Hamrouche: «Je ne demande pas à l’armée d’être partisane»

HAMROUCHE À BOUMERDÈS

«Je ne demande pas à l’armée d’être partisane»

Le Soir d’Algérie, 27 août 2014

L’ancien chef de gouvernement sous Chadli et chef de file, au début des années 1990, des réformateurs, Mouloud Hamrouche, a été l’invité, hier, du Front du changement, FC, de Abdelmadjid Menasra. L’enfant du Système, comme il se définit lui-même, multiplie ces derniers mois des sorties culturelles mais avec une forte connotation politique. Ses positions notamment celle en relation avec le rôle de l’armée dans la transition politique visant à bâtir un consensus national conduisant la nation vers la reconstruction d’un Etat démocratique jugée par certains, quelque peu floue pour ne pas dire ambigüe. Elle suscite d’ailleurs de l’appréhension pour les uns et le rejet pour d’autres, singulièrement les démocrates. L’argument de ces derniers est que c’est l’armée qui est responsable de la crise récurrente qui sévit dans le pays. Pour preuve, ils avancent les 4 mandats concédés à Bouteflika. A chaque fois, ils citent la fameuse phrase de l’ancien chef d’état-major de l’ANP, feu général major Mohamed Lamari. «Nous avons choisi le moins mauvais. » D’où leur méfiance par rapport à ce que dit Hamrouche qui a, notons-le, un poids non négligeable au sein de l’opinion publique algérienne. Partant de ce constat, les militants politiques et autres observateurs ont accouru vers l’Institut national de formation hôtelière d’El Kerma (ex-Figuier) où se déroule l’université d’été du Front du changement attendant des éclaircissements de la part de l’homme politique. A la fin de sa conférence, l’ancien chef de gouvernement a aimablement répondu à notre demande d’éclaircissements sur les tâches qui seront, d’après lui, dévolues à l’armée dans le processus qui se met en place pour un changement démocratique en Algérie. Pour Hamrouche, l’intérêt d’une armée pour la politique n’est pas spécifique à l’Algérie. «La place de l’armée dans l’Etat n’est pas une avancée spécifiquement algérienne. C’est une expérience humaine qui date du quinzième siècle. Par ailleurs, l’armée est la colonne vertébrale de l’Etat et de la nation», dira-t-il en préambule à sa réponse et d’ajouter pour clarifier sa position : «S’il y a des rapports de force politiques dans notre pays, ils le seront entre les partis politiques, la société civile et le pouvoir. Ce n’est pas à l’opposition d’inverser ce rapport de force avec l’Etat ou l’armée. La démocratie est l’affaire de tous ; les partis politiques, l’opposition et le pouvoir. Je crois que le malentendu vient de là. Bien sûr l’armée ne peut pas être totalement apolitique. Mais elle ne peut pas être partisane. Le devoir des éléments de l’armée est de servir le pays et la nation. Si ce n’est pas clair, je ne sais pas comment le dire. Apparemment ce que j’ai dit a dérangé certains.» Dans l’approche du chef de file des réformateurs, la classe politique n’a pas à discuter de la nature de l’Etat puisqu’elle est déterminée par l’appel du 1er Novembre et la plateforme de la Soummam mais des règles de gouvernance. «Le consensus, c’est comment gouverner le pays. Ce n’est pas par quoi et par qui gouverner le pays. Qui gouverne le pays fait l’objet d’une compétition. Comment gouverner est la problématique. Quelles que soient les personnes ou les couleurs des majorités qui arrivent au pouvoir, ces personnes et ces majorités ne pourront pas exercer ce pouvoir en dehors des règles préétablies. Ce n’est pas après une élection qu’on détermine comment gouverner le pays. Quelles que soient les personnes et les forces politiques qui entrent en compétition il faudrait qu’elles gouvernent par la suite le pays selon un canevas préalablement arrêté. Ce n’est pas après une élection qu’on décrète une méthode de gouvernance. Cela veut dire donc qu’il faut mettre en place des mécanismes pour qu’une majorité qui arrive au pouvoir ne perturbe pas gravement le fonctionnement de l’Etat. C’est dans ce sens que j’ai dit que l’armée ne peut pas être absente. On ne lui demande pas d’arbitrer la compétition entre les partis politiques.»
La naissance de l’identité algérienne revue par Hamrouche
Lors de son intervention devant les militants et les invités du Front du changement, Hamrouche a animé une conférence, académique, intitulée : «Rôle des institutions d’Etat dans le processus du changement démocratique». L’orateur a commencé par disserter longuement sur l’identité en général et, d’après lui, les prémices de la naissance de l’identité algérienne. Il estime en effet que la détermination de l’identité est fondamentale pour l’édification d’un Etat. Ces balbutiements pour la revendication d’une identité algérienne ont commencé, affirme l’orateur, le jour même (5 juillet 1830) de la signature de l’acte de reddition du Bey d’Alger laissant les autochtones seuls devant l’armée du colonisateur. «Les autochtones pensaient que l’armée turque qui était musulmane ne devait pas abandonner d’autres musulmans à leur propre sort. C’est malheureusement arrivé. Dès lors, les autochtones commençaient à résister contre le colonisateur pour eux-mêmes. » Explique-t-il pour préciser ensuite que c’est l’Emir Abdelkader qui le premier a introduit la notion de l’Algérianité puisque il s’est donné le nom de Abdelkader Mahieddine Al Djazaïri. Dans cette quête de l’identité, le conférencier cite deux étapes importantes à savoir, l’instauration, en 1911, du service militaire et l’émigration. Il dira à ce propos : «Les circonscrits originaires du territoire algérien refusaient de dire “nous sommes des militaires français” mais ne disaient pas non plus “nous sommes des militaires algériens”. Les travailleurs émigrés ne disaient pas que “nous sommes des travailleurs français” comme ils ne disaient pas non plus “nous sommes des travailleurs algériens”. Ces musulmans savaient déjà qu’ils n’appartenaient pas à la communauté française. C’est avec la création de l’Etoile nord-africaine, de l’organisation des officiers algériens par l’Emir puis plus tard du PPA que la revendication prend un contour plus précis.» Hamrouche donne une seule facette de la construction de l’identité algérienne. Il n’a pas abordé l’aspect culturel ni l’aspect sociolinguistique. L’orateur n’a-t-il pas abordé le thème relatif à la prise de conscience politique de l’appartenance à une grande communauté religieuse sans tenir compte des autres composantes de la personnalité algérienne ?
Abachi L.