L’anthropologue Ahmed Ben Naoum : « Les Cha’anbas ne sont pas ethniquement arabes »
El Watan, 13 juillet 2015
S’élevant contre des contrevérités colportées et tendant à faire accroire que le conflit dans le Mzab opposerait des Arabes à des Berbères, Ahmed Ben Naoum remet les pendules à l’heure en rappelant que l’origine ethnique des Cha’anbas –et non Chamba- est zénète donc berbère.
C’est à travers un post publié sur son compte Facebook que ce professeur d’anthropologie à l’Université de Perpignan s’est exprimé. Pour rappel Ben Naoum a été chercheur à l’Université d’Alger puis Directeur du Centre National de Recherches Préhistoriques Anthropologiques et Historiques d’Alger (CNRPAH). Ses recherches portent sur l’anthropologie des territoires et des cultures, l’anthropologie des pratiques religieuses et l’épistémologie des sciences de l’Homme et de la société.
D’emblée, il déclare : « Je veux être poli et ne pas hurler à cause des énormités racistes qui sont diffusées dans les medias (…) : les nôtres !!! Les Cha’anba, et non selon la prononciation française « ChaMba », ne sont pas des « Arabes ». Le dire constitue au mieux une erreur due à l’ignorance, au pire à un mensonge consciemment construitet diffusé en vue de NUIRE. C’est une contre vérité historique. Ils ne sont aucunement une fraction de B’ni H’lel ou B’ni Soleym. »
L’universitaire en tient pour preuve « Kitab el Ibar », l’ouvrage de référence en la matière, qui n’en fait nullement mention : « Les Cha’anba font partie de la majorité ZÉNÈTE de ce pays. Ils n’ont aucun mythe fondateur les rattachant aux « Arabes » ! Eux- mêmes ont été arabisés comme l’ont été les autres Zénètes, sauf à dire qu’ils expriment leur culture dans une des langues arabes qu’ils ont largement « zénétisée » dans la morphologie et la syntaxe. »
Il indique par ailleurs qu’ils sont dispersés d’est en ouest entre l’Atlas Saharien et les grands Ergs depuis Touggourt jusqu’à Oued En-Namous et qu’ils « n’ont aucun ancêtre fondateur commun et leurs tribus sont autonomes les unes par rapport aux autres : les Mouadhi (Metlili) ; Brazga (el M’ni a’) ; Hebb er Rih (Ouargla) ; et d’autres fractions comme Ouled ‘Aïcha (B’ni ‘Abbès) par exemple qui nomadisent dans le Grand Erg Occidental. Ils ont toujours entretenu des relations tendues ou de coopération avec toutes les Oasis. »
Dans sa diatribe, le professeur indique que les conflits avec ces dernières ont toujours été régulés par les sages et surtout par la Tariqa çofiya des Ouled Sidi Cheikh. Par ailleurs la cause des conflits en question avait trait aux intérêts dans les palmeraies et le contrôle des routes commerciales et qu’il n’a jamais été question de Berbères et d’Arabes comme certains veulent le faire croire « en investissant à posteriori les problèmes du nord dans ceux du sud. Non plus qu’entre malékites et ibadhites. »
Elargissant l’analyse, il soutient qu’aujourd’hui « se conjuguent des agendas extérieurs et des intérêts locaux dans le complexe des causes des flambées de violence devenues chroniques, notamment les mafias du foncier, la prolétarisation et la sédentarisation effrénées des dizaines de milliers de nomades de tout horizon, parmi lesquels les Cha’anba, et l’arrivée de gens du nord en masse, dans une vallée exiguë, où ne vivaient que les ibadhites . (…) Alors, les gens qui croient qu’il s’agit d’un problème entre « Arabes » et Berbères prennent leurs fantasmes pour des réalités. Les ibadhites parlent la langue des Zénètes ET l’arabe des Zénètes. Ils ont toujours été parfaitement bilingues et ont toujours été instruits en arabe. C’est un FAIT et les FAITS sont têtus ! L’Algérie gène des intérêts colossaux. Elle tombera si nous ne prenons pas conscience que nous sommes déjà dans la gueule du monstre. Notre ignorance de notre propre histoire crée la division dans notre société. Notre université, par sa nullité voulue et construite est aussi un instrument ACTIF d’un futur « printemps arabe ». »
Mohamed Kali