Une autre marche samedi prochain : La Coordination remet ça !
El Watan, 14 février 2011
Maintenir la mobilisation. Après l’empêchement de son action avant-hier, la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) revient à la charge.
Elle décide d’organiser une nouvelle marche, à Alger, samedi prochain. La décision a été prise à l’issue de la réunion des membres de la CNCD, hier à la maison des syndicats, à Alger. La manifestation suivra le même itinéraire que celui que devait emprunter la marche de samedi dernier et qui a été violemment réprimée par la police.
L’idée d’appeler à une autre action est suggérée, dès l’ouverture des travaux de cette rencontre, par le président d’honneur de la Ligue algérienne pour les droits de l’homme (LADDH), Ali Yahia Abdennour. Prenant la parole en premier, ce dernier a, en effet, proposé des rassemblements hebdomadaires (chaque samedi) au niveau de la place du 1er Mai : «Je propose l’idée d’organiser des rassemblements chaque samedi jusqu’à ce que le peuple descende dans la rue. La révolution est dans la rue. Si nous décidons de nous réunir samedi prochain, il y aura plus du monde.» La proposition est soumise immédiatement à débat ; elle est acceptée d’emblée par les présents.
Au bout de plusieurs heures de discussions, parfois houleuses, ces derniers sont parvenus à un consensus et ont adopté, à main levée, la décision d’organiser une nouvelle marche. De plus, les membres de la CNCD se sont entendus sur le principe d’appeler à une grève générale, sans toutefois arrêter la date de cette action. «Il faudra d’abord mûrir cette idée et consulter le monde du travail avant de trancher», expliquent la majorité des intervenants.
Afin de renforcer leurs rangs, les représentants ont également décidé d’ouvrir la CNCD à d’autres organisations et acteurs de la société civile qui souhaitent adhérer à cette action. Cette réunion a été également une occasion pour les membres de la Coordination de faire le bilan de la marche de samedi dernier et de relever les insuffisances en matière d’organisation. Bilan d’abord.
Les représentants des partis, des organisations et des personnalités faisant partie de la CNCD sont unanimes : «La marche a été une réussite sur la plan politique et médiatique.» Ils mettent l’accent en particulier sur l’importance de la mobilisation populaire suscitée par cette marche. «Malgré l’état de siège, des milliers de personnes ont manifesté samedi à Alger. Il n’y avait pas que 250 personnes seulement comme l’a affirmé le ministre de l’Intérieur. Rien que dans les commissariats, il y en avait plus de 300», notent-ils. Dans ce sens, les intervenants dénoncent la répression disproportionnée exercée contre les manifestants : «Plus de 30 000 policiers ont été mobilisés pour empêcher les gens de marcher dans la capitale. De plus, un élu de l’APC d’Alger a payé des jeunes pour provoquer les manifestants avec la bénédiction de la police.»
Par ailleurs, les intervenants soulignent l’existence d’insuffisances d’ordre organisationnel qu’il faudra corriger lors de la prochaine action. En outre, les présents dénoncent «la désinformation et le traitement impartial de la dernière marche par les médias lourds, notamment l’ENTV».
Des journalistes de la Télévision nationale, venus couvrir pour la première fois une réunion de la CNCD, ont été priés de quitter les lieux. Cela a failli provoquer des mésententes entre les membres de la Coordination, puisque certains d’entre eux n’étaient pas contre la présence de représentants de l’Unique dans la salle.
La CNCD a aussi dénoncé les contradictions des autorités concernant l’autorisation des marches à l’intérieur du pays. «A Oran, Annaba et Constantine, les manifestants ont été tabassés et arrêtés», remarquent-ils.
Madjid Makedhi
Petits réglages en vue de la prochaine manif
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le 14.02.11 | 03h00 Réagissez
En dépit du dispositif policier disproportionné déployé par le régime, force est de reconnaître que l’action de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie de samedi fut un franc succès au large impact politique, psychologique et médiatique.
Un succès d’abord parce que, occuper une place forte comme celle du 1er Mai en plein état d’urgence, en pleine hystérie policière qui s’acharne à réprimer toutes les manifestations publiques, a fortiori à Alger, est en soi une gageure. Un succès ensuite parce que l’appel de la CNCD a mobilisé différents segments de la société et a été suivi par des gens de tout âge et de toute condition. Un succès aussi en ce sens que la marche du 12 a réuni un large spectre de sensibilités politiques. En témoigne l’aréopage de personnalités politiques qui ont fait le déplacement au Champ de Manœuvres.
Ce rassemblement était, en outre, un succès numérique dans la mesure où, en dépit de l’appareil répressif mis en branle, et des centaines de personnes interpellées, des bus et voitures refoulés et des militants intimidés, ils ont tout de même été quelques milliers à scander «Echaâb yourid isqat ennidham» (le peuple veut la chute du régime). Last but not least : l’initiative de la CNCD a été un succès parce qu’il n’y a pas eu de casse. Le pouvoir s’est souvent complu à dissuader les Algériens de manifester leur courroux en brandissant tantôt l’épouvantail de l’islamisme, tantôt celui des voyous. Et tout le monde aura remarqué que même avec ses «baltaguia», il n’a pas réussi à faire perdre leur lucidité aux manifestants ni à les faire tomber dans le piège de la violence pour ensuite justifier une répression plus féroce. Au vu donc de tous ces paramètres, nous pouvons le dire en toute objectivité : l’action de la CNCD est loin d’être un flop. Seule ombre au tableau : les couacs relevés dans le dispositif organisationnel et sur lesquels nos amis de la CNCD vont certainement se pencher.
Certes, la stratégie de la commission technique de préparation de la marche du 12 a toujours été de laisser le soin aux organisations membres d’affiner à leur échelle les détails de la marche. Mais voilà : tout n’a pas été au beau fixe le jour J, et la répression, si excessive soit-elle, n’explique pas tout. Exemple : alors que certains militants avaient proposé de distinguer le «comité d’accueil» par un brassard, un gilet ou un t-shirt d’une couleur donnée, cela n’a pas été observé par les organisateurs. Des lacunes ont été également constatées dans la confection des banderoles, les affiches et autre matériel rentrant dans la «signalétique» de la manif. Une défaillance due, entre autres, à l’insuffisance des moyens financiers et logistiques.
A ce propos, un effort particulier est à consentir sur le plan du design et de tout ce qui est visuel. Mais le plus grand ratage de samedi, faut-il l’admettre, c’est la «finition». En l’occurrence, il n’aura pas échappé aux observateurs qu’au moment où de nouvelles vagues de citoyens affluaient place de la Concorde, ils ne trouvaient que les petits jeunes du quartier pour les encadrer. Les organisateurs et les leaders du mouvement semblaient s’être volatilisés. A moins qu’ils ne fussent eux-mêmes surpris par le niveau et la qualité de la mobilisation. Des participants étaient, par ailleurs, frustrés qu’il n’y ait pas eu de prise de parole pour s’adresser à la foule. A la décharge des organisateurs, il faut avouer que le quadrillage hermétique des manifestants, le personnel d’encadrement en tête ne pouvait se permettre de faire des discours, avec tribune et mégaphone, comme dans une manif «normale».
Enfin, d’aucuns ont souhaité qu’il y ait des porte-parole de la CNCD pour répondre aux sollicitations de la presse, informer l’opinion heure par heure, notamment pour faire le point sur les interpellations et les éventuels blessés. Une cellule d’alerte est de mise en la circonstance. Egalement une alerte «facebook» aurait été la bienvenue, en veillant à poster à intervalles réguliers des contenus texte et vidéo, les réseaux sociaux étant devenus – et les révolutions tunisienne et égyptienne l’ont largement démontré – le premier média du moment. Une page «CNCD» serait ainsi un bon support pour alimenter les sites d’information et autres chaînes en continu. De l’agit-prop avec des techniques modernes : voilà en gros la recette.
Autant de petits réglages qui s’avèrent d’autant plus utiles que la CNCD entend inscrire son action dans la durée.
Mustapha Benfodil