouche a d’abord expliqué le concept de l’État nation et les spécificités ou règles qui président à sa formation, avant d’aborder les difficiles relations de ce dernier avec le reste du monde notamment dans un contexte de mondialisation où il n’y a pas de place pour les faibles. Ce qu’explique le thème choisi de cette conférence: «l’Etat-nation et les défis de la mondialisation». «Même si une partie de la crise et le fait de situations extérieures, les deux tiers de celle-ci sont à imputer à des responsabilités nationales », estime le conférencier. L’ancien chef de gouvernement de la fin des années quatre-vingt n’a pas cité de nom ou une quelconque qualité de ceux à l’origine de cette crise. Il n’a pas directement mis en cause et encore moins cité un quelconque parti politique, une institution de la République comme en étant à l’origine. Au fil de son discours, il a préconisé une démarche pour sortir le pays de la crise dans laquelle ce dernier est embourbé depuis des années. Pour lui, la situation politique et socioéconomique que vit le pays n’est pas reluisante. Dans ce contexte, il appelle à un consensus national intégrant l’ensemble des forces vives de la nation dans la recherche d’une sortie négociée de la crise multidimensionnelle à travers la validation d’un projet national nouveau. Il énumère, dans ce cadre, nombre de problèmes vécus par le citoyen qui fragilisent l’autorité de l’État et constituent des risques majeurs pour son devenir. Il a axé une bonne partie de son intervention sur les relations Étatcitoyen. «Le citoyen s’identifie à l’État-nation. Celui-ci est tenu de lui assurer une vie décente comme il est responsable de sa protection ainsi que celle de ses biens», a affirmé Mouloud Hamrouche. Il a rarement été interrompu par les applaudissements du public qui écoutait sagement ses developpements. En fait, l’ancien chef du gouvernement a axé son intervention sur les maux qui rongent la société algérienne. Particulièrement la corruption, la dilapidation des deniers publics, le blanchiment d’argent, le pillage systématique du patrimoine foncier de l’État, l’influence exercée sur les administrations de la République par des individus ayant payé une qualité officielle, la protection dont jouissent ces derniers pour s’accaparer de surfaces foncières appartenant à l’État et beaucoup d’autres actes passibles des tribunaux que Mouloud Hamrouche a soulevés tout au long de sa conférence. A l’issue de sa conférence, l’ancien chef du gouvernement a débattu avec l’assistance de sujets divers en relation avec la vie politique nationale et la situation internationale marquée par les agressions contre le peuple palestinien spolié de sa terre.
A. Bouacha


Mouloud Hamrouche : «Je n’ai jamais appelé l’armée à s’immiscer dans le champ politique»

El Watan, 24 août 2014

Mes propos ont été mal interprétés. Je n’ai jamais appelé l’armée à s’immiscer dans le champ politique. Bien au contraire, j’ai dit que l’institution militaire doit s’en tenir éloignée et rester à l’écart de toute manœuvre politicienne», a insisté Mouloud Hamrouche, en marge d’une conférence sur le thème «L’Etat-nation à l’épreuve de la mondialisation», qu’il a animée, hier au théâtre Azzeddine Medjoubi de Annaba.

L’idée que propose l’ancien chef de gouvernement, qui est intervenu à cette tribune à l’invitation d’un groupe de professeurs de l’université Badji Mokhtar, consiste à «élaborer un consensus national nouveau, fondé sur notre identité, notre sécurité et notre projet national d’instaurer un Etat démocratique fort, qui garantisse les droits et l’égalité entre tous les Algériens.

Ce consensus national nouveau, où l’armée peut être associée et jouer son rôle en tant qu’institution constitutionnelle en passant d’un système autoritaire vers un système ouvert et démocratique». Devant un parterre tout ouïe, composé d’universitaires, de militants de différents partis politiques et de représentants de la société civile, le «père des réformes», tout aussi méfiant, s’est gardé de s’étaler sur le retour de Bouteflika au palais d’El Mouradia, se contentant de dire : «L’Algérie a un président pour un quatrième mandat, qui exerce ses fonctions, et ce, quels que fussent les résultats du scrutin, les analyses faites, les lectures données ou encore les critiques.»

Le conférencier, dans une allusion à peine voilée aux hommes de l’ombre, souligne les impératifs de sécurité et de stabilité du pays qui doivent être pris très au sérieux. Car, «le pays est dans une situation dangereuse non seulement en raison de la crise qui a touché les institutions-clés mais aussi et surtout du fait des enjeux de la mondialisation et de la menace qui pèsent sur notre pays, considérant les crises et les conflits qui secouent actuellement le Moyen-Orient, l’Irak, la Syrie et la Libye pour ne citer que ces exemples».

Pour l’hôte de Annaba, l’Etat-nation doit être garant de la stabilité, de la sécurité de ses citoyens, du respect des libertés collectives et individuelles et des droits de l’homme. Clairement, seuls les Etats démocratiques et les Etats de droit peuvent garantir la stabilité. Dans le même ordre d’idées, Mouloud Hamrouche n’a pas cessé d’insister sur la nécessité de faire sortir le pays de son impasse et de le sauver ainsi du blocage. Conscient de la gravité de la situation, il met en garde contre les retombées et les conséquences d’une volonté de maintenir le pays dans cette impasse.

«Le citoyen a besoin de vivre dans la sérénité et la confiance. Cette sérénité et cette confiance doivent également régner entre leur Etat et l’armée, d’autant plus que nous vivons dans une situation plus que menaçante. Nous devons tous œuvrer à trouver les voies et les moyens susceptibles de rapprocher le citoyen de l’Etat.» Hamrouche, qui a gardé intacte sa foi en le changement mettra en garde, encore une fois, contre le danger qui guette le pays : «Le risque est réel.»
Naima Benouaret